LE DROIT DES ROBOTS

Pour faire supprimer un contenu qui bafoue vos droits, utilisez le service mis en place par le cabinet Murielle-Isabelle CAHEN.

/ Mai 2022 /

Si la création et le développement d’Internet furent l’une des révolutions majeures de la fin du 20ème siècle, aujourd’hui c’est vers la robotique que les regards se tournent. En effet, les robots sont déjà parmi nous : certainement moins en France qu’en Chine, au Japon ou en Corée, mais selon le Plan National pour la Robotique ils constituent déjà une nouvelle frontière et pourraient donc devenir la prochaine grande révolution industrielle avec un marché multiplié par 30 en seulement 10 ans.

Pour rappel, selon l’ALTIF (Analyse et traitement informatique de la langue française), le robot peut être défini comme un « appareil effectuant, grâce à un système de commande automatique à base de micro-processeur, une tâche précise pour laquelle il a été conçu dans le domaine industriel, scientifique ou domestique ».


Besoin de l'aide d'un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


La robotique, quant à elle, englobe l’ensemble des techniques permettant la conception, la réalisation de machines automatiques ou de robots. En effet, ce terme recouvre une réalité multiple. On distingue des services de robotiques trouvant application dans des domaines différents : robotique industrielle (industrielle automobile), robotique domestique (assistants pour personnes âgées), robotique médicale (robots chirurgicaux) ou encore militaire (drones).

On peut également rajouter à ces multiples applications une dimension évolutive. A l’origine, la robotique commence avant les robots avec les automates. La différence fondamentale entre automate et robot se situe là : l’automate obéit à un programme préétabli, que ce soit de manière mécanique ou électrique, alors que le robot est doté de capteurs dont les actions sont décidées par l’intermédiaire de son programme en fonction de l’environnement.

Depuis le début du 21ème siècle, l’introduction de de de l’intelligence artificielle est en trin de modifier considérablement les services robotiques avec la possibilité désormais offerte de créer des robots totalement autonomes. Ainsi, de nouveaux robots apparaissent et ont pour fonction première d’assister des personnes âgées ou des personnes à mobilité réduite dans leurs tâches quotidiennes.

D’ailleurs, ces fonctionnalités ne sont pas les seules visées, concernant l’évolution et les enjeux liés à la robotique : si ces développements permettent effectivement d’assister l’humain dans ses tâches physiques, l’intelligence artificielle et la « conscience » robotique sont également au cœur des objectifs poursuivis par la science en matière de robotique.

L’image du robot « Watson » d’IBM en est une parfaite illustration, tant les prouesses « intellectuelles » de ce dernier étonnent (le robot ayant remporté le fameux jeu télévisé américain « Jeopardy! » contre deux champions du monde).

La révolution industrielle que constitue l’intelligence artificielle et la robotique est un tournant historique en ce sens, puisque la pertinence et l’efficacité du cerveau humain (et non plus seulement ses capacités physiques) sont remises en cause.

Ainsi, avec le développement croissant de ces robots autonomes et interactifs, apparaît une véritable nécessité d’encadrer cette nouvelle technologie par le droit. Quid d’un droit des robots ?

On imagine donc que les robots intégreront dans un futur proche une large partie de notre quotidien. Ainsi, avec le développement croissant de ces robots autonomes et interactifs, apparaît une véritable nécessité d’encadrer cette nouvelle technologie.

Des organismes et institutions travaillent depuis plusieurs années sur cette thématique : la Direction des affaires stratégiques du ministère de la Défense, le Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, le Commissariat à l’énergie atomique et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Les juristes commencent donc à s’intéresser à ce phénomène (Vème Conférence franco-japonaise d’éthique des sciences et de bioéthique sur la recherche médicale, Toulouse, 24-26 mars 2011). Si l’on reste dans la comparaison avec la révolution Internet, la démocratisation de sa pratique a nécessité la création d’un cadre juridique adapté (Loi n°2004-575) du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Dès lors, quel cadre juridique doit-on adopter concernant le droit des robots ?

C’est donc tout naturellement que le Parlement européen s’intéresse désormais à ces questions, il a notamment présenté le projet de règlement « AI Act » le 21 avril 2021.

Afin de répondre à cette question, il convient de se pencher d’une part sur l’encadrement juridique à adopter pour la robotique (I), et d’autre part, sur l’éventuelle imputabilité d’une responsabilité (II).

 

I- L’encadrement législatif de la robotique

L’introduction d’une intelligence artificielle implique la création de nouveaux droits à l’instar de ceux consacrés dans le monde numérique notamment concernant les droits de la personnalité. Ainsi, la solution consisterait à imaginer un statut juridique adapté, comparable à celui de la personnalité morale. Ce statut se justifie notamment lorsque les robots acquièrent un degré de liberté et d’autonomie de plus en plus important par rapport à leur environnement et aux humains qui les utilisent. Existe-t-il des outils juridiques déjà existants à notre portée ? (A) Sinon, doit-on aller vers la création d’un droit sui generis ? (B)

A) Des outils juridiques existants limités

S’il n’existe pas aujourd’hui de véritable encadrement législatif de la robotique, plusieurs outils juridiques éparses permettent néanmoins d’encadrer les robots et plus largement la robotique. On retrouve ces outils dans différentes branches du droit : droit des contrats,droit de la consommation et droit de la propriété intellectuelle.

Concernant le droit des contrats, la loi impose au vendeur professionnel deux obligations principales (article 1603 du Code civil) : l’obligation de délivrance qui se scinde en deux obligations principales ; une obligation de mise à disposition de la chose et une obligation de délivrance conforme, et une obligation de garantie. Cette dernière comprend deux objectifs distincts : garantir la jouissance paisible de la chose et garantir l’absence de défaut de la chose vendue.

De plus, l’acheteur bénéficie aussi de la responsabilité du fait des produits défectueux encadrée par la loi du 19 mai 1998 qui insère les articles 1386-1 et suivants dans le Code civil. Cette responsabilité spéciale est la situation dans laquelle un producteur engage sa responsabilité délictuelle du fait d’un défaut de sécurité de l’un de ses produits ou services entraînant un dommage à une personne, quelle qu’elle soit.

En outre, l’article 5 du décret du 20 juillet 2005 stipule que les équipements électriques et électroniques comme les appareils ménagers et les dispositifs médicaux doivent être conçus et fabriqués de façon à faciliter leur démantèlement et leur valorisation afin d’encadrer la responsabilité du producteur. Enfin, certains types de robots industriels tels que ceux intégrant une ligne de production doivent répondre aux exigences de sécurité prévues par la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines. La directive est entrée en application depuis le 29 décembre 2009.

Par une ordonnance en date du 14 avril 2021, un nouveau régime de responsabilité pénale applicable pour les véhicules à délégation de conduite a été mis en place. En effet, la voiture autonome est un robot bien spécial pouvant être au cœur de nombreux problèmes de responsabilité. Il a été prévu à l’article 123-1 du Code de la route que le conducteur n’était pas responsable dans le cas où au moment des faits les fonctions du véhicule étaient totalement déléguées à un système automatisé et que celui-ci exerçait un contrôle dynamique du véhicule. C’est le constructeur qui pourra être pénalement responsable des dommages causés par le système automatisé selon l’article 123-2 du Code de la route.

Concernant le droit de la propriété intellectuelle, des droits sont souvent revendiqués sur les robots sans que cela ne suscite de difficulté particulière. En effet, des brevets d’invention sont couramment accordés dans le domaine de la robotique (robots chirurgicaux). De plus, la forme ou les performances d’un robot offrent un champ d’application peu contestable au droit d’auteur (ex : tête de « Nao », robot de la société d’Aldebarran, est déposée au titre des dessins et modèles). On peut par ailleurs penser que le droit sui generis des bases de données pourrait s’appliquer pour les données chargées dans le robot et pour celles qu’il accumule en mémorisant de nouvelles expériences.

B) Vers la création d’un droit sui generis

Le cadre juridique actuel ne semble cependant pas pouvoir appréhender la diversité de la créativité que les robots vont engendrer. Si les robots ont pu, par le passé, augmenter la productivité des entreprises, améliorer les traitements et les interventions médicales et faciliter les tâches ménagères du quotidien, aujourd’hui, l’arrivée de certains prototypes semble nécessiter un cadre éthique et réglementaire particulier.

En effet, avec la multiplication des interactions entre les robots de service et les humains, il peut être intéressant d’imaginer un statut juridique quelque peu identique à celui des personnes morales. Etre doté de la personnalité signifie, dans le langage juridique, être apte à posséder des droits et à encourir des obligations. La personne, dans le sens qu’attribuent à ce terme les juristes, c’est l’être qui peut être sujet de droit.

En ce sens, le législateur est venu doter de la personnalité juridique des entités comme les sociétés commerciales, les syndicats ou encore les associations qui sont par essence des personnes virtuelles. La personnalité morale confère à la personne morale nombre d’attributs reconnus aux personnes physiques, comme un nom,  un patrimoine,, un domicile.

La personnalité morale permet notamment d’ester en justice et d’être tenu responsable pénalement. La création d’un statut sui generis permettrait ainsi aux robots d’avoir une personnalité juridique engendrant à leur égard un ensemble de droits et d’obligations.

En effet, si l’on franchit un pas dans l’autonomie, on se trouve confronté à des robots dont les agissements ne doivent plus rien à l’intervention directive de l’homme. Même si la machine a été programmée par un informaticien, construite par un roboticien et mise en route par son utilisateur, il arrive qu’elle prenne des initiatives en s’adaptant à de nouveaux environnements. On peut citer comme exemple les portraits du robot Paul qui produit sans nul doute des créations originales.

Cependant, la position du Parlement européen est claire, il refuse d’accorder la personnalité juridique à l’intelligence artificielle. Il a notamment rappelé cette position dans le projet de règlement sur l’intelligence artificielle présenté en avril 2021

Toutefois, même en reconnaissant un statut juridique aux robots, il semblerait difficile, voire impossible d’admettre une éventuelle responsabilité à ces machines. Le principe d’une responsabilité civile ou pénale des robots pose de nombreuses questions qui nécessiteraient de revisiter certaines des notions fondamentales de notre droit telles que la capacité de discernement, la conscience de commettre un acte illicite et la maîtrise de ses actes.


II- L’imputabilité d’une responsabilité des robots

Avec l’introduction de robots de plus en plus intelligents et autonomes, les actions de ces derniers seront certainement de nature à échapper de plus en plus au contrôle de leur propriétaire ne leur permettant plus de maîtriser et d’en appréhender les conséquences. Un tel scénario imposerait de revisiter les fondements traditionnels du droit de la responsabilité afin de savoir si les robots pourraient un jour répondre de leurs actes. On peut donc imaginer la création d’un régime spécial de responsabilité (A), ainsi que l’hypothèse d’une responsabilité de l’homme envers les robots (B).

A) Vers la création d’un régime spécial de responsabilité

Le droit de la responsabilité civile, tel que prévu actuellement par le Code civil, repose sur trois notions fondamentales : une faute imputable à un individu, un dommage et un lien de causalité. Ainsi, pour que la responsabilité puisse être engagée, il faut que l’individu responsable ait le contrôle de ses actes et des conséquences que ces derniers engendrent.

Par conséquent, cela implique que l’individu devient responsable si et seulement s'il dispose d’une autonomie décisionnelle et comportementale. La personne doit donc prendre des décisions avec discernement. En ce sens, la jurisprudence a toujours refusé de retenir la responsabilité des machines, faute d’absence de capacité de discernement.

Néanmoins, dès le début du 20ème siècle, le législateur a commencé à prendre en compte la multiplication des dommages causés par les machines en instaurant une responsabilité de plein droit des choses que l’on a sous sa garde. Cela concernait les choses dont un individu a l’usage, la direction et le contrôle. La jurisprudence considère donc que la personne qui les contrôle sera tenue responsable. A l’inverse, c’est seulement dans le cas d’un dysfonctionnement que l’individu peut écarter sa responsabilité, cette dernière retombant sur le fabriquant par le biais de la responsabilité des produits défectueux.

Dans une résolution adoptée le 16 février 2017, le Parlement européen recommande la mise en place d’un projet législatif pour appréhender les questions de responsabilité. Les parlementaires demandent à la commission de réfléchir à la création d’un statut juridique spécial pour les robots, cela étant fondamental pour répondre aux problématiques liées à la responsabilité de ces derniers.

Par la suite, une nouvelle résolution a été prise en date du 12 février 2019. Dans cette dernière le Parlement s’intéresse à l’IA au sens large.

Le 21 avril 2021, la Commission européenne a présenté son projet de règlement « l’AI Act » visant à établir un cadre juridique sur l’intelligence artificielle.

On constate alors, dans le cas des robots ayant une certaine autonomie, la nécessité de faire évoluer le cadre juridique actuel. En effet, la responsabilité du fait des choses étant inapplicable en l’absence du critère de contrôle, la création d’un régime spécial semble inévitable.

B) L’hypothèse d’une responsabilité de l’homme envers les robots

Si l’idée d’une responsabilité de l’homme envers les robots contre d’éventuels abus peut paraître saugrenue, l’évolution de la robotique devrait nous amener à étudier une éventuelle protection juridique du robot. A titre d’exemple, les animaux sont aujourd’hui protégés contre les sévices et les actes de cruauté des humains.

En effet, depuis le 28 janvier 2015, les animaux ne sont plus considérés comme « des biens meubles », mais comme des « êtres vivants doués de sensibilité », c’est ce que prévoit le nouvel article 515-14 du Code civil.Le Code pénal réprime également de peines d’emprisonnement et d’amende les destructions, dégradations et détériorations des biens d’autrui.

Le développement des robots ressemblant de plus en plus à des êtres humains capables de dégager de l’empathie et de l’émotion devrait encourager le législateur à créer une personnalité juridique spéciale combinée à un régime spécial de protection des robots.

En effet, des observations scientifiques démontrent que les robots qui rendront des services aux humains dans leur vie quotidienne seront de plus en plus regardés avec anthropomorphisme. Même si ces observations ne permettent pas de comparer les robots aux animaux ou aux humains, elles pourraient conduire à réprimer le fait de porter des atteintes à l’intégrité des robots non pas pour protéger les atteintes matérielles en tant que telles, mais plutôt pour protéger la sensibilité des humains et les intérêts de la société.

Pour lire uneversion adaptée aux mobiles de cet article sur le droit des robots cliquez

Sources :

Code civil
Code de la propriété intellectuelle
Wikipédia
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030250342/
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:52021PC0206
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074228/LEGISCTA000043371833/#LEGISCTA000043371833

ARTICLES QUI POURRAIENT VOUS INTERESSER :

retour à la rubrique 'Autres articles'

Cet article a été rédigé pour offrir des informations utiles, des conseils juridiques pour une utilisation personnelle, ou professionnelle.

Il est mis à jour régulièrement, dans la mesure du possible, les lois évoluant régulièrement. Le cabinet ne peut donc être responsable de toute péremption ou de toute erreur juridique dans les articles du site.

Mais chaque cas est unique. Si vous avez une question précise à poser au cabinet d’avocats, dont vous ne trouvez pas la réponse sur le site, vous pouvez nous téléphoner au 01 43 37 75 63.

| Conditions d'utilisation du site: IDDN | | Contacts | Plan d'accès | English version |
| C G V | Sommaire | Plan | recherche | Internet | Vie des sociétés | Vie quotidienne | Services en ligne | Votre question? |
Nous joindre - Tel : 0143377563
En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez le dépôt de cookies qui nous permettront de vous proposer des contenus intéressants, des fonctions de partage vers les réseaux sociaux et d'effectuer des statistiques. Voir notre politique de gestion données personnelles.
Partager
Suivre: Facebook Avocat Paris Linkedin Avocat Paris Tumblr Avocat Paris Twitter Avocat Paris Google+ Avocat Paris App.net portage salarial RSS Valide!
Retour en haut