LES LOGICIELS LIBRES

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/ Novembre 2020 /

En informatique, un logiciel est un ensemble de séquences d'instructions interprétables par une machine et d'un jeu de données nécessaires à ces opérations. Le logiciel détermine donc les tâches qui peuvent être effectuées par la machine, ordonne son fonctionnement et lui procure ainsi son utilité fonctionnelle. Les séquences d'instructions appelées " programmes " ainsi que les données du logiciel sont ordinairement structurées en fichiers.

Un logiciel peut être classé comme système, applicatif, standard, spécifique, ou libre, selon la manière dont il interagit avec le matériel. Les logiciels sont aujourd'hui largement utilisés et sont embarqués dans toutes les nouvelles technologies. Mais certains auteurs, créateurs de logiciels n'ont pas voulu restreindre l'usage de leur logiciel, on parle alors de logiciel libre.

Un logiciel libre est un logiciel dont l'utilisation, l'étude, la modification et la duplication en vue de sa diffusion sont permises, techniquement et légalement.  Ceci afin de garantir certaines libertés induites, dont le contrôle du programme par l'utilisateur et la possibilité de partage entre individus. Nous pouvons en citer plusieurs tels que :

Linux (système d’exploitation), Bind (service de nom de domaine sécurisé), Sendmail (gestionnaire de messagerie), Apache (serveur)… autant de noms qui sont devenus célèbres dans le paysage informatique, notamment sur Internet et également dans les entreprises et les administrations.


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Ces logiciels ont un point commun : ce sont tous des logiciels libres (free software), c’est-à-dire des logiciels fournis avec leur code source.

Le 7 octobre 2016, la loi n° 2016 -1321 pour une république numérique a  été promulguée et publiée au journal officiel. Cette loi comporte une disposition qui vise à encourager l’utilisation de logiciels libres au sein du secteur public. L’article 16 de la loi dispose en effet que les administrations doivent encourager « l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation de tout ou partie de ces systèmes d’information. »

Cette disposition a été fortement critiquée, car elle ne comporte aucune portée contraignante. Pour assurer l’indépendance technologique des administrations et leur souveraineté numérique, il aurait fallu accorder une réelle priorité aux logiciels libres et pas seulement encourager les administrations à les utiliser. L’April association de promotion et défense du logiciel libre avait d’ailleurs regretté cette absence de contrainte à utiliser les logiciels libres quand cela était possible.

Mais d’un autre côté pour l’ancienne ministre en charge du numérique Axelle Lemaire la priorité au logiciel libre entraînerait « un risque constitutionnel ». De plus pour certains acteurs du numérique comme des représentants d’éditeurs de logiciels propriétaires et de logiciels open source (AFDEL, Fevad, SFIB, Syntec numérique) même le simple fait d’encourager l’utilisation de certains logiciels plutôt que d’autres est à déplorer.

Pour eux c’est une intrusion dans la vie des affaires des entreprises. Ainsi cela revient à « dicter les choix de modèles d’affaires des entreprises ». Au moment des débats parlementaires, ils avaient ainsi demandé à ce que l’amendement faisant la promotion des logiciels libres soit retiré. Ils estimaient qu’il contrevenait au principe de neutralité de l’État.

Bien qu’omniprésent sur Internet et connu du grand public, le logiciel libre est une notion qu’il est nécessaire de définir précisément (1) pour appréhender au mieux les enjeux juridiques du logiciel libre (2).

 

I. La nécessaire définition du logiciel libre

A) Un rappel historique indispensable

C’est à partir de 1985 que la notion de logiciel libre prend toute sa signification.

A l’époque, les équipes de recherches du laboratoire d’Intelligence Artificielle de l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT) ont l’habitude de partager leur système d’exploitation avec les autres universitaires.

Le système d’exploitation n’est pas seulement disponible dans sa version exécutable. Son code source est laissé à la libre disposition des universitaires qui l’adaptent à leurs besoins. Richard Stallman travaille au MIT et décide alors de donner de l’ampleur à ce phénomène : il quitte son poste de chercheur à l’université et se consacre entièrement à son association nouvellement créée : la Free Software Foundation (FSF).

Le but de cette association à but non lucratif est de faire partager un logiciel à un plus grand nombre de personnes. La FSF s’associe avec Linux pour créer un système informatique complet et libre. Depuis, le logiciel libre n’a cessé pas de faire des émules à travers le monde.

Par la suite, une autre association a vu le jour : l’Open Source Initiative (OSI). Il est à noter que les partisans du « Free Software » s'attachent à l'importance de la liberté du logiciel, tandis que les partisans de « l'Open Source » ont une optique plus commerciale et mettent l'accent sur le modèle technique de développement de logiciel.

B) Les quatre libertés à retenir

Selon un arrêté ministériel du 22 décembre 1981, le logiciel se définit comme étant « l’ensemble des programmes, procédés et règles, et éventuellement la documentation, relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données ».

Cette définition correspond aussi bien aux logiciels propriétaires qu’aux logiciels libres. Selon la Free Software Foundation, le logiciel libre est un logiciel fourni avec l’autorisation pour quiconque de l’utiliser, de le copier et de le distribuer.

Le logiciel libre est réputé respecter les quatre libertés suivantes :

liberté d’exécuter le programme. Cette liberté est intitulée zéro car elle est commune à la liberté qu’a tout utilisateur d’un logiciel propriétaire et d’un logiciel libre.

liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter aux besoins. L’accès au code source est donc indispensable pour faciliter l’exercice de cette liberté.

Il est bon de rappeler que le code source est l’ensemble des instructions écrites dans un langage de programmation informatique compréhensible par les êtres humains. Pour être utilisable par l’ordinateur, le code source doit être compilé, c’est-à-dire transformé en code binaire exécutable par la machine.

liberté de redistribuer des copies, donc de partager le logiciel avec la communauté.

liberté d’améliorer le programme, de publier les améliorations pour en faire profiter la communauté. Là encore, l’accès au code source est une condition indispensable. Le logiciel est libre mais cela ne signifie pas qu’il soit gratuit. Il est nécessaire de combattre cette idée reçue !

Le logiciel libre peut très bien être commercialisé et être source de profit pour son créateur. Le Free software, c’est-à-dire le logiciel libre, se distingue également du freeware, ce logiciel gratuit qui peut être copié et distribué librement mais dont le code source n’est pas disponible.

Le logiciel libre diffère, par ailleurs, du shareware qui est un logiciel que l’on peut utiliser gratuitement pendant une période donnée. Après la période d’essai, il sera nécessaire de payer une contribution à son auteur pour pouvoir continuer de l’utiliser.

Le logiciel libre est une expression que tout le monde a entendu mais dont peu de gens appréhendent l’entière définition. Il est pourtant nécessaire de bien connaître la notion de logiciel libre pour déterminer quels sont ses enjeux juridiques.

Ses enjeux sont liés à la protection de ce dernier : libre ne veut pas dire que tout est permis. Le logiciel libre doit être protégé par le droit afin de limiter les abus.

 

II. Les enjeux juridiques du logiciel libre

A) La protection classique du logiciel libre par le droit d’auteur.

Le logiciel libre est considéré comme une œuvre de l’esprit originale et donc protégeable par le droit d’auteur (article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Trois arrêts de l’Assemblée plénière du 7 mars 1986 ont déclaré que le logiciel était une œuvre de l’esprit lorsqu’il faisait preuve d’un effort personnalisé de son auteur allant au-delà des impératifs techniques liés à sa création.

Dans des décisions en date des 10 et 23 novembre 1994 (Mécalog et Sybel), les juges ont précisé que l’originalité du logiciel s’apprécie au regard des choix opérés par le développeur. De plus, la Cour d’appel de Paris, le 7 mai 1999, a considéré que la protection d’un logiciel par le droit devait s’apprécier dans la « composition, l’architecture et l’expression du produit ». Sauf dans les cas où une contestation sérieuse naît entre deux personnes, le logiciel est presque systématiquement considéré comme original et protégé par le droit d’auteur.

Il s’agit d’une présomption simple jusqu’à preuve du contraire. Il est à souligner que le logiciel libre est rarement le travail d’une seule personne. Le code source étant libre d’accès, les personnes ont la possibilité de modifier le logiciel. Elles sont obligées par la suite de faire connaître leur contribution aux autres membres de la communauté.

Tout d’abord, le logiciel libre est donc par essence le travail de plusieurs personnes. Le logiciel libre peut donc être une œuvre collective.

Selon l’article L113-2, alinéa 3 du Code de la propriété Intellectuelle, l’œuvre collective est :
« l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie, la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

Mais ce cas reste rare.

En effet, Le logiciel libre est le plus souvent considéré comme une œuvre de collaboration, c’est-à-dire une œuvre créée par plusieurs personnes ensemble. L’article L113-2 du Code de la propriété Intellectuelle énonce « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».

Il pourrait, enfin, être considéré comme une œuvre composite, c’est-à-dire une œuvre réalisée à partir d’une autre œuvre. L’œuvre nouvelle sera alors incorporée dans une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de l’œuvre originelle (article L113-2, alinéa 2 du Code de la Propriété Intellectuelle).

Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce que l’auteur originel d’un logiciel libre permet le libre usage, la reproduction, la modification, la distribution de son logiciel modifié ou non, qu’il renonce à ses droits patrimoniaux et moraux. En droit français, le droit moral de l’auteur d’un logiciel (propriétaire ou libre) est restreint.

Seuls les droits de divulgation de l’œuvre et de paternité subsistent. Les droits de modification, de repentir et de retrait prévu à l’article L121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle n’existent pas en matière de droit moral des logiciels.

En effet, l’article L121-7 du Code de la propriété Intellectuelle affirme que :
« sauf stipulation contraire plus favorable à l’auteur du logiciel, celui-ci ne peut : 1° S’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits (…) lorsqu’elle n’est pas préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation. 2°. Exercer son droit de repentir ou de retrait. ».

On peut donc se poser la question si le droit à la paternité de l’œuvre existe en matière de logiciel libre.

En effet, de nombreux logiciels libres n’indiquent pas leurs auteurs. La doctrine (notamment Monsieur Bailly et Madame Clément-Fontaine) affirme que le droit moral perdure.

D’ailleurs, de plus en plus de logiciels libres prévoient une mention indiquant le nom de l’auteur ou une modification éventuelle dudit logiciel. Par exemple, Apache prévoit que soit mentionné l’auteur du logiciel originaire. L’auteur d’un logiciel libre, par ailleurs, ne renonce pas à ses droits patrimoniaux.

On ne peut pas tout faire avec ce logiciel, il n’est pas non plus libre de droit. La mise à disposition du code source est généralement aménagée dans un contrat de licence. Ce contrat organise l’utilisation du logiciel et ses éventuelles modifications.

B) La protection complémentaire du logiciel libre par le droit des contrats

Le logiciel libre, comme le logiciel propriétaire, s’accompagne d’une licence d’utilisation. La plus connue est la licence GNU GPL dont Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation, est l’instigateur.

La doctrine considère que ce contrat de licence est un contrat de louage lorsqu’il est concédé à titre onéreux (article 1709 du Code civil) ou comme étant un contrat de prêt lorsqu’il est concédé à titre gratuit (article 1128 du Code civil)).

Il n’est aucunement un contrat de vente (article 1582 et suivants du Code civil). Le licencié n’est pas propriétaire du logiciel mais seulement du support de ce logiciel. Comme tout contrat, il est nécessaire que les conditions prévues à l’article 1108 du Code civil soient respectées : le consentement (en général, le contrat de licence est inclus dans le logiciel, sur Internet, l’acceptation peut se faire en un simple clic).

Généralement en anglais, la question de la validité en France des licences de logiciels libres pourrait être soulevée. La doctrine énonce que ces licences sont des contrats internationaux et peuvent donc être écrits en anglais. En tout cas, ces licences doivent être bien comprises par l’utilisateur français avant d’être acceptées.

Il est donc nécessaire d’être extrêmement vigilant lorsque l’utilisateur accepte un tel contrat de licence. la capacité de contracter : il faut être majeur et être titulaire des droits sur le logiciel libre et son utilisation que l’on concède. un objet certain : il s’agit du logiciel avec son code source.

Une cause licite : la cause subjective (les motifs pour lesquels les parties contractent) et la cause objective (raison commune à tout type de contrat) doivent être conformes à la loi, à l’ordre public, aux bonnes mœurs. De ce contrat découlent des obligations, notamment pour l’utilisateur du logiciel.

Depuis la réforme du 10 février 2016, la cause n’est plus explicitement présente dans le code. Cependant, son esprit reste conservé.

Ce dernier doit faire partager aux autres membres de la communauté « logiciel libre » les modifications qu’il aurait apportées audit logiciel. Pour la personne qui transmet la licence, elle devrait concéder un logiciel performant ne présentant pas de bugs. Mais la plupart du temps, des clauses exonératoires de garantie et de responsabilité sont prévues.

Ces clauses peuvent, au regard du droit français et notamment du Code de la consommation, être considérées comme abusives. Il est donc recommandé que les utilisateurs qui acquièrent un logiciel libre et acceptent la licence y afférente fassent très attention aux clauses prévues dans ladite licence. Les consommateurs qui acquièrent un logiciel libre avec sa licence en version anglaise doivent donc faire très attention aux clauses présentes dans ledit contrat.

Face à cette insécurité juridique latente (clause de non garantie et clause exonératoire d e responsabilité présentes dans la plupart des licences de logiciels libres), le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique), le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) et l’INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique) ont publié, le 5 juillet 2004, la version 1.0 de la première licence française de logiciel libre : la CeCILL.

Cette licence française se veut protectrice des droits des consommateurs ; elle prévoit, contrairement à la licence la plus utilisée GNU GPL, des clauses de garantie et de responsabilité. Le bureau français de la FSF, instigatrice de la licence GNU GPL, s’est déclaré défavorable à la CeCILL. Elle a précisé que la GNU GPL était valable en France et qu’une traduction officielle française devrait bientôt voir le jour.

Cette traduction a été réalisée en 2005.

La protection possible du logiciel libre par le droit des brevets La question de la brevetabilité des logiciels fait l’objet de nombreux débats. Le brevet protège une invention, c’est-à-dire une réalisation matérielle effective qui présente les critères cumulatifs suivants : la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle (article L611-10 et suivants du Code de la propriété Intellectuelle). L’invention fait donc l’objet d’une protection distincte de celle du droit d’auteur.

Un logiciel réunit le plus souvent les trois critères de l’invention. Les personnes qui sont pour la brevetabilité des logiciels affirment que la protection par le brevet permettrait au logiciel d’être mieux protégé que par le simple droit d’auteur qui protège seulement le programme et non l’algorithme à l’origine du logiciel. Les partisans du logiciel libre s’opposent à la brevetabilité des logiciels : ce dépôt en tant que brevet ne ferait que limiter les nouvelles créations. Le logiciel serait figé, ne pourrait évoluer librement et le partage du savoir ne pourrait se faire.

Pour l’instant, le logiciel (propriétaire et libre) n’est pas brevetable quand il est pris isolément. Par contre, une protection par le droit des brevets est possible lorsque le logiciel fait partie d’un ensemble brevetable.

La Cour d’appel de Paris, dans une décision Schlumberger du 15 juin 1981, a accepté la brevetabilité d’un procédé piloté par des logiciels qui reconstituait les caractéristiques physiques d’un terrain. Le 18 mai 2004, l’Union européenne a adopté un texte visant à instaurer une directive européenne sur la brevetabilité « des inventions mises en œuvre par ordinateur ». La France, l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la République Tchèque et la Hongrie ont approuvé le projet.

Le ­ 6 juillet 2005, ce texte a été rejeté par le parlement européen. Par ce rejet le parlement européen a ainsi clôturé définitivement la procédure législative concernant ce projet.

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