LA PROTECTION D’UNE APPLICATION MOBILE

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/ Juin 2021 /

Chaque jour, plusieurs milliers d’applications apparaissent afin de satisfaire les besoins et les plaisirs des mobinautes. En effet, le téléphone mobile et la tablette sont aujourd’hui devenus les accessoires indispensables des consommateurs et à l’aide des applications proposées tout devient possible ou presque.

Les acteurs de tous les secteurs d’activité confondus ont bien compris la demande et ne cessent de se conformer au marché pour bénéficier de l’intérêt économique que présente ce nouvel outil de communication performant.Mais qu’en est-il du cadre applicable relatif à la protection d’une application mobile ?

Les premières applications mobiles ont vu le jour dans les années 90, et la France est d’ailleurs une des sociétés « numérisées » ayant su s’adapter rapidement, disposant déjà d’outils nationaux comme le minitel qui, s’il n’est pas un objet mobile, fonctionnait déjà sur la base d’applications.


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Mais l’essor des applications mobiles se situe réellement au tournant des années 2000, lorsque des entreprises célèbres comme Apple en ont fait un outil marketing identitaire fort, axant leurs produits sur cette « interopérabilité » des services. Dès lors, il importe d’encadrer les pratiques de ce marché en plein essor, en prévoyant une protection efficace pour les applications mobiles.

Il faut savoir qu’aujourd’hui, plusieurs types d’applications existent. Certaines applications sont gratuites et auquel cas les créateurs se rémunèrent grâce à la publicité et aux achats « in-app » alors que d’autres sont payantes.

D’autres entreprises, encore, adoptent le modèle du « free-to-play », qui consiste à proposer une application mobile de jeu gratuite à télécharger, mais proposant du contenu additionnel facturé au sein même de l’application pour quelques euros (on parle dès lors de « micro-paiements »).

Cette pratique, tout comme le modèle du « pay-to-win » (qui pousse à l’excès le concept en proposant des achats presque « nécessaires » à la poursuite des objectifs proposés par le jeu), sont des systèmes économiques extrêmement rentables pour ces entreprises.

Certaines applications sont gratuites et les créateurs se rémunèrent grâce à la publicité et aux achats « in-app » alors que d’autres sont payantes. À titre d’exemple, l’application gratuite Candy Crush Saga (avec ses options payantes) générerait un revenu de plus de 600 000 dollars par jour.

Malgré tout cela, selon les données de l’entreprise Sensor Tower, en 2019 l’application mobile la plus rentable pour ses créateurs ne serait pas un jeu, mais serait l’application de rencontre Tinder enregistrant environ 261 millions de dollars de revenus au premier trimestre 2019, devant 216 millions pour l’application de streaming Netflix sur la même période.

Actuellement, de plus en plus d’applications mobiles sont téléchargées, cette tendance allant de pair avec la vente des Smartphones , elle aussi en forte augmentation.

La plupart des applications nécessitent une connexion Internet (réseaux sociaux, GPS, navigateur, etc.) pour fonctionner alors que d’autres, telles qu’une calculatrice, un carnet de contacts, ou une boussole, vont œuvrer en toute autonomie.

Ainsi, une application est proposée par un « éditeur » (le concepteur) pour un « utilisateur », le plus souvent grâce à un « intermédiaire » ou « fournisseur ». L’éditeur peut également développer pour le compte d’un tiers, notamment pour une société souhaitant distribuer une nouvelle application professionnelle, ou pour le compte de son employeur dans le cadre d’un contrat de travail.

Les applications mobiles qui s’apparentent à des logiciels sont soumises à des règles de droit et notamment au droit de la propriété intellectuelle qui encadre les applications mobiles. En effet, comment protéger ce logiciel mobile ? Quels sont les éléments protégeables de cette application mobile par la propriété intellectuelle ?

Ces applications sont régies par un cadre juridique existant avant leur création, mais qui leur est cependant bel et bien applicable. Ainsi, le cas des applications mobiles n’est pas fondamentalement différent de celui des applications informatiques classiques. Une application pouvant être composée de bases de données, d’éléments logiciels, d’une interface graphique, mais aussi d’autres éléments comme un nom, un logo et éventuellement des musiques, nous verrons dans une première partie la protection des bases de données (I), puis, dans une seconde partie, la protection des codes sources, de l’interface graphique et des autres éléments qui composent l’application mobile (II) pour enfin voir dans une troisième partie comment prévenir et réagir dans le cas d’une atteinte à une application mobile (III).


I- La protection du contenu des bases de données

Les bases de données sont des valeurs très importantes. Le législateur européen a eu comme projet d’inciter et de récompenser ceux qui, dans la société d’information, n’ont pas créé les informations, mais les collectent et les organisent. La protection de ces créations va être assurée par le droit d’auteur (A), mais aussi par un droit sui generis créé par la directive du 11 mars 1996 (B).

A) La protection par le droit d’auteur des bases de données

Les bases de données sont « un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen » (article L112-3 al 2 du Code de la propriété intellectuelle). Trois objets sont donc possibles de droit : les données brutes ou traitées, le contenant c’est-à-dire la base elle-même, et le contenu informationnel de la base c’est-à-dire le fait que l’on ait rassemblé des données dispersées, ce qui ajoute une plus-value.

De plus, selon l’article 10 al 2 du texte de l’accord sur les ADPIC, il y a également indépendance des objets protégés : « Cette protection, qui ne s’étendra pas aux données ou éléments eux-mêmes, sera sans préjudice de tout droit d’auteur subsistant pour les données ou éléments eux-mêmes ».

Cela suppose que l’on peut avoir plusieurs titulaires. Ainsi, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telles par le droit d’auteur. A l’inverse, conformément à deux décisions de la Cour de cassation du 22 septembre 2011 et du 14 novembre 2013, un logiciel issu d’une « logique automatique et contraignante » ne résultera pas de « choix libres et créatifs de son auteur » et ne sera pas protégé par le droit d’auteur.

L’objet de la protection se situe dans l’architecture de la base à condition qu’elle soit originale par le choix ou la disposition des matières. Qui est titulaire de cette protection ? La personne physique qui a créé l’application, mais également la personne morale.

En effet, certaines applications constituent des œuvres complexes et peuvent être jugées comme des œuvres de collaboration (application Instagram) ou des œuvres collectives. L’auteur va ainsi pouvoir interdire aux tiers de reproduire la structure de la base. Cependant, l’on constate que les concurrents sont plus intéressés par le contenu de la base que par la structure, d’où la protection complémentaire par un droit sui generis.

B) La protection par le droit sui generis des bases de données

L’objectif de cette protection est d’accorder un retour sur investissement en protégeant le contenu de la base c’est-à-dire le rassemblement des données (article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle). Seront titulaire du droit des bases de données : le fabricant, celui qui a eu l’initiative du projet, ou bien le producteur, celui qui supporte le risque des investissements et qui peut être différent du créateur.

Pour qu’il y ait protection, il faut faire preuve d’un investissement substantiel d’un point de vue qualitatif ou quantitatif. L’appréciation quantitative fait référence à des moyens chiffrables tandis que l’appréciation qualitative fait référence à des efforts non quantifiables tels qu’un effort intellectuel ou une dépense d’énergie (CJCE 9 novembre 2004, The British Horseracing Board).

Ainsi, le titulaire du droit se verra la possibilité d’interdire l’extraction ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base ou l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties non substantielles qui causent un préjudice au producteur. La durée de protection est de 15 ans à compter de l’achèvement de la base, mais tout investissement substantiel fait repartir le délai. Il faut également préciser que ces droits naissent sans aucune formalité de dépôt.

Au demeurant, il convient d’envisager la mise en place de procédures simples visant à constituer des moyens de preuve dans le cas où il faudrait reconnaître un droit d’auteur ou des droits de producteurs de base de données (enveloppe Soleau, services de l’APP, dépôt auprès d’une société d’auteurs...)


II- La protection des codes sources, de l’interface graphique et du reste

Les applications mobiles sont composées d’un logiciel (lui-même composé d’un code source) qui va permettre de faire fonctionner l’application ainsi que d’une interface graphique qui est le lien entre l’homme et la machine dans lequel les objets à manipuler sont dessinés sous forme de pictogrammes à l’écran (A), mais également d’autres éléments tels qu’un nom, un logo et éventuellement des musiques (B).

A) La protection des codes sources et de l’interface graphique

Le droit de la propriété intellectuelle protège « les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire » par une protection spécifique par le droit d’auteur. Ainsi, le code source (ou le code objet) est susceptible de protection : « Les programmes en langage source sont différents, leurs structures diffèrent ainsi que leurs styles de programmation ».

Or, pour qu’il y ait protection il faut une originalité définit par un arrêt de l’assemblée plénière du 7 mars 1986 : « leur auteur avait fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante... la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée... les logiciels conçus par M. Pachot portaient la marque de son apport intellectuel... »

Ainsi le régime de protection par le droit d’auteur confère des droits patrimoniaux, et droits moraux cependant limités (droit de repentir supprimé et droit au respect limité, car on reconnaît des droits à l’utilisateur légitime). En ce qui concerne la titularité, lorsqu’il s’agit d’une œuvre de commande, le simple paiement de la prestation sans autre précision écrite sur la cession des droits, n’emporte pas la cession des droits de propriété intellectuelle au client.

En effet, l’article L131-3 al 1 du Code de la propriété intellectuelle impose une cession par écrit en précisant les conditions de la cession. Dans le cadre d’un contrat de travail, le créateur d’une application n’est pas en principe titulaire des droits patrimoniaux en vertu de l’article L113-9 du CPI, ces derniers étant dévolus automatiquement à l’employeur. Cependant, il convient de prévoir les conditions de cession des droits de propriété intellectuelle à l’employeur s’agissant des autres éléments (contenu éditorial, musiques, vidéos).

Pour finir, si l’application comprend une combinaison de caractéristiques techniques nouvelles apportant un effet technique particulier, une protection par brevet est possible.

Depuis un arrêt de la CJUE du 22 décembre 2010, l’interface graphique ne peut être protégée par le droit d’auteur spécifique aux logiciels. Or, cela ne signifie pas que l’interface graphique n’est pas protégeable par le droit d’auteur pour autant. Cette solution n’est pas nouvelle et avait déjà été admise par les juridictions françaises (Cass. 1ère civ., 27 avril 2004).

Cependant, la Cour européenne est venue préciser le rôle d’une interface qui est un élément du logiciel par lequel les utilisateurs font usage des fonctionnalités du programme. Ainsi, l’interface permettant une utilisation du logiciel ne peut pas être protégée par le droit d’auteur spécifique aux logiciels.

Or, cette décision ne signifie pas qu’une interface ne puisse pas être protégée par le droit commun du droit d’auteur, sous réserve de son originalité. En pratique, cette décision n’a d’importance qu’en ce qui concerne la titularité des droits.

En effet, comme on a pu le voir précédemment le régime spécifique des logiciels confère automatiquement à l’employeur les droits sur le logiciel créé par ses salariés dans le cadre de leur fonction. De plus, il est également possible de se faire accorder un brevet sur une interface graphique comme le démontre le brevet accordé à Apple concernant l’interface graphique des applications natives (appareil photo, menu des messages, des emails...)

B) La protection des autres éléments

Le nom et le logo d’une application mobile peuvent également être protégés par le droit d’auteur sous le critère habituel d’originalité. Par ailleurs, ils peuvent aussi être déposés à titre de marque auprès de l’INPI s’ils ont pour but d’être exploités commercialement de telle sorte à pouvoir distinguer les produits ou services du déposant de ceux de ses éventuels concurrents.

L’interface graphique au même titre que les contenus multimédias et les musiques d’une application mobile sont aussi protégeables par le droit d’auteur, comme toujours, sous réserve de remplir un critère d’originalité.

III- La prévention et sanction d’atteintes à une application mobile

En pratique, il peut être judicieux de se prémunir contre de potentielles atteintes (A), mais il est tout aussi utile de savoir comment réagir en cas d’atteintes à ses droits de propriété intellectuelle sur une application mobile (B).

A) La prévention contre les atteintes

Bien que protéger les différents éléments composant d’une application mobile par le droit d’auteur ne nécessite pas obligatoirement le dépôt de celle-ci, effectuer un dépôt « probatoire » permettant plus facilement, dans un cas de contrefaçon de la création, d’apporter la preuve des droits de l’auteur est tout de même conseillé.

Effectué auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) le dépôt permet de revendiquer des droits et de préparer la preuve de sa titularité sur ces droits, ce qui est une prévention de taille pour anticiper de potentiels problèmes probatoires, notamment concernant la date et la paternité de la création.

Auprès de l’APP peuvent être déposés tous les éléments composant une application mobile protégeable ou non par le droit d’auteur du moment qu’ils ont une valeur économique pour l’éditeur (le cahier des charges, le business plan ou encore la documentation marketing et commerciale par exemple).

Seul le titulaire de droits doit déposer l’application mobile à l’APP, mais il est également possible de déposer en « co-titularité » en cas de pluralité d’auteurs.

B) Faire sanctionner les atteintes

En cas d’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, le titulaire des droits sur une application mobile peut agir sur le fondement de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme qui sont des pratiques déloyales ou anticoncurrentielles contraires au droit des affaires, aux usages et à l’éthique du commerce.

À ce titre, dans un jugement du TGI de Paris en date du 30 juin 2017, un éditeur, la société Prizer, a été condamné à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts à son concurrent AppiMédia en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale de s’être largement inspiré de l’application d’AppiMédia.

En l’espèce, la juridiction a estimé qu’avait été repris « un procédé certes différent, mais assurant la gratuité du jeu et le financement de la cagnotte, une même fréquence de loteries (par jour, semaine, mois et spéciale), une ergonomie proche, traduisant une démarche volontaire afin de ressembler à l’application développée initialement et caractérisant un comportement fautif contraire aux usages des affaires et générant un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute, qui sera amené à associer les applications concurrentes. »

Le recours à un avocat en propriété intellectuelle est là aussi fortement recommandé. Fort de son expérience, il procèdera aux recherches d’antériorités afin de prévenir de tous risques de contrefaçon votre dépôt, et prendra en charge toutes les démarches auprès de l’INPI, voire de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ou de l’Office mondial de la propriété intellectuelle (OMPI) pour vos dépôts de marque à l’international.

Conclusion : Pour obtenir une protection par brevet, une formalité de dépôt est nécessaire et doit intervenir avant toute divulgation de l’invention (même sur une plateforme de distribution). Même si les taxes de dépôt d’un brevet s’avèrent non négligeables, le brevet peut être intéressant pour sa portée de protection plus large que celle du droit d’auteur. En effet, le brevet protège une combinaison technique permettant de résoudre un problème technique, l’expression de cette combinaison étant souvent généralisée de façon à couvrir différents modes de mise en œuvre.

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Sources:

http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/marketing-mobile-propriete-intellectuelle-applications-mobiles-04-2011.html
http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/50185/applications-mobiles---du-developpement-a-la-distribution--les-droits-et-obligations-du-developpeur.shtml
- https://www.app.asso.fr/centre-information/base-de-connaissances/les-grands-themes/applications-mobiles/focus-la-protection-juridique-dune-application-mobile
- https://zenuacademie.com/marketing/marketing-mobile/statistiques-mondiales-mobile/
- TGI Paris, 3ème chambre, 3ème section, 30 juin 2017, Appimédia / Prizer
- Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 septembre 2011, 09-71.337
- Cour de cassation, 1ère chambre civile, 14 novembre 2013, 12-20.687

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