COMMENT PROTEGER UNE IDEE EN FRANCE ?

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Il est impossible en France de protéger juridiquement une idée ou un concept. Ce qui est susceptible d’être protégé, c’est l’application matérielle qui en est faite. De nombreuses questions se posent au moment de protéger la mise en œuvre des idées et concepts : comment protéger ses droits, quand, sous quelles conditions ? La question du niveau de protection et de son champ d’application est également récurrente. En dehors des dépôts à l’INPI et du droit d’auteur, l’Institut national de la protection industrielle, plusieurs techniques permette, en amont, de se prémunir, certes imparfaitement.

L’intérêt principal de protéger une marque, un dessin ou un modèle ou encore une innovation technique est de créer un droit de propriété industriel sur l’objet de la protection. Il s’agira alors d’un droit de propriété sur une chose incorporelle, tout comme l’est la propriété sur les choses corporelles. Pourquoi, dans ce cas, avoir un droit spécifique ?

Un dépôt à l’INPI confère certes un titre de propriété mais qui n’est pas à durée indéterminée. Le brevet, par exemple, n’a une durée que de vingt ans à l’issu de laquelle il n’est plus possible de se prévaloir des droits qu’il confère sur l’innovation technique protégée. Il n’en reste pas moins que durant cette période, le bénéficiaire du brevet se comportera comme un propriétaire.

Le Code civil définit d’ailleurs la propriété à l’article 544 sans faire de distinction de genre : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Le brevet permet à son titulaire de protéger son invention contre la contrefaçon et contre les utilisations qu’il n’aurait pas autorisées.

Le droit de la propriété intellectuelle confère donc des titres de propriété, qui sont inclus dans le patrimoine de leurs titulaires, mais qui ont des particularités par rapport à un droit de propriété traditionnel. En plus de l’exemple du brevet, chaque type de dépôt à l’INPI ne confère pas le même droit, pour le même temps ou encore les mêmes personnes. C’est une des raisons pour lesquelles un droit spécifique de la propriété intellectuelle trouve son existence au côté de la propriété classique.

Dans le même sens, si l’idée ou le concept prend la forme d’une production artistique ou littéraire, d’un programme informatique ou d’une base de données, ils seront alors protégés par le droit d’auteur. Il s’agit aussi de propriété, bien que ces productions de l’esprit soient destinées à être vendues mais également d’un ensemble de droits conférant certaines protections, contre la contrefaçon notamment, ou encore le droit d’en tirer profit. Il est également limité dans le temps. Parmi ces droits, il existe un droit moral qui permet la protection de l’intégrité de l’œuvre et qui confère la paternité de l’œuvre à son auteur.

Néanmoins, le droit d’auteur peut être assorti d’un dépôt pour ce qui est des productions esthétiques, il s’agira alors du dépôt de dessins et modèles.

La question qui se pose à l’auteur d’une création , qu’elle soit industrielle, littéraire ou artistique, est de savoir par quel moyen la protéger, à quel niveau et selon quelles modalités.

Car le dépôt et le droit d’auteur ne sont pas les deux seuls moyens de protéger son innovation. Différents moyens coexistent mais n’offrent pas tous les mêmes avantages ni la même force dans la protection qu’ils offrent. Ainsi, le choix du type de protection est déterminant en fonction du but recherché (I) d’autant plus qu’il est possible de considérer que la propriété intellectuelle souffre d’une certaine précarité (II).

 

I - Les différents types de protection, un choix déterminant

Le type de création, sa rentabilité économique, son originalité sont autant de facteurs qui conditionnent le choix entre les différents types de protection (A). Le code de la propriété intellectuelle propose une liste exhaustive des dépôts (B) encadrant également le choix entre les protections légales.

A - Les différentes protections

La principale distinction qui peut être faite entre les protections des créations de l’esprit est tripartite. D’une part existe-t-il les protections exposées en introduction qui créent un droit de propriété par le mécanisme du dépôt et, d’autre part, plusieurs mécanismes préalables qui permettent de se prémunir sans pour autant créer un titre de propriété. Une troisième catégorie intervient avec le droit d’auteur qui est transversale puisqu’elle peut se cumuler avec les deux autres.

Les protections qui se font sans création de titre de propriété interviennent essentiellement en amont d’un dépôt, au préalable, alors que l’auteur n’en est qu’à la phase de réalisation de son idée ou de son concept. Elles visent surtout à prouver l’antériorité de la création, au cas où une autre personne protégerait également une création identique. Parmis elles, envoyer un courrier à soi-même est, en pratique, un usage utile puisqu’il date de façon certaine le contenu de l’envoi. Néanmoins le niveau de protection est très faible. Le mécanisme ne pourrait pas constituer en soi une preuve de l’antériorité car trop peu encadré juridiquement mais tout au plus un commencement de preuve.

A l’inverse, l’INPI propose un système équivalent mais beaucoup plus sécurisé avec l’enveloppe Soleau. Il s’agit alors de matérialiser son idée ou concept sur un support et de le sceller dans l’enveloppe. Elle permet de se constituer une preuve certaine de la date de l’idée. Bien entendu, la limite réside en ce qu’elle ne permet pas de prouver davantage de chose.

L’INPI mais aussi la doctrine proposent souvent le silence comme première protection d’une idée. La non-communication par l’auteur de son idée est encore la meilleure façon de ne pas se voir copier. En revanche, le niveau de protection d’un point de vue juridique est nul, dans la mesure où si des fuites finissent par survenir, rien ne protège plus la création. C’est la raison pour laquelle il est souhaitable de l’assortir au moins d’une enveloppe Soleau. De même, il est également souvent conseillé de négocier un accord de confidentialité dans le cas où votre création amène son auteur à échanger à ce sujet avec des tiers, comme par exemple dans le cadre d’une exploitation commerciale.

Les protections légales, c’est-à-dire le dépôt , sont très encadrées juridiquement et le code de la propriété intellectuelle comporte de nombreuses dispositions visant à limiter le recours aux dépôts aux seules vraies créations.

B - Une liste des protections légales limitative

Non seulement il est impossible en France de protéger une idée en tant que telle mais en plus il n’est pas possible de protéger toute création. Les protections créant un droit de propriété et le droit d’auteur s’appliquent à des cas de figure limités.

Le Code de la propriété intellectuelle règlemente les différents types de dépôt possibles. C’est en premier l’article 511-1 du code qui prévoit le dépôt de dessins et de modèles . Il dispose que « peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation ». L’article suivant précise immédiatement que le dessin ou le modèle doit être nouveau.

Si c’est une règle générale en matière de propriété industrielle, elle s’exprime très clairement en matière de dessins et de modèles puisqu’un article unique est consacré à cette limite. Il faut en déduire que la récupération d’une image existante comme dessin ou modèle, qu’elle soit elle-même protégée ou non, ne pourrait alors pas être déposé.

Le brevet quant à lui protège une création technique. L’innovation qui est son objet est définie par l’INPI comme « une innovation technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une solution technique à un problème technique donné ». C’est, par ailleurs, l’article L. 611-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation ».

Les marques sont également protégées par l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle : « la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ». La protection d’une marque est sans limite de temps, du moment que le dépôt est renouvelé. L’intérêt de ce dépôt est qu’il peut porter sur une représentation graphique.

Malgré cela, il se différencie du dépôt de dessins et modèles puisque la limite dans le temps n’est pas la même. Il faut tout de même que cette représentation graphique soit attaché à une marque, ce n’est pas une protection des créations esthétique alternative.

Le dépôt à l’INPI porte de fait exclusivement sur ces trois catégories auxquelles s’ajoutent le droit d’auteur. Celui-ci est défini à l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Le droit d’auteur crée donc bien un droit de propriété sur l’œuvre mais qui s’exprime différemment que pour le dépôt puisque l’œuvre est diffusée.

Les différents dépôts sont, en plus, soumis à diverses limites que viennent compenser d’autres possibilités, sur le plan européen et international.

 


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II - Les limites aux protections

Les dépôts et le droit d’auteur sont prévus par le code de la propriété intellectuelle qui y consacre de nombreux articles. En découle un conditionnement juridique restrictif (A) que complètent des dispositions européennes et internationales en étendant territorialement la protection (B).

A - Un conditionnement juridique restrictif

Il est nécessaire avant tout que l’idée ou le concept que l’on souhaite protéger soit original. De fait, la matérialisation de l’idée doit l’être aussi. L’originalité, que ce soit pour les dépôts à l’INPI ou pour le droit d’auteur, est un des critères essentiels, si ce n’est le critère essentiel. De nombreux exemples ont vu le jour avec l’arrivée des nouvelles technologies provoquant un enrichissement des critères de détermination de l’originalité.

Ainsi, la Cour de cassation a confirmé le critère dans un arrêt de renvoi du 12 mai 2011 en ajoutant qu’il revenait aux juges du fond de s’assurer qu’un site internet remplissait effectivement le critère d’originalité indispensable pour se voir protéger par le droit d’auteur.

En plus de l’originalité, il faut également évaluer l’impact économique de sa création, afin d’opter pour un niveau de protection adapté au moins en ce qui concerne le coût. De même, il est important de s’assurer que la matérialisation de l’idée est à un stade suffisamment avancé pour être déposée. Dans le cas du brevet par exemple, l’invention, en plus d’être nouvelle, doit être susceptible d’application industrielle.

La loi prévoit une dernière limite matérielle, à laquelle s’ajoutera une série d’exclusions. Les dépôts ainsi que le droit d’auteur sont effectivement limités dans le temps. Le dépôt de dessins et modèles est limité à 25 ans maximum et soumis à une durée minimale de 5 ans. Au-delà, l’exploitation commerciale n’est plus limitée et le recours pour contrefaçon n’est plus non plus possible. Il en va de même pour le brevet qui offre une protection d’une durée de 20 ans. En revanche les marques sont protégées indéfiniment, comme ce qui a été exposé précédemment.

Finalement, la loi prévoit aussi des exclusions : tout ne peut pas être déposé. Les idées en tant que telles, les concepts et les productions dépourvues d’originalités ne peuvent être déposées et ne bénéficient pas du droit d’auteur. En plus de ces deux limites inhérentes au mécanisme, il est impossible de protéger une création sous un autre dépôt que celui la concernant naturellement. Une marque par exemple ne peut être brevetée.

La seule exception à ce principe est le cas où est attaché à la marque un logo, qui sera déposé avec la marque puisqu’il s’y attache, comme dans une logique de l’accessoire. Des exclusions en France déclenchent actuellement des débats doctrinaux, comme l’interdiction de breveter le vivant, alors que d’autres pays ont déjà prévu cette possibilité.

De même, un dessin technique, comme un plan, ne peut être déposé comme dessin mais peut éventuellement être breveté puisque l’intérêt du support ne réside pas dans son caractère esthétique mais bien dans l’innovation technique qu’il représente. Les exclusions pour le dépôt de marques sont plus variées puisqu’elles portent aussi bien sur des questions d’ordre public que sur des questions courantes, comme l’interdiction de déposer un terme générique.

Enfin, il convient également de rappeler que le logiciel et ce qui s’y attache est soumis au droit d’auteur et non au système du dépôt à l’INPI, ce qui offre une protection maximale quasi instantanée. En revanche, ce principe exclu la protection du logiciel par le brevet.

B - Le recours à d’autres dépôts

Déposer un brevet, une marque ou un dessin à l’INPI permet une protection territorialement limitée, en vertu d’un principe de territorialité. En parallèle, il est également possible de se protéger des atteintes à la propriété intellectuelle en dehors du territoire. Si à l’origine il fallait déposer sa production dans chaque pays où elle était exploitée, des mécanismes ont été créé depuis pour faciliter les procédures.

En Europe notamment, le marché unique a rapidement imposé la création d’un système de protection communautaire. Deux institutions différentes se répartissent les dépôts et leur gestion. D’une part, l’Office Européen des Brevets créé par la convention de Munich de 1973 permet une protection des brevets sur le territoire européen et pas seulement communautaire.

C’est seulement depuis 1996 qu’un système permet aussi de protéger les marques, dans l’Union européenne cette fois-ci. Dans un tel cas, le tribunal compétent en première instance en cas de litige est déterminé par chaque Etat membre. En France, il s’agit du tribunal de grande instance de Paris. C’est l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) qui en est chargé, ainsi que pour les dessins et modèles depuis 2003.

L’union Européenne travaille actuellement sur un paquet brevet ainsi qu’un paquet marque unitaire et plus simple à mettre en œuvre. Malheureusement, cela prend du temps.

Sur le plan international, une dernière protection est aussi possible et porte sur les brevets en vertu du Traité de coopération en matière de brevets. Les marques sont quant à elles soumises à l’enregistrement international du système de Madrid. Il permet une procédure unique pour obtenir la protection d’une marque dans un certain nombre de pays adhérents. Une procédure équivalente, le système de la Haye, est prévue aussi pour les dessins et modèles. Ces trois procédés sont organisés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

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