LES RESEAUX SOCIAUX DE PHOTOS ET LE DROIT D’AUTEUR

Aujourd’hui se développe un nouveau type de réseaux sociaux : les réseaux communautaires spécialisés dans le partage de la photographie. Il est alors important de connaitre la protection qui est accordée par le droit d’auteur aux photographies partagée face aux réseaux communautaires de photographies.

Les droits d’auteurs représentent des droits exclusifs que l’auteur d’une œuvre a sur celle-ci. Son œuvre ne pourra donc pas être exploitée sans son autorisation ou sinon sans rétribution. Les réseaux sociaux de photos et le droit d’auteur ne font pas bon ménage dans l’inconscient collectif car les réseaux sociaux de photos se présentent comme des endroits de non droit à premier abord.

 

Cette conception des réseaux sociaux de photos est due au fait que les photos mises en ligne sont faciles à partager et à sauvegarder ce qui facilite une violation du droit d’auteur. De plus, il n’est pas toujours évident de prouver que nous sommes titulaires d’un droit d’auteur sur une photo lorsque cette dernière est mise en ligne. Les réseaux sociaux de photos et le droit d’auteur, malgré la relative contradiction existant entre eux, essaient de cohabiter. Cette cohabitation entre réseaux sociaux de photos et le droit d’auteur se voit à travers les différentes conditions  générales d’utilisation.

 

Certaines peuvent sembler intrusives mais d’autres se montrent plus favorables à une cohabitation saine des réseaux sociaux de photos et le droit d’auteur. La complexité de la relation des réseaux sociaux de photos et le droit d’auteur nous pousse à l’explorer un peu plus car l’omniprésence de ces réseaux sociaux de photos est réelle.

Avec l’arrivée d’internet , et plus particulièrement du web 2.0, les réseaux sociaux ont commencés à émerger. Aujourd’hui les ténors des réseaux sociaux : Facebook ou Twitter sont largement utilisés par les internautes en effet environ plus d'un milliard d’internautes sont membres de Facebook, contre 500 millions environ pour Twitter. Ces réseaux sont d’une importance croissante sur la toile, mais ils ont fait aussi couler beaucoup d’encre, notamment Facebook et ses conditions générales d’utilisation qui sont très peu protectrice des droits de ses utilisateurs.

Mais depuis quelque temps on voit émerger une nouvelle génération de réseaux communautaires : les réseaux sociaux de photographies à l’image d’Instagram qui compte environ 700 millions de membres, mais dont le nombre continue d’augmenter.

En effet, le rachat par Facebook du réseau de partage Instagram a relancé la polémique concernant la protection du droit d’auteur par ces sites communautaires. Le droit d’auteur et les réseaux sociaux ne font généralement pas bon ménage, puisque le réseau social a pour but de publier, d’exposer l’information, la photographie, alors qu’au contraire le droit d’auteur va consister à protéger au mieux l’œuvre. Comment aujourd’hui les réseaux communautaire de photographies concilient t-ils le droit d’auteur avec leur réseau?

Tout d’abord il faut rappeler que les photographies sont protégés par le droit d’auteur en France (I), mais les conditions générales d’utilisation des réseaux communautaires ne sont généralement pas très protecteur des droits d’auteurs, notamment du fait des licences plus ou moins étendues que s’accordent les plateformes (II), mais aussi du fait de la qualité d’hébergeur des réseaux sociaux de photographies (III).

 

I. Les photographies protégées par le droit d’auteur

L’article L111-1 du Code de propriété intellectuelle (CPI) énonce que « l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Ainsi, selon le code de propriété intellectuelle l’auteur d’une œuvre de l’esprit possède des droits de propriété sur cette œuvre. Il faut entendre œuvre de l’esprit comme étant le produit de l’esprit humain. L’auteur de l’œuvre va alors recevoir un droit subjectif ; un droit de propriété incorporelle dont les attributs sont l’exclusivité et l’opposabilité aux tiers.

Le législateur a alors estimé que l’œuvre correspondait à un bien immatériel qui fait l’objet d’une propriété. Ce droit de propriété permet à l’auteur de l’œuvre d’interdire son usage sans son autorisation. Cependant le législateur n’a pas seulement consacré un droit patrimonial à l’auteur, il lui a aussi conféré un droit moral ; « Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial».

Le droit d’auteur pose plusieurs conditions afin qu’une œuvre soit protégée, il est tout d’abord nécessaire que l’œuvre soit originale. L’originalité se définit selon la cour de cassation comme l’empreinte de la personnalité de son auteur. Le juge devra alors déterminer pour chaque œuvre si celle-ci est originale ou non, afin de déterminer la protection accordée à l’œuvre. Il faut encore souligner que la forme de l’œuvre est prise en compte par les juges, ainsi la cour de cassation a pu estimer que les concepts, les idées, les recettes de cuisines ne sont pas protégeable par le droit d’auteur.

L’article L112-2 du CPI énonce que « sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ». Il apparait donc que lorsque l’on est en présence d’une photographie originale celle-ci est protégée par le droit d’auteur. Mais il faut encore pour pouvoir être protégée que l’œuvre possède une antériorité par rapport à l’œuvre contrefaisante.

Ainsi, même sur internet les photographies originales restent protégées. Cependant les réseaux sociaux ont souvent trouvé une parade au droit d’auteur concernant les photographies originales postées par leurs membres.

 

II. La protection des photographies face aux réseaux : l’étendue des licences accordée aux réseaux par l’internaute

Aujourd’hui les réseaux sociaux obligent les internautes à accepter des conditions générales d’utilisation du site, des clauses contractuelles rédigées dans le but de restreindre l’usage du contenu qu’ils seront amenés à partager.

Or il apparait que la plupart des réseaux sociaux ont insérés des clauses qui obligent l’utilisateur du réseau d’accorder au réseau et à ses affiliés une licence non exclusive, gratuite et définitive de leurs contenus.

Donc, les utilisateurs restent propriétaires de leurs images même en les proposant sur le réseau, cependant il apparait que le réseau a trouvé une parade au droit d’auteur en s’accordant systématiquement des licences sur les contenus déposés par ses utilisateurs. Ainsi, les administrateurs du réseau pourront librement et légalement utiliser et distribuer le contenu alors même que le contenu reste de la propriété de l’utilisateur.

Une affaire a éclaté aux Etats Unis précisément sur cette question le 14 janvier 2011, en l’espèce l’Agence France Presse avait suite au tremblement de terre de 2010 en Haïti utilisé sans l’autorisation du photographe les photographies qu’il avait mises en ligne sur le réseau social Twitter. L’AFP avait ensuite vendue les photographies à CNN et CBS.

L’agence faisait alors valoir que le photographe avait volontairement partagé ses photographies sur Twitter, il avait rendu ses photographies accessibles aux autres internautes, et estimait ainsi qu’il avait consenti une licence implicite permettant la reproduction et la diffusion des photographies. En effet, l’agence estimait que le fait de publier sur Twitter ses photographies, le photographe avait donné une autorisation générales d’utilisation de ses clichés.

Dans cette affaire il était nécessaire de savoir si le fait pour l’utilisateur de concéder une licence au réseau lors de son inscription permet aux internautes de bénéficier de cette même licence. Les tribunaux n’ont pas tranché en la faveur de l’agence, en effet, les juges américains ont estimé qu’au regard de la licence qui a été accordé à Twitter lors de l’inscription, cet accord n’accorde une licence qu’à Twitter, ainsi ils estiment que toute publication ou utilisation par un tiers est soumis au droit d’auteur, et donc à l’autorisation du titulaire. Ainsi, il n’est pas possible de présumer que lorsqu’un internaute publie des photographies sur un réseau social celui-ci a consenti une licence générale d’utilisation de ses œuvres en dehors du réseau social.

Il apparait que le fait d’utiliser un réseau social et donc d’en accepter les conditions d’utilisation permet à l'utilisateur du réseau d’utiliser l’œuvre uniquement sur le réseau, et  qu'il ne pourra pas le publier ailleurs que sur le réseau.

Mais il ne faut pas généraliser tout les réseaux ne s’accordent pas une telle licence lors de l’inscription. Il s’agit alors de lire les conditions contractuelles du réseau en cause. D’ailleurs, il ne faut pas penser que le fait qu’un réseau soit spécialisé dans le partage de photographie change la donne, en effet prenons le cas du réseau communautaire Instagram qui a par ailleurs été racheté par Facebook,. Celui-ci énonce que :

« Instagram does NOT claim ANY ownership rights in the text, files, images, photos, video, sounds, musical works, works of authorship, applications, or any other materials (collectively, "Content") that you post on or through the Instagram Services. By displaying or publishing ("posting") any Content on or through the Instagram Services, you hereby grant to Instagram a non-exclusive, fully paid and royalty-free, worldwide, limited license to use, modify, delete from, add to, publicly perform, publicly display, reproduce and translate such Content, including without limitation distributing part or all of the Site in any media formats through any media channels, except Content not shared publicly ("private") will not be distributed outside the Instagram Services”.

Ainsi, il apparait que ce site communautaire se voit aussi consentir lors de l’inscription de l’internaute une licence exclusive sur les œuvres. (La licence est « non-exclusive ». Poster donne juste droit à Instagram une licence limitée pour utiliser ou encore modifier les éléments postés sur le site)

Mais on s'aperçoit qu'elle n'est pas étendue aux affiliés contrairement à ce que l'on peut retrouver dans d'autres sites communautaire (Pas possible seulement si les comptes Instagram sont privés), et celle-ci n'inclue pas la possibilité de vendre à des tiers les images du réseau.

Cependant d'autres réseaux comme Twitpic n'ont pas prévu cette limitation et au contraire énoncent " by submitting Content to Twitpic, you hereby grant Twitpic a worldwide, non-exclusive, royalty-free, sublicenseable and transferable license to use, reproduce, distribute, prepare derivative works of, display, and perform the Content in connection with the Service and Twitpic's (and its successors' and affiliates') business".

C’est ainsi que ce réseau a utilisé cette clause afin de pouvoir revendre des photographies à une agence de presse.

Cependant le fait que le réseau communautaire Instagram ait été récemment racheté par Facebook a fait couler beaucoup d’encre, en effet Facebook ayant des conditions générales d’utilisation très intrusives, et peu respectueuses des droits d’auteur comme vu précédemment, les utilisateurs se sont inquiétés et se sont demandés si les conditions générales d’utilisation d’Instagram n’allaient pas être remplacées par celle de Facebook.

Pour le moment, tel n’est pas le cas, mais le doute subsiste toujours. Toutefois, le problème subsiste toujours concernant les photographies d’Instagram que les utilisateurs publient sur Facebook.

En effet Instagram propose de publier les photographies sur d’autres plateformes communautaires telles que Facebook, or en faisant une telle publication l’utilisateur se soumet aux conditions générales d’utilisation de Facebook et donc a une règlementation plus attentatoire à ses droits.

Toujours est il que d’autres réseaux de partage de photographies sont plus respectueux des droits d’auteur notamment s’agissant de Yfrog ou Mobypicture par exemple. En effet dans les conditions générales de Yfrog on peut y lire « The content that you distribute through the ImageShack Network is owned by you, and you give ImageShack permission to display and distribute said content exclusively on the ImageShack Network.

"You may revoke this permission at any time by requesting your content to be removed. Such requests will be processed within a maximum period of 24 hours (but usually as short as one hour). You may request deletion and/or mark your content private through our sites' user interfaces, or by contacting ImageShack directly. After your request is processed, ImageShack will cease distribution of your content within a maximum period of 24 hours (but usually as short as one hour) and will absolve itself of any ownership of said content, implied or otherwise.

ImageShack will not sell or distribute your content to third parties or affiliates without your permission. Third parties may exercise the following options regarding your content:

• Third parties may hyperlink to the page that displays your content on the ImageShack Network without modification and with proper attribution to you.

• Third parties may request permission to use your content by contacting you directly.

All requests for permission regarding your content usage directed at ImageShack will be forwarded to you. All uploaded content is copyrighted to its respective owners. ImageShack directs full legal responsibility of said content to their respective owners. All content generated by ImageShack is copyrighted by ImageShack. ImageShack is not responsible for any uploaded content, nor is it in affiliation with any entities that may be represented in the uploaded content ».

Cependant, à l’image d’Instagram ces réseaux proposent aussi de publier les photographies sur d’autres réseaux communautaires, et alors le problème se répète.

Il apparait que les réseaux communautaires de photographies sont logés à la même enseigne que les réseaux communautaires traditionnels, il faut avant tout lire les conditions générales d’utilisation et vérifier l’étendue de la licence qui est accordée au réseau social avant toute inscription.

 

III. Le statut d’hébergeur du réseau social : la faible responsabilité du réseau concernant les publications de ses membres

Il faut encore évoquer la protection qu’accorde le réseau social aux œuvres protégés par le droit d’auteur face à l’utilisation frauduleuse des tiers. Le réseau met tout en place pour éviter toute responsabilité dans les conditions générales d’utilisation. Ainsi, il est souvent inséré une clause qui énonce que le contenu édité sur le réseau est de la responsabilité de l’internaute, et non du réseau, le réseau rappelle souvent que l’utilisateur doit respecter la réglementation concernant la propriété intellectuelle.

De plus, il est important de souligner que les réseaux communautaires ont en France le statut d’hébergeur et ils bénéficient donc grâce à la LCEN d’une absence d’obligation générale de surveillance et d’une responsabilité pour faute. Le réseau ne sera responsable qu’en cas de notification précise du titulaire des droits du contenu frauduleux qui figure sur le réseau, et il faut encore que le réseau n’est pas enlevé promptement le contenu pour espérer engager la responsabilité du réseau.

Il apparait alors que le droit d’auteur face aux réseaux communautaires est faible. Il faut encore noter que la diffusion d’un cliché protégé par le droit d’auteur ne sera pas toujours portée à la connaissance de l’auteur, puisque l’utilisateur peut limiter les internautes pouvant accéder à son contenu. Il est alors conseiller à l’auteur de protéger ses photographies en indiquant sa paternité directement sur le cliché.

En conclusion, publier des photographies sur un réseau social n’est pas une action anodine face au droit d’auteur, il faudra faire attention à lire correctement les conditions générales d’utilisation du réseau. Concernant ensuite le risque de publication d’une photographie protégée sur un réseau, il est conseillé d’indiquer sa paternité directement sur le cliché.

Liens externes :

http://www.lemonde.fr/technologies/infographe/2012/02/01/evolution-du-nombre-d-utilisateurs-de-facebook_1637419_651865.html : Evolution du nombre d'utilisateurs de Facebook

http://owni.fr/2012/04/11/facebook-droit-instagram-cgu/ : Facebook droit sur Instagram - Le 11 avril 2012 Lionel Maurel (Calimaq)

http://newsletter.robic.ca/nouvelle.aspx?id=182: À qui appartiennent vos photos? Les réseaux sociaux et la copie non autorisée par Jason Moscovici

LIENS CONNEXES :

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