LA PROTECTION DES SITES INTERNET PAR LE DROIT D'AUTEUR REMISE EN QUESTION ?
Le fait de recopier un site internet selon le tribunal de grande instance de Paris du 28 mai 2009 n’est pas constitutif d’une contrefaçon dès lors que les éléments qui y sont repris ne sont pas originaux. Cependant, cela constitue un acte de parasitisme lorsque la copie crée un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute.
C’est ce qui ressort en effet de la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 28 mai 2009, au sujet de la protection accordée par le droit d’auteur aux sites internet.
Pour rappel, l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Dans ces conditions, toute œuvre de l’esprit est protégée par le droit d’auteur. Mais qu’en est-il de la protection des sites internet par le droit d’auteur ?
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Au cœur de cette disposition se trouve le critère de l’originalité de l’œuvre. Il est, à ce titre, communément admis que l’originalité d’une œuvre sera déterminée dès lors que cette dernière présentera « l’empreinte de la personnalité de l’auteur » de l’œuvre.
De fait, le concepteur devra, pour pouvoir bénéficier de la protection du droit d’auteur à l’égard de son site internet, prouver l’originalité, aussi bien dans sa conception, sa présentation ou ses fonctionnalités.
Dans le cas, comme ici, où un site internet a été recopié, il convient de savoir si les éléments au cœur de cette copie sont des éléments que l’on peut caractériser « d’originaux », protégeant de fait le site par le biais du droit d’auteur. La décision de la Cour d’appel, à ce sujet, laisse en effet planer le doute d’une remise en question de la protection des sites internet par le droit d’auteur.
Au regard de la protection des sites internet par le droit d’auteur, il conviendra donc de se pencher en premier lieu sur la définition de la contrefaçon et sur le fait de savoir si les faits en l’espèce peuvent établir un tel délit (I), pour ensuite se pencher sur les notions de concurrence déloyale et de parasitisme économique (II).
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre du 28 mai 2009
Jérôme S. / Association Lexeek
Selon un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 28 mai 2009, recopier un site n’est pas constitutif de contrefaçon dès lors que les éléments repris ne sont pas originaux. Selon le tribunal, le plan, la structure, la présentation, les balises meta …d’un site Internet, ne confèrent aucune originalité susceptible d’être révélatrice de la personnalité de l’auteur d’un site Internet contrairement à ce qui avait pu être antérieurement décidé.
Cependant, cette reproduction relève du parasitisme lorsqu’elle crée un risque de confusion dans l’esprit du public. Ce qui justifie une condamnation à 20000 euros de dommages et intérêts.
Les faits du jugement Tribunal de grande instance de Paris du 28 mai 2009 sont les suivants, Jérôme S. édite et exploite le site internet www.experts-univers.com sur lequel les internautes peuvent obtenir la réponse, ou répondre à n’importe quelle question, quel qu'en soit le domaine. Parallèlement, l’association Lexeek édite et exploite un site internet www.parole-experts.com qui propose globalement les même services.
Jérôme S. a fait assigner à jour fixe l’association Lexeek devant le tribunal de grande instance de Paris pour avoir commis des actes de contrefaçon de son site en en reproduisant le plan, la structure, l’agencement des rubriques et le contenu. Il lui reproche également de se livrer à des actes de parasitisme et de concurrence déloyale.
L’association Lexeek s’est opposée aux demandes de Jérôme S. en contestant le caractère protégeable du site internet de Jérôme S. par la propriété intellectuelle ainsi que l’existence d’actes de parasitisme.
La défenderesse relève tout d’abord que le site www.experts-univers.com, exploite le concept répandu des questions-réponses et n’apporte aucun contenu éditorial autre que celui-ci résultant des interventions des internautes. Elle ajoute que sa charte graphique, son mode d’authentification, les termes employés, les têtes ou bas de pages revendiqués par le défendeur sont dépourvus de toute originalité. Elle conclut donc à l’absence de protection et d’atteinte à des droits patrimoniaux ou moraux d’auteur.
La défenderesse fait, par ailleurs, valoir que les parties ne se trouvent pas en situation de concurrence car les sites qu’elles proposent ne sont ni identiques ni similaires,
1-L'existence d’une contrefaçon du site Internet
Pour se voir reconnaître des droits d’auteur, le demandeur doit établir que différents éléments de son site internet sont empreints de sa personnalité et constitutifs d’une oeuvre de l’esprit.
Il invoque la reprise par le site internet de la défenderesse de la balise meta et du header de la page d’accueil de son site.
Cependant le tribunal relève que bien que présentant de fortes similitudes, la balise meta ne confère aucune originalité susceptible d’être révélatrice de la personnalité de son auteur. En effet, celle-ci reprend des termes extrêmement banals et impropres à justifier une protection par le droit d'auteur.
Selon le tribunal, le même constat est valable pour les titres et la présentation de son site, la sélection des questions, les pieds de page, les formulaires permettant de poser une question et le mécanisme des questions/réponses.
En effet, l'utilisation d'une police et d'une présentation similaire ne permet pas de caractériser un choix de la part du demandeur et ainsi de révéler l'empreinte de la personnalité du demandeur.
Selon le tribunal, le demandeur ne dépasse pas la mise en oeuvre d’un savoir-faire d’informaticien. Ainsi, il n’y a pas lieu de faire application des règles de la propriété intellectuelle et de considérer que la reproduction de certains de ses éléments par le site www.parole-experts.com porte atteinte à des droits patrimoniaux et moraux d’auteur.
Cette décision est à rapprocher de celle de la Cour d'appel de Versailles du 12 janvier 2005 ( Sté Dreamnex c/ Sté Kaligona ) qui faute d’originalité, avait refusé d’admettre la protection par le droit d’auteur à une page de référencement et aux métatags du site, même si une protection par le droit d'auteur avait été admise pour la reprise du contenu du site internet dont elle a reconnu le caractère original de par sa présentation, l’organisation de ses rubriques, le choix des couleurs et ses logos.
Le jugement du Tribunal de grande instance de Paris est donc allé plus loin en refusant la protection par le droit d'auteur d'un site internet.
Cette décision peut sembler excessive puisqu'elle remet fortement en cause la protection des sites internet par le droit d'auteur.
En effet, si la présentation, l'agencement, l'utilisation de couleurs … ne permettent pas de faire ressortir la personnalité de l'auteur, on peut se demander quelles sont les possibilités pour un auteur de site internet de bénéficier d'une protection par le droit d'auteur, puisque pratiquement tous les sites internet suivent une présentation plus ou moins similaire, afin de garantir une navigation aisée des internautes.
Cependant, cette décision n'écarte pas complètement la possibilité d'une protection par le droit d'auteur mais il faudra que le créateur du site fasse preuve d'une plus grande créativité. On peut penser à des animations ou un graphisme particulièrement recherché qui permettraient au créateur d'un site de bénéficier d'une protection par le droit d'auteur.
Malgré le refus d'accorder une protection par le droit d'auteur, le Tribunal de grande instance comme la Cour d'appel de Versailles en 2005 ont accordé pour la page de référencement du site, des dommages et intérêts en se fondant sur la concurrence déloyale et le parasitisme économique. Ce qui permet de ne pas laisser l'auteur d'un site complètement démuni face à d'éventuels profiteurs.
2- La concurrence déloyale et le parasitisme économique
Selon le Tribunal de grande instance, si la démonstration de la copie ne suffit pas à caractériser la contrefaçon, elle établit, en revanche, l’appropriation du travail d’autrui qui permet d'accorder des dommages et intérêts à la victime même si le contenu de son site ne présente pas suffisamment d'originalité.
En l'espèce, les pages du site de la défenderesse sont la copie exacte du site du demandeur tant dans la forme que dans le contenu. L’appropriation de ce travail et de ce savoir-faire, sans autorisation, constitue un acte de parasitisme qui a permis à la défenderesse de réaliser des économies en limitant ses investissements humains et matériels.
Sur ces constatations, le TGI de Paris a donc condamné l’exploitant du site qui avait copié de nombreux éléments du site du demandeur à 20 000 euros de dommages et intérêts.
Ce montant de dommages et intérêts peut sembler faible d'autant plus que le tribunal n'a prononcé aucune mesure d'interdiction à l'encontre de la défenderesse. Le tribunal accorde ainsi implicitement un droit de copie à 20 000 euros.
A titre de comparaison, dans l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 12 janvier 2005, la société Kalogona avait été condamnée à verser 30 000 euros sur le fondement de la contrefaçon et 20 000 euros sur celui de la concurrence déloyale pour avoir copié le site d'un concurrent.
L'absence de reconnaissance d'une violation du droit d'auteur prive donc l'auteur du site, d'une partie des dommages et intérêts, qu'il aurait pu espérer si un acte de contrefaçon avait été reconnu.
Reste à savoir, si dans le cas d'un appel, la Cour gardera la même analyse et écartera la contrefaçon bien que la copie du site du demandeur soit démontrée.
Celle-ci pourrait considérer que la présentation du site, l’organisation de ses rubriques, le choix de ses couleurs et ses logos présentent un caractère original comme l'a fait la Cour d'appel de Versailles dans l'arrêt du 12 janvier 2005.
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