LE TITULAIRE D’UNE MARQUE DECHUE CONSERVE SES DROITS ANTERIEURS

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/ Mai 2020/
Le titulaire d’une marque déchue conserve ses droits antérieurs selon une décision de la cour européenne du 26 mars 2020

Avec la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 et le règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015, la définition de la marque a été modifiée (Dir. (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil 16 déc. 2015Règl. (UE) 2015/2424 du Parlement et du Conseil, 16 déc. 2015).

L’article 4 du règlement (UE) n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (qui remplace le Règlement (UE) 2015/2424 précité) précise que peuvent constituer des marques tous les signes propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et pouvant être représentés dans le registre des marques de l’Union européenne « d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leurs titulaires » (Règl. n° (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil 14 juin 2017, art. 4 : JOUE n° L 154, 16 juin 2017).


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Ces changements ont été pris en compte dans la loi française par l’adoption de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, prise en application de l’article 211 de la loi Pacte, qui transpose ces textes du « paquet < marques > » (Ord. n° 2019-1169, 13 nov. 2019 : JO, 14 nov.)(L. n° 2019-486, 22 mai 2019 : JO, 23 mai, art. 201).

À compter de son entrée en vigueur, l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle disposera que : « la marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.

Ce signe doit pouvoir être représenté dans le Registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. » (Code de la propriété intellectuelle., art. L. 711-1, mod. par Ord. n° 2019-1169, 13 novembre 2019).

En outre, le titulaire d’une marque doit en faire un usage sérieux en l’absence duquel il peut encourir la déchéance de ses droits. Au niveau national, l’article L. 714-5, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle dispose, en effet, qu’encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État. Ce principe est également posé au plan européen par le biais de l’article 10 de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des États membres sur les marques.

L’affaire à l’origine de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 5e chambre du 26 mars 2020, affaires n ° C-622/18) soulève une interrogation juridique.

En effet, dans cette affaire il s’agissait de savoir si le titulaire d’une marque frappée de déchéance pouvait invoquer l’atteinte à ses droits, en cas de prétendue contrefaçon, sur une période antérieure au prononcé de la sanction. Ou en d’autres termes, une marque inexploitée revêt-elle la même force qu’une marque faisant l’objet d’un usage sérieux ?

Pour répondre à cette question, nous serons amenés à exposer les causes de la déchéance et envisager les faits de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne.

I) Les causes de la déchéance de la marque

A) Marque inexploitée

La loi autorise les tribunaux à prononcer la déchéance de la marque pour défaut d’exploitation.

Aux termes de l’article L. 714-5 du Code de propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de 5 ans (Code de propriété intellectuelle art. L. 714-5).

Ainsi, le titulaire d’une marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de 5 ans, encourt la déchéance de ses droits (Code de propriété intellectuelle, art. L. 714-5 – Cour de cassation, chambre commerciale du 1er juillet 2008, n° 07-13.349). La notoriété de la marque n’y fait pas obstacle et les marques notoires peuvent faire l’objet d’une déchéance partielle (1).

En opposition avec le texte antérieur, l’article L. 714-5, dont la rédaction résulte de la loi du 4 janvier 1991, n’exige plus que cette période précède immédiatement la demande en déchéance. Son application dans le temps a été précisée par la Cour de cassation (2).

Le délai de 5 ans commence désormais à courir lorsque la procédure d’enregistrement de la marque est terminée.

Les juges apprécient strictement l’écoulement du délai de 5 ans. Celui-ci est décompté suivant la date d’enregistrement de la marque (3) et plus précisément à compter de la date de publication de cet enregistrement au Bulletin officiel de la propriété industrielle (CA Paris, ch. 5-2, 2 déc. 2011, n° 10/08608).

Si les juges du fond prononcent la déchéance de la marque sans en préciser la date d’effet, la Cour de cassation peut fixer cette date à l’expiration de la période quinquennale d’inexploitation constatée par les juges (4).

Mais l’usage sérieux d’une marque suppose une utilisation pour les produits et services visés au dépôt et non pour des produits ou services similaires (5). À l’occasion de cet arrêt, la Cour a pu préciser également, au visa de l’article 566 du Code de procédure civile, qu’une demande en nullité d’une marque sollicitée pour la première fois devant les juges du fond ne tend pas aux mêmes fins qu’une demande en contrefaçon et constitue donc une demande nouvelle irrecevable.

Les juges doivent vérifier l’usage de la marque pour chacun des produits ou services désignés par l’enregistrement par le titulaire ou par l’intermédiaire de concessionnaires (6).

Par ailleurs, seul un usage à titre de marque peut faire échec à la déchéance. L’article L. 714-5, b du Code de la propriété intellectuelle définit l’usage sérieux de la marque afin de faire échec à la déchéance et notamment l’alinéa b, qui assimile à un tel usage, l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif (7).

A contrario, l’exploitation d’un signe sous une forme modifiée altérant le caractère distinctif ne peut justifier un usage sérieux de la marque enregistrée. Lorsque le signe en cause ne présente pas un caractère attractif fort, le public concerné, percevant le signe exclusivement comme un motif décoratif, n’établit aucun lien avec la marque enregistrée (8).

B) Acte d’exploitation faisant obstacle à la déchéance

Pour s’opposer à la déchéance, le titulaire de la marque peut établir qu’il a fait un usage sérieux de cette marque au cours de la période de 5 ans. Il n’est pas prescrit que cet usage se soit prolongé sans discontinuité tout au long de cette période.

La preuve de cet usage est à la charge du titulaire de la marque bien qu’il soit défendeur à l’action. Elle peut être apportée par tous moyens.

L’usage sérieux d’une marque susceptible de faire échec à une demande de déchéance suppose que la marque a été utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée (9).

L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci.

Il n’est pas nécessaire que l’exploitation de la marque ait été importante ni qu’elle ait duré longtemps. La seule fabrication du produit en France suffit (Cour de cassation, chambre commerciale 12 novembre 1992, n° 90-17.934), de même que des factures qui portent mention des vêtements d’une ligne faisant référence à la marque révèlent suffisamment l’exploitation de cette marque en France (CA Paris, 4e ch., sect. A, 22 nov. 2000, n° 1998/15461).

La loi admet expressément que certains actes d’exploitation font obstacle à la déchéance (Code de la propriété intellectuelle art. L. 714-5).

L’usage sérieux ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

Les juges considèrent que l’usage sérieux d’une marque doit s’entendre d’un usage conforme à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces services, à l’exception d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits.

Pour apprécier le caractère sérieux de l’usage de la marque, les juges vérifient si cet usage tend à maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services concernés (CA Paris, ch. 5-2, 16 déc. 2011, n° 10/13 349).

La Cour de cassation a précisé que l’usage sérieux d’une marque communautaire doit s’opérer, abstraction faite des frontières du territoire des États membres et peut, dans certaines circonstances, résulter de l’exploitation de la marque sur le territoire d’un seul État membre (10).

II) Cour de Justice de l’Union européenne, 5e chambre du 26 mars 2020, affaires n ° C-622/18

A) L’espèce de l’affaire soumise à la CJUE

En l’espèce, la marque semi-figurative en question, SAINT GERMAIN, a été enregistrée le 12 mai 2006, pour des produits et services relevant des classes 30, 32 et 33 (en substance, pour des boissons alcoolisées). En 2012, le titulaire de cette marque a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, les fabricants et distributeurs d’une liqueur dénommée « St-Germain ».

Cette action a été menée en parallèle d’une autre action engagée, elle, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui, par jugement du 28 février 2013 a prononcé la déchéance de la marque SAINT GERMAIN à compteur du 13 mai 2011, confirmée par la cour d’appel de Versailles le 11 février 2014.

À la suite de cette décision, devenue irrévocable, le titulaire de la marque a maintenu ses demandes en contrefaçon par imitation pour la période antérieure au 13 mai 2011. Tant en première instance qu’en appel, ces demandes furent rejetées, les juges du fond considérant que le requérant ne pouvait justifier de l’exploitation de sa marque et qu’il n’était, de ce fait, porté atteinte ni à la fonction d’origine de la marque ni à sa fonction d’investissement.

Saisie du pourvoi du titulaire déchu de ses droits, la Cour de cassation a posé à la Cour de justice la question préjudicielle suivante : le titulaire d’une marque déchu de ses droits à l’expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve-t-il le droit de réclamer l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’usage, par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque ?

La Cour de justice précise que le législateur européen a laissé toute latitude au législateur national pour déterminer la date à laquelle la déchéance d’une marque pouvait produire ses effets. Elle note que le législateur français a fait le choix de faire produire les effets de la déchéance d’une marque pour non-usage à compter de l’expiration d’un délai de cinq ans suivant son enregistrement.

Le titulaire peut se prévaloir, après l’expiration du délai de grâce, des atteintes portées, au cours de ce délai, au droit exclusif conféré par cette marque, même si ce titulaire a été déchu de ses droits sur celle-ci. Toutefois, cette absence d’exploitation, si elle n’est pas contraire à l’action en contrefaçon, pourra certainement jouer dans la décision relative à la réparation du préjudice subi.

En effet la Cour de justice ajoute, et c’est là la clé de la décision, que « si l’absence d’usage d’une marque ne fait pas obstacle, par elle-même, à une indemnisation liée à la commission de faits de contrefaçon, cette circonstance n’en demeure pas moins un élément important à prendre en compte pour déterminer l’existence et, le cas échéant, l’étendue du préjudice subi par le titulaire et, partant, le montant des dommages et intérêts que celui-ci peut éventuellement réclamer ».

B) Sanction de la contrefaçon de la marque

Lorsqu’un tribunal d’une marque de l’Union européenne constate des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon, il rend une ordonnance interdisant à l’auteur de ces actes de poursuivre ses agissements. Il prend également, en se référant à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction.

En ce qui concerne les sanctions, le tribunal applique le droit de l’État membre, y compris son droit international privé, dans lequel les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon ont été commis.

En France, la contrefaçon est un délit civil et pénal. Elle ouvre droit d’une part à une action civile pour la réparation financière du dommage et, d’autre part, à une action pénale qui sanctionnera le comportement fautif du contrefacteur. Les sanctions seront différentes selon la voie retenue. Les auteurs d’actes de contrefaçon sont, dans les cas les plus courants, punissables de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.

Retenue en douane : L’administration des douanes peut, sur demande écrite du titulaire d’un droit de propriété littéraire ou artistique ou d’une marque, retenir des marchandises contrefaisantes. Le demandeur, sous peine de voir la mesure levée de plein droit, dispose d’un délai de 10 jours ouvrables à compter de la notification de la retenue des marchandises pour justifier auprès des services douaniers soit d’une mesure conservatoire (saisie -< contrefaçon >), soit de l’engagement d’une action en contrefaçon. L’administration des douanes pourra communiquer les noms et adresses de l’expéditeur, de l’importateur et du destinataire des marchandises retenues, ou de leur détenteur, ainsi que leur quantité au demandeur.

(CJUE, 5e chambre du 26 mars 2020, affaires n ° C-622/18

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