CREATION D’UN BREVET UNITAIRE EUROPEEN

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/ Octobre 2020/

À l’heure actuelle, l’obtention d’un brevet dans l’Union européenne est soumise à une procédure peu harmonieuse, fastidieuse et onéreuse. La protection offerte par les brevets nationaux demeurant territoriale, il convient d’obtenir des brevets dans tous les pays de l’Union où l’on souhaite protéger son innovation. Il existe également un brevet européen, mais dont la procédure est également longue et chère. C’est la raison pour laquelle le Parlement européen a approuvé la réglementation sur le brevet unitaire européen.

Malheureusement il s’avère que la création de ce brevet européen à effet unitaire est beaucoup plus complexe que prévu. Deux pays importants en Europe, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont en effet bloqué son entrée en vigueur. L’accord sur la Juridiction unitaire du brevet en vertu de son article 89 requiert 13 ratifications dont celles des trois Etats de l’Union européenne dans lesquelles  le plus grand nombre de brevets européens étaient en vigueur en 2012 à savoir la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne par le Brexit votée en 2016 a été le premier obstacle à la mise en place d’un brevet européen à effet unitaire. Même si il faut rappeler qu’en avril 2018 le Royaume uni avait ratifié l’accord sur la juridiction unitaire du brevet. Sauf que le 27 février 2020 le gouvernement anglais a décidé de faire machine arrière en annonçant officieusement que le pays ne participerait pas au système unifié.

En même temps il aurait été assez contradictoire de voir le Royaume-Uni participer à une juridiction appliquant le droit de l’Union européenne liée par la cour de justice alors que ce pays veut devenir une nation indépendante.

En Allemagne le processus de ratification est ralenti depuis 2017 et un recours déposé contre la loi de ratification de l’accord sur la JUB auprès de la cour constitutionnelle fédérale allemande. Le requérant avait dénoncé la perte de droits régaliens engendrée par l’accord. La cour constitutionnelle avait dès lors demandé la suspension de la procédure de ratification de l’accord au président fédéral allemand.

Le 20 mars 2020, la cour constitutionnelle a rendu son verdict sur ce recours. Elle a considéré que la loi approuvant la juridiction unifiée et le système unitaire de brevet est nulle et non avenue. Elle remet en cause les conditions de ratification de la loi, mais pas son contenu.

Elle estime que cette loi est équivalente à un amendement constitutionnel puisqu’elle prévoit que des fonctions judiciaires seront confiées à la juridiction unifiée. Cette dernière pourra se substituer aux tribunaux allemands. C’est pourquoi cela s’apparente à un amendement important de la constitution. Or selon l’article 79 de la constitution allemande, toute loi représentant un tel amendement requiert la majorité des deux tiers au Bundestag et au Bundesrat pour être votée.

Il faut donc que le Parlement allemand se saisisse à nouveau de la ratification de l’accord en veillant à ce que la majorité des deux tiers de l’institution y soit favorable. Il y a en revanche très peu de chances que les Anglais reviennent sur leur position, il faudra donc envisager la création d’un brevet unitaire sans eux.

La création d’un brevet unitaire européen était nécessaire pour la promotion de l’innovation mais aussi pour une protection suffisante des titulaires de brevets nationaux comme européens. De ce fait, la création d‘un brevet unitaire européen a fait l’objet de négociations et nombreux compromis. Négociations et compromis qui ne vont pas forcément dans le sens visé, ce qui est malheureux.

En effet, le règlement permettant la création d’un brevet unitaire européen est à ce jour pas encore appliqué car ce règlement prévoit une juridiction communautaire qui doit traiter des litiges en rapport avec ce brevet unitaire européen mais les tractations portant sur cette juridiction ne sont pas encore achevées.


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Tant que l’Union Européenne ne se sera pas mise d’accord sur cette juridiction communautaire le règlement donnant naissance à la création d’un brevet unitaire européen ne sera pas appliqué. Tout le paquet de brevet est donc bloqué. L’étude du brevet européen reste cependant nécessaire pour comprendre les raisons de la création d’un brevet unitaire européen.

En effet, le niveau élevé de complexité de dépôt de brevet au niveau de l’Union européenne a nui à son développement et à son succès. Pourtant, l’Office européen des brevets a été créé par l’Organisation européenne des brevets en 1977.

Le nouveau système proposé concernera moins de pays que le système de l’Office européen des brevets puisque l’accord ne sera ratifié que par les Etats membres de l’Union, à l’exception pour le moment de l’Espagne et l’Italie. La démarche sera néanmoins facilitée puisque sera abandonnée la technique voulant que les brevets soient validés dans chacun des États membres. Dans une communication de la Commission, celle-ci insiste sur l’inscription de la démarche dans le cadre d’une coopération renforcée, mais également dans la relance économique et dans un objectif de croissance.

Le brevet, de façon générale, peut être défini comme un titre de propriété visant à protéger une invention technique. Pour l’INPI (l’Institut National de la Propriété Industrielle), il « protège une innovation technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une solution technique à un problème technique donné ».

La Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services du Ministère du Redressement productif en donne une interprétation plus technique : « les brevets sont des titres émis par les administrations publiques pour des produits ou des procédés nouveaux susceptibles d’applications industrielles. Ils confèrent à l’inventeur (ou à son cessionnaire) le droit national ou international exclusif de propriété et d’exploitation d’une invention durant un certain temps aux conditions fixées par la loi. » En France, le dépôt de brevet s’effectue effectivement auprès de l’INPI qui est en charge de la gestion des dépôts sur le territoire.

Finalement, c’est l’Office européen des brevets qui est exclusivement compétent pour connaître des litiges portant sur les brevets européens. La logique ici est différente de celle encadrant, par exemple, les marques communautaires, pour lesquels chaque État désigne la juridiction compétente sur son territoire pour connaître de ces litiges. Le « Paquet brevet de l’Union européenne » comportera également un volet juridictionnel.

Il conviendra à présent de détailler par quels moyens l’Union européenne, par ce brevet unitaire, a cherché à pallier aux difficultés posées par l’actuel cadre européen, en instituant un régime purement communautaire.

Le brevet unitaire, après sa longue gestation, représente finalement un cadre juridique bienvenu en matière de protection des innovations. Il en résulte que ce cadre est relativement empirique (I) dont les implications, par son aspect unitaire, participeront à l’allégement des procédures (II).

 

I - Un cadre juridique empirique

Si le brevet unitaire est présenté avec enthousiasme par les instances communautaires et nationales, il n’en reste pas moins la réponse à un problème récurrent depuis la fin des années 1970. Sa création a donc été poussée par des raisons matérielles (A) tenant au brevet européen et sans doute accentué par la crise économique qui induisent alors un régime plus adapté à la compétitivité (B).

A - Des raisons matérielles à la création du brevet unitaire

Il était admis, alors qu’était discuté le brevet unitaire, que le brevet européen de l’Office européen des brevets était soumis, et l’est toujours, à une procédure trop lourde et trop coûteuse. Il faut, pour l’obtenir, déposer au préalable une demande auprès de l’Office directement ou auprès de l’organisme compétent désigné par un État membre. En France par exemple, il s’agit évidemment de l’INPI.

La demande, qui doit respecter quelques conditions de forme et être accompagnée de documents complémentaires, doit surtout être rédigée en anglais, en français ou en allemand, qui sont les trois langues officielles de l’Office. Le problème réside ensuite dans la validation qui doit être opérée dans chaque État membre. Chaque brevet ainsi constitué l’est après traduction, dont les frais s’ajoutent à ceux déjà élevés du dépôt en lui-même. Le brevet européen est finalement accordé à l’issu d’une période d’examen et c’est à ce moment qu’intervient cette validation par chaque État partie à la Convention sur le brevet européen. La démarche représente en pratique 38 validations qui devront se faire dans 29 langues différentes. De plus, il s’agit d’une étape indispensable à l’effectivité du brevet européen.

Il est clair que si un groupe industriel conséquent peut investir dans de telles démarches, le problème est tout autre pour les structures plus modestes, comme les petites et moyennes entreprises. L’obtention d’un brevet européen représente environ 36000 Euros, selon les informations de la Commission européenne et du Parlement européen. Il résulte d’un tel mécanisme une certaine lenteur de la procédure qui nuit également à son efficacité.

En revanche, la Convention sur le brevet européen a l’avantage de mettre en place un interlocuteur unique au moins pour la première phase du dépôt. En vertu du texte, il ne s’agit pas pour le bénéficiaire du brevet d’effectuer dans chaque pays un dépôt, puisque l’Office en fait une simple formalité. Néanmoins, il existe un risque de fuite d’information dans la mesure où les nombreuses traductions et la complexifié de la procédure font intervenir de nombreux acteurs qui sont autant de facteurs.

Toutes ces remarques, positives comme négatives, ont clairement alimenté le travail du législateur européen. En découle un régime effectivement empirique, mais de facto plus adapté aux exigences actuelles.

B - Un régime plus adapté aux enjeux de compétitivité

Dès 2000 la Commission a lancé les recherches sur le brevet communautaire. Toutefois, alors qu’un début d’accord est né en 2003, les États membres ne sont pas parvenus à s’entendre sur un régime unique. La Commission a toutefois continué ses travaux pour proposer en 2011 un projet qui est à la base du « Paquet brevet de l’Union européenne » adopté par le Parlement européen en décembre 2012.

En vertu du premier des trois textes composant le corpus, relatif au brevet unitaire lui-même, une personne désirant obtenir un brevet unitaire européen devra toujours déposer sa demande à l’Office européen des brevets. Une fois obtenu, il lui assurera une protection automatique dans les 25 États qui auront, normalement, ratifié le traité. C’est en cela que le nouveau brevet de l’Union européenne est unitaire et, en conséquence, il dispense de la procédure de validation par chaque État membre.

Par ailleurs, alors que le brevet européen est, on l’a vu, relativement onéreux, le brevet unitaire sera sensiblement moins cher. Son prix pourrait, selon la Commission, descendre jusqu’à 4725 Euros, une fois le mécanisme mis en place. Par ailleurs, et il s’agit là d’un des arguments principaux au soutien de la réforme avant même son adoption, le Parlement a prévu un système d’aide pour les petites et moyennes entreprises, mais également pour « les organisations sans but lucratif, universités et organisations publiques de recherche ». L’ouverture de l’aide financière s’explique notamment parce que l’Union européenne ne fait pas de distinction, dans sa définition des opérateurs économiques, entre les différents types juridiques qui existent, car ce sont bien eux qui sont visés par un tel système. Il sera finalement inclus dans le volet sur les conditions linguistiques.

Car en effet, le brevet unitaire européen répondra à deux autres volets. Ces deux derniers répondent la même logique de coopération renforcée et d’unification du régime.

II - Les implications positives d’un régime unitaire

Le deuxième volet du « Paquet brevet unitaire » devrait entrer en vigueur en même temps que le volet sur les aspects juridictionnels, en fonction néanmoins de l’intervention des ratifications par les Etats membres. Ce deuxième volet est relatif à l’unification du régime linguistique applicable au brevet unitaire (A) qui est le compromis entre le régime déjà existant et l’exigence de simplification exposée jusqu’ici. Le volet juridictionnel se place lui aussi dans la logique unitaire du brevet (B) allant dans le sens du guichet unique.

A - Un régime linguistique unifié

Le règlement de l’Union européenne n° 1257/2012 met en place le régime linguistique à observer pour le dépôt d’un brevet. Il fait notamment référence à la Convention sur le brevet européen pour ce qui est du dépôt dans une des trois langues officielles de l’Office des brevets européens. De la même façon, une demande peut être présentée dans une autre langue que le français, l’anglais ou l’allemand, mais doit alors être accompagnée d’une traduction dans l’une de ces trois langues.

L’article 13 prévoit également « l’octroi d’une compensation aux États membres participants qui ont une langue officielle autre que l’une des langues officielles de l’OEB ». Cette compensation semble devoir s’inscrire dans l’optique de financement des traductions pour les petites et moyennes entreprises. Faut-il en déduire que ce financement se fera par l’intermédiaire des États ? La réponse est négative, il s’agit surtout dans ce cas de figure du remboursement des demandes qui sont formulées dans les seuls États dont la langue n’est pas l’une de celles officielles. Force est de constater là aussi que le système a une vocation égalitaire.

Plus globalement, ce sera à l’Office européen des brevets de gérer le régime linguistique et de veiller à la bonne application des prescriptions du règlement en matière de traduction. Il sera également en charge de la gestion de ces questions financières de compensation, ce qui évitera évidemment l’épineuse question des aides d’État, encore que le prix des brevets reste très en deçà de la règle des minimums.

Le régime linguistique unifié à l’image du brevet a été complété en 2014 par la création d’une juridiction unique compétente pour connaître des litiges portant sur les brevets.

B - Un volet contentieux adapté au système unitaire

Il a été décidé que cette juridiction unique trouverait son siège à Paris. Sa compétence sera exclusive des juridictions nationales, alors même que la compétence exclusive de l’Office européen des brevets était déjà critiquée. Quoi qu’il en soit, la juridiction unique pourra connaître des recours en contrefaçon et en validité des brevets.

La cour sera d’ailleurs compétente pour connaitre aussi bien des brevets unitaires que des brevets européens obtenus dans la forme actuelle. Rien n’est dit encore sur la sa compétence pour les pays qui ne sont pas signataires du « Paquet brevet unitaire » mais qui étaient signataires de la Convention sur le brevet européen. La logique veut que ses décisions s’appliquent à l’ensemble des États, dans la mesure où le brevet européen a dans tous les cas à protéger l’innovation dans tous les pays membres de la Convention.

Ses décisions, enfin, trouveront à s’appliquer de droit dans tous les États membres. L’article 6 du règlement prévoit que la juridiction comprendra un juge de première instance et un juge d’appel, conformément aux droits de la défense. Il s’agira finalement d’une juridiction collégiale composée de juges des différents pays membres.

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Sources
- Le paquet brevet unitaire : ec.europa.eu
- Communiqué de presse de Michel Barnier : http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-509_fr.htm

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