LA SUSPENSION D’UN COMPTE DE REFERENCEMENT EST-ELLE POSSIBLE ?
/ Janvier 2022 /
L’article L. 121-2 du Code de la consommation envisage trois circonstances dans lesquelles une pratique commerciale trompeuse par action peut être appréhendée : si elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent (Code de la consommation, article L. 121-2, 1o ; voir nos 4912 et s.), si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les éléments énumérés par le texte (Code de la consommation, article L. 121-2, 2o ; voir nos 4914 et s.) ou, enfin, si la personne pour le compte de laquelle la pratique commerciale est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable (Code de la consommation, article L. 121-2, 3o ; voir nos 4921 et s.).
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En parlant de responsabilité, il faut noter que les contrats contiennent généralement des clauses limitatives de responsabilité, notamment quant à l’impact du référencement. Si le moteur peut, en effet, s’engager sur la réalité de celui-ci, il est bien naturel qu’il ne le fasse pas quant au succès « médiatique » de l’opération. Mais, si les clauses prétendaient aller plus loin dans l’exonération de responsabilité, la question de leur validité pourrait être soulevée.
Le référenceur ne peut pas prétendre échapper à l’obligation première de référencer qui pèse sur lui. Quant à des pratiques qui pourraient être jugées comme relevant de la concurrence déloyale, il est bien clair que ce n’est pas une stipulation contractuelle, à l’effet limité aux parties, qui pourraient en changer la nature.
Celui qui souhaite voir référencer son site, pour autant qu’il y aura contrat, pourra être astreint à certaines obligations.
Les obligations techniques, parfois précisées comme telles, sont de simple bon sens : par exemple, obligation d’indiquer l’adresse URL ou interdiction d’utiliser des marqueurs HTML.
Les obligations de contenu ont plus de réalité. Une interface en langue française est exigée par certains moteurs. Certains contenus de site peuvent aussi être exclus : illicites bien sûr ; mais on voit aussi, par exemple, Yahoo France refuser de référencer un site qui afficherait un slogan du type « La meilleure solution Internet ».
Dans une affaire, la Cour d’appel de Paris a validé le refus de Google de réactiver un compte Adwords pour le référencement du site suspendu suite à la dénonciation par un service de l’Etat pour pratique commerciale trompeuse. (1).
La DGCCRF avait considéré que le site édité par une société de droit luxembourgeois présentait les caractéristiques d’une pratique commerciale trompeuse, car il n’était pas habilité par le ministère de l’Intérieur et n’avait pas accès au système d’immatriculation des véhicules pour effectuer ces démarches.
Le secrétariat général pour la qualité des services numériques a dénoncé ce site auprès de Google, qui a irrévocablement suspendu le compte. Le moteur de recherche s’était fondé sur les conditions générales de son contrat de référencement qui l’autorise à refuser ou à retirer toute publicité et à tout moment.
Au soutien de sa demande de rétablissement du compte, l’éditeur du site avait invoqué la nullité de la clause de résiliation du compte de référencement.
La Cour d’appel a rejeté sa demande au motif suivant : « l’accès universel, instantané et continu des services numériques sur Internet et la téléphonie mobile justifie que les opérateurs en subordonnent l’offre à la condition contractuelle d’interrompre immédiatement 1'hébergement ou le référencement de ces services si leur contenu est susceptible de porter atteinte à 1'ordre public, en particulier en cas de publicité trompeuse, de sorte· que ces conditions de résiliation, qui sont · énoncées au conditions générales de Google de manière claire et précise, ne créent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ».
Elle a également estimé qu’il n’y avait pas eu d’abus dans la mise en œuvre de la clause appliquée suite au courriel du service de l’Etat. Elle rappelle ainsi que la société éditrice du site ne dispose pas d’habilitation du ministère de l’Intérieur et n’a pas cherché à en obtenir une après la suspension du compte alors que le Code de la route l’impose.
I. Les obligations du demandeur de référencement
A. Respect des conditions générales du contrat de référencement
L’indispensable référencement du site web peut être assuré par certaines sociétés spécialisées (Net Booster, Brioude-Internet...).
L’objectif poursuivi est de faire en sorte qu’il apparaisse en bonne place dans la liste des résultats affichés en réponse aux requêtes adressées aux outils de recherche du réseau (moteurs ou annuaires de recherche), ceux-ci indexant les pages web concernées à partir de mots clés, les « metatags ».
Aussi, le prestataire s’engagera, par exemple, à ce que tel site, sur la base de tels mots clés prédéfinis, figure dans les dix ou vingt premières réponses, et ce, pour un nombre d’outils de recherche défini, là aussi, à l’avance.
A côté de cela, le demandeur au référencement doit respecter certaines obligations contractuelles, dont celles relatives aux conditions générales du contrat de référencement mises en place par les opérateurs de services numériques.
De nombreux professionnels rédigent des conditions générales, c’est-à-dire des « clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire »
En principe, tous les contrats peuvent donner lieu à l’établissement de conditions générales, mais il ne s’agit là que d’une simple faculté. Si elles ont été rédigées, en revanche, leur communication peut être rendue obligatoire par le droit de la concurrence, et cela, au nom d’une nécessaire transparence entre commerçants (voir C. com., art. L. 441-1 : « Les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. (…)
Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle ».
La question de la définition des conditions générales en droit commun des contrats a été soulevée à la suite de l’introduction dans le Code civil par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.) d’un article 1171 qui disposait, en son premier alinéa, que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
De même, aux termes d’un article 1190, lui aussi introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, « dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé » (voir nos 1965 et s.).
Or, le contrat d’adhésion était défini par l’article 1110, alinéa 2, du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance du 10 février 2016, comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».
Les conditions générales seraient donc en principe à la fois, comme le laisse entendre l’article, des stipulations qui été soustraites à la libre négociation des parties (il évoque les « conditions générales, soustraites à la négociation »), mais également des stipulations accessoires, en opposition aux conditions particulières, qui comprendraient les éléments essentiels du contrat.
B. Respect de la clause contractuelle
« L’accès universel, instantané et continu des services numériques sur Internet et la téléphonie mobile justifie que les opérateurs en subordonnent l’offre à la condition contractuelle d’interrompre immédiatement 1'hébergement ou le référencement de ces services si leur contenu est susceptible de porter atteinte à 1'ordre public, en particulier en cas de publicité trompeuse, de sorte· que ces conditions de résiliation, qui sont · énoncées aux conditions générales de Google de manière claire et précise, ne créent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ».
De plus, la notion de conditions générales se retrouve à un autre endroit de la réforme du droit des contrats. Il s’agit de l’article 1119, qui régit leur application (« Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ») et les éventuelles contradictions qu’elles renferment, avec les conditions générales de l’autre partie ou avec des « conditions particulières ».
En ce qui concerne la pratique commerciale trompeuse qui porte atteinte à l’ordre public et viole par là même les conditions générales de contrat de référencement, elle consiste en toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale de la part d’un professionnel en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit, qui contient des informations sur les produits ou services qu’il met en vente, sur les engagements qu’il prend à l’égard de la clientèle ou sur les aptitudes et qualités qu’il possède, qui amène ou est susceptible d’amener le contractant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement (2).
La pratique commerciale trompeuses par omission qui, compte tenu des limites des moyens de communication utilisés et des circonstances qui l’entourent, omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
Cette incrimination est le prolongement du dol civil, en particulier de la réticence dolosive, et de l’obligation d’information portant notamment sur les caractéristiques principales du produit, son prix, les modalités de paiement et de livraison, l’existence d’un droit de rétractation.
On voit que le client n’a pas respecté cette obligation tenant à la clause contractuelle (3) portant ainsi atteinte à l’ordre public.
II. Sanctions en cas d’atteinte à l’ordre public
A. Mise en œuvre de la clause de résiliation du compte de référencement
En cas de non-respect des conditions générales de contrat de déférencement, la Cour d’appel rappel que « l’accès universel, instantané et continu des services numériques sur Internet et la téléphonie mobile justifie que les opérateurs en subordonnent l’offre à la condition contractuelle d’interrompre immédiatement 1'hébergement ou le référencement de ces services si leur contenu est susceptible de porter atteinte à 1'ordre public, en particulier en cas de publicité trompeuse, de sorte· que ces conditions de résiliation, qui sont · énoncées au conditions générales de Google de manière claire et précise, ne créent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ».
Dans sa nouvelle rédaction, le second alinéa de l’article 1110 du Code civil dispose, en effet, que « le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Cette version n’est cependant applicable qu’aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2018.
Il sera fréquent que ces clauses aient été conçues pour une série de contrats. Mais il pourrait également s’agir de clauses déterminées à l’avance uniquement pour plusieurs contrats, comme dans le cadre d’un réseau de distribution, voire pour un contrat unique.
Par ailleurs, l’article 1171 initial précise que : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite » (al. 1er). « L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation » (al. 2). L’article 1171, alinéa 2, est resté inchangé.
L’alinéa 1er, en revanche, a été complété par des termes qui limitent à juste titre le champ d’application du contrôle, puisque la norme énonce désormais que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
La loi n’a pas clarifié la manière d’apprécier le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Le juge pourra s’appuyer sur des critères comparables à ceux qui sont consacrés en droit de la consommation. Selon l’article L. 212-1, alinéa 2, du Code de la consommation, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant à toutes les autres clauses du contrat ou à celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution. C’est dire que l’appréciation du caractère abusif de la clause devrait se faire en tenant compte de l’ensemble des dispositions contractuelles du contrat d’adhésion, y compris celles négociables.
La juridiction du second degré ayant contrôlé la clause qui reliait les parties au contrat a jugé que les énoncées aux conditions générales de Google étaient faites de manière claire et précise et ne créaient pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat.
B. Suspension du compte Adwords
Par application de la clause, le contrat reliant les parties a été résilié par l’opérateur numérique. Et la Cour d’appel a jugé cette clause non abusive et ne souffrant d’aucun déséquilibre significatif.
Les manquements constatés par la Cour de la part du titulaire du compte Adwords pour le référencement du site ont amené ladite Cour à dire qu’il n’y a eu aucune brutalité dans les modalités de résiliation des comptes AdWords.
A lire, on remarque que l’entreprise conteste cette rupture brutale de la relation commerciale qui la liait avec l’opérateur numérique et indique que la rupture souffre d’une nullité pour cause de déséquilibre significatif dans la clause.
Mais la suspension n’a pas été jugée abusive et la Cour de préciser que les conditions générales de Google ont été rédigées de manière claire et précise d’où la suspension définitivement du compte litigieux et qu’il n’y a donc eu aucune brutalité dans les modalités de résiliation des comptes AdWords.
Pou rlire une version plu sadaptée aux mobiles de cet article sur la suspension du contrat de référencement, cliquez ici
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Sources :
https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-11-arret-du-17-septembre-2021-2/
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030173948?init=true&page=1&query=14-80.220&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038322056?init=true&page=1&query=17-87.534&searchField=ALL&tab_selection=all