VALEUR PATRIMONIALE D’UN NOM DE DOMAINE

/ Avril 2021 /

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Le nom de domaine est une succession de noms alphanumériques servant à identifier la page d’un site Internet. Pour en être propriétaire, quelques clics suffisent. En effet, une simple réservation sur le site d’un « registrar » est nécessaire. Mais depuis peu, les tribunaux lui accordent une protection quasi équivalente à celle de la marque. Dès lors, le nom de domaine constitue un actif immatériel qu’il convient d’intégrer aux stratégies de défense de propriété intellectuelle.

À l’origine, le nom de domaine constitue un moyen de communication sur Internet. En effet, et comme l’indique l’AFNIC, le nom de domaine « est l’équivalent de votre adresse postale sur Internet. C’est la manière dont vos clients et vos contacts vont trouver votre site sur le web ».

Typiquement, le nom de domaine a de fait pour vocation de « simplifier » l’adresse d’un serveur ou d’un ensemble de serveurs, pour en faciliter l’accès.

Le nom de domaine ne répond à qu’une seule règle concernant son enregistrement, celle prévue à l’article 45-2 du Code des postes et des communications électroniques à savoir « premier arrivé premier servi ». De fait, il n’est pas soumis aux règles à la fois contraignantes et protectrices du droit des marques.

Mais, face aux changements de comportements des consommateurs et à l’influence des sites Internet, le nom de domaine devient peu à peu un actif patrimonial susceptible d’exploitation et de valorisation financière.


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C’est pourquoi la question de pose de plus en plus de la manière dont le nom de domaine, et surtout ceux à la valeur patrimoniale importante, peut être protégé.

En effet, l’émergence de nouvelles formes de créations incite les juges à consacrer une protection qui n’est pas expressément prévue par le législateur.

Le tribunal de grande instance de Paris, le 17 janvier 2014, affirme qu’un « nom de domaine peut faire partie, bien que n’étant pas cité expressément dans l’énumération de l’article L711-4 susvisé, des antériorités opposables à celui qui dépose une marque, encore faut-il qu’il ait donné lieu, outre les formalités d’immatriculation ou d’hébergement, à une exploitation effective sous la forme d’un site Internet. »

La Cour d’appel de Paris, le 26 mai 2017, affirme que « Considérant que se fondant sur les dispositions de l’article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle et sur la base de la marque antérieure VELTB’ n° 073529711 déposée le 19 février 2007 notamment en classes 12, 36 et 39, la Ville de Paris poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré l'irrecevabilité comme forcloses de ses demandes en nullité de la marque verbale française Scootlib n° 073529711 et en contrefaçon de sa marque Velib’ du fait du dépôt et de l’exploitation de la marque Scootlib, de la réservation des noms de domaine scootlib.com et scootlib.org,, de l’usage de la dénomination sociale Scootlib France et du sigle Scootlib ; »

Ainsi, le nom de domaine peut être opposé à une marque postérieure s’il est exploité et devient, à l’instar de la marque, un actif immatériel voir un droit de propriété industrielle.

Dès lors, le nom de domaine sera désormais fréquemment considéré comme un « nouveau signe distinctif » pour la jurisprudence (I), du fait notamment de sa valeur patrimoniale à laquelle le droit ne peut rester indifférent (II).

I. Le nom de domaine, nouveau signe distinctif jurisprudentiel

La question de la nature juridique des noms de domaine ne s’est posée que très tardivement.

Comme on l'a dit, le nom de domaine est attribué selon la règle du « Premier arrivé, Premier servi », règle indépendante de toute considération juridique tenant à la protection des droits antérieurs. En conséquence, les contentieux se sont multipliés de façon exponentielle entre les propriétaires de droit de propriété intellectuelle (principalement de marque) et les réservataires de noms de domaine.

À l’origine, les juridictions nationales considéraient que le nom de domaine n’était soumis à aucun principe de spécialité. Ainsi, le nom de domaine portait atteinte à des droits de propriété intellectuelle antérieurs dès lors qu’il les reproduisait.

En ce sens, le TGI de Paris avait jugé en 1997 que la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constituait une contrefaçon.

Par la suite, la cour d’appel de Paris choisit d’appliquer limitativement le principe de spécialité au nom de domaine. Une seule spécialité est alors reconnue au site Internet, le service de communication en ligne.

Par conséquent, un nom de domaine d’un tiers contrefaisait une marque antérieure utilisée également à titre de nom de domaine dès lors que celle-ci avait était déposée en classe 38, classe correspondant aux services de communication télématique. L’enregistrement dans cette classe ne trouvait pourtant sa cause que dans le support de diffusion et d’exploitation informatique, matérialisé par l’utilisation de ladite marque au titre de nom de domaine.

Le titulaire d’une marque antérieure et d’un site internet éponyme pouvait se prémunir de toute reproduction de sa marque utilisée à titre de nom de domaine par un tiers alors même que la nature réelle des produits et services visés à l’enregistrement n’avait aucun rapport direct avec les services de télécommunication.

Cette jurisprudence est totalement abandonnée en 2005 grâce à un arrêt de la Cour de cassation (arrêt Locatour).

« Un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure (…) que si les produits ou services offerts sur ce site sont soit identiques soit similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public ».

La Cour de cassation réaffirme le principe de spécialité des signes distinctifs et dessine ses contours sur Internet.

Le nom de domaine devient alors un signe distinctif qui permet, tout comme la marque, de désigner des produits ou services et de les différencier d’autres produits ou services concurrents.

Dorénavant, des signes distinctifs postérieurs peuvent porter atteinte à des noms de domaine antérieurs.

Les titulaires de noms de domaine ne sont donc plus seulement de simples réservataires, mais des titulaires d’un véritable droit patrimonial leur conférant un droit exclusif d’exploitation.

Dans un arrêt du 5 juin 2019, la Cour de cassation a rappelé le principe de primauté de la marque antérieur sur le nom de domaine, et inversement. Il s’agit en l’espèce d’une marque d’une collectivité territoriale, or, les conditions de l’exploitation du nom de domaine sont qu’il y ait une utilisation réelle de ce nom de domaine et qu’il y ait un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine.


D’après la Cour de cassation, l’intérêt légitime est justifié que si l’offre de service est proposée sur le territoire de la collectivité dont le nom est celui du domaine, sinon il y a un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Cet arrêt vient renforcer un précédent arrêt du 4 octobre 2016 qui affirmait déjà une protection des marques de collectivités territoriales.

II. Le nom de domaine, véritable droit patrimonial

Le nom de domaine en tant qu’actif immatériel, doit être protégé et valorisé.

Cet actif intellectuel génère des actifs monétaires. Le titulaire d’un nom de domaine a la possibilité de le commercialiser, de le vendre ou de le louer.

Puisque les noms de domaine exploités constituent des signes distinctifs permettant le ralliement de la clientèle et plus largement du public des sites qu’ils désignent, il est possible d’en estimer la valeur.

Afin de déterminer la valeur patrimoniale d’un nom de domaine, il est nécessaire d’utiliser des méthodes de valorisation patrimoniale.

La valorisation patrimoniale est une méthode de définition de la valeur liquidative d’une entreprise lors de sa vente.

À l’origine, la valorisation patrimoniale en propriété intellectuelle ne concernait que les brevets et les marques, dorénavant il est possible de la transposer aux noms de domaine.

Et celle-ci s’avère, pour les noms de domaine, de plus en plus importante et d’actualité depuis l’arrivée de nouvelles extensions ouvertes à la réservation.

Attention, cette pratique permet le cybersquatting, qui est l’enregistrement à titre spéculatif de marques célèbres ou réputées, effectué de mauvaise foi.

Pour rappel, l’extension, ou suffixe (TLD), est la partie située à droite du point. Deux grandes catégories d’extension coexistent : les gTLD (.com, .net, .org, .info…) et les ccTLD ( .fr, .de, .es, .cn…).

L’extension est un critère de référence, si ce n’est celui le plus important, pour définir la valeur d’un site internet.

Le .com a généralement le plus de valeur. Néanmoins, certaines extensions nationales sont très prisées et leur valeur peut être supérieure à celle du .com (Allemagne, Japon, Pays-Bas).

En France, le .fr s’échange en général à la moitié de la valeur du .com.

Les .info sont appréciés pour des sites d’informations et leur prix de vente peut atteindre 5% de la valeur d’un .com.

En 2008, face à la vague exponentielle d’enregistrement, l’ICANN (entité gérant le système des noms de domaine) modifie le nommage sur Internet et décide d’offrir l’opportunité pour un opérateur privé de créer sa propre extension.

Cette modification transforme considérablement la dynamique des noms de domaine et permet une logique de communication ciblée et de diversification.

Lors de la première phase de lancement, il fallait envisager entre 300 et 500 000 euros afin de se procurer ces extensions. 1930 candidatures avaient été enregistrées auprès de l’ICANN. Parmi elles, Google avait candidaté pour une centaine d’extensions, Microsoft pour onze tandis que Facebook n’avait déposé aucun dossier.

Cette nouvelle logique corporate accroît considérablement la valeur de cet actif immatériel au regard de l’investissement financier attaché à l’extension.

Les titulaires de telles extensions seront en mesure de recevoir des annuités dues par les propriétaires des noms de domaines y étant rattachés.

Cette modification du nommage est la preuve de l’existence d’une réelle stratégie économique entourant les noms de domaine.

La valeur patrimoniale de ces noms de domaines se doit donc d’être protégée. Ces noms peuvent donc être protégés contre la fraude, si cette dernière est prouvée comme l’a affirmé la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 26 mai 2017. Il existe également une protection contre la concurrence déloyale, consacrée par l’arrêt du 2 février 2016.

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SOURCES
-http://www.entreprises.gouv.fr/propriete-intellectuelle/la-strategie-protection-la-propriete-intellectuelle-au-sein-des-poles-compe
-http://eduscol.education.fr/chrgt/marques-et-nom-de-domaine.pdf
-http://www.droit-technologie.org/upload/dossier/doc/2-1.pdf_Cour d'appel de Paris, 26 mai 2017, n° 16/06791
-Com. 5 juin 2019, 17-22.132
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039307014

-Com. 4 octobre 2016, 14-22.245

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_commerciale_financiere_economique_3172/2016_7408/octobre_7799/832_4_35228.html

-Civ. 2 février 2016, no 14-20.486
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031991291/

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