BALISES ET DROIT DES MARQUES
/ Mai 2021 /
Le droit des marques est une branche importante du droit de la propriété intellectuelle. Le dépôt d’une marque assure à son propriétaire la possibilité de se défendre contre l’usage sans autorisation de celle-ci par un concurrent. Cette protection accordée par le droit français a une durée de 10 ans, contre 20 ans pour les brevets. La contrefaçon de marque est donc sanctionnée par notre droit.
La marque est un signe qui permet à un fabricant ou à un commerçant, dans ses rapports avec la clientèle, de distinguer ses produits ou ses services de ceux de ses concurrents et dont le droit de marque permet l’appropriation. La loi définit ce terme « marque » comme étant un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale et pouvant être représenté dans un registre de manière à pouvoir déterminer précisément et clairement l’objet.
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Le référencement désigne l’ensemble des actions visant à optimiser l’enregistrement d’un site web dans les moteurs de recherche, dans le but d’en accroître la visibilité.
On distingue le référencement naturel du référencement payant. Le référencement naturel (référencement gratuit, ou SEO pour Search Engine Optimization) consiste à faire figurer un site web dans les moteurs de recherche en choisissant des mots clés stratégiques en rapport avec son domaine d’activité, et ce afin de le rendre visible. Le référencement commercial (ou référencement payant) consiste en l’achat aux enchères de mots clés sur un ou plusieurs réseaux de diffusion .
Lorsqu’un internaute effectue une recherche comportant les mots clés achetés par l’annonceur, l’annonce est affichée. Souvent, les entreprises combinent ces deux techniques de référencement afin d’obtenir une bonne position dans les résultats des moteurs de recherche. Ces deux techniques constituent des moyens de faire de la contrefaçon en utilisant la marque d’une autre entreprise et en utilisant balise et droit des marques.
L’utilisation d’une marque concurrente par une entreprise dans ses balises est-elle constitutive de contrefaçon ? C'est toute la question balise et droit des marques.
Cette utilisation de l’informatique peut donc être menacée et l’est encore plus aujourd’hui, avec le développement des nouvelles technologies, tel que peuvent l’attester mes nombreuses procédures judiciaires dans lesquelles j’interviens ou j’ai eu l’occasion d’intervenir en matière particulièrement de droit des marques et de propriété intellectuelle.
C’est la problématique mise en avant par l’affaire Décathlon contre Inuka, concernant laquelle un jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon a été rendu le 17 janvier 2017. Par ce jugement, l’entreprise Décathlon a été condamnée pour contrefaçon de la marque Inuka en raison de l’utilisation de cette marque à trois reprises : dans la balise titre, dans la balise description et sur son site web et balise et droit des marques.
I – Le risque de confusion sur l’origine des produits, une condition de la contrefaçon de balise et droit des marques
Dans le cadre du référencement naturel, les moteurs de recherche (ou hébergeurs) remplissent un rôle neutre et ne contrôlent donc pas les sites référencés dans les résultats naturels des recherches. En conséquence, ils sont soumis à un régime de responsabilité atténuée . Le cybervendeur, en revanche, est responsable du choix des mots clés qu’il effectue et qu’il utilise dans ses balises.
La contrefaçon est une pratique anticoncurrentielle, en violation d’un droit de propriété intellectuelle, et une tromperie du consommateur. La condition de risque de confusion est prévue par la loi. En effet, l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose ainsi :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services:
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. »
La jurisprudence a déjà condamné un cybervendeur pour contrefaçon en raison d’un risque de confusion sur l’origine des produits, et ce dans le cadre du référencement naturel. La marque remplit une fonction de garantie d’origine et balise et droit des marques.
Lorsqu’il y a un risque de confusion l’origine d’un produit, cela porte atteinte à cette fonction de garantie d’origine de la marque. Le risque de confusion est le risque qu’un internaute puisse croire que les produits proviennent d’entreprises liées économiquement.
Ainsi, dans un arrêt du 29 septembre 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné un cybervendeur de compléments alimentaires. Dans les faits, les sites du cybervendeur condamné apparaissaient en première position dans les résultats naturels lors de recherches avec des mots-clés comprenant la marque d’un producteur de compléments alimentaires. La Cour de cassation avait ainsi étendu les principes dégagés pour le référencement commercial par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt « Google France » du 23 mars 2010 à balise et droit des marques.
Un arrêt du 27 mars 2019 précise également que le risque de confusion s’apprécie de manière globale par rapport au contenu de l’enregistrement de la marque, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés dans les enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation de la marque. L’importance du consommateur avait d’ailleurs été rappelée dans un arrêt du 27 juin 2018, car le risque de confusion ne s’apprécie pas uniquement au vu des différences entre les signes, mais en fonction de la confusion créée chez un consommateur d’attention moyenne.
Il résulte ici de l’apparition des sites du cybervendeur, en première position, dans les résultats naturels proposés par le moteur de recherche Google, lors de recherches effectuées par des mots-clés comportant la marque d’un producteur de compléments alimentaires.
Dans l’affaire Décathlon, il s’agit bien du référencement naturel. Le cybervendeur utilisait la marque d’un concurrent dans ses balises. Ainsi, lorsqu’un internaute effectuait une recherche concernant les produits de la marque « Inuka », le site du cybervendeur Décathlon apparaissait en 5e position des résultats de la recherche. L’internaute pouvait alors croire que ce cybervendeur allait lui proposer à la vente des produits de la marque Inuka. En réalité, le lien emmenait vers une page ne proposant pas de produits de la marque Inuka.
L’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle vise les hypothèses de contrefaçon en cas de double identité, à savoir la reproduction ou l’usage, sans autorisation du titulaire, d’un signe identique à la marque antérieure en vue de désigner des produits ou services à ceux identifiés par celle-ci.
Dans l’affaire Décathlon, le Tribunal de Grande Instance de Lyon relève que le cybervendeur utilise le mot-clé « Inuka achat » alors qu’il propose à la vente des vêtements et chaussures de randonnée, comme le fait la marque Inuka. Ainsi, la marque Inuka est associée à des produits de même type que ceux pour lesquels elle a été enregistrée.
Cet usage de la marque d’un concurrent par le cybervendeur dans ses balises laissait croire à tort, au client potentiel, qu’il existe un lien économique entre les deux entreprises. De même que pour la jurisprudence précédemment citée, cet usage créait un risque de confusion sur l’origine des produits. Ainsi, l’article L713-2 du CPI est bien applicable. Mais l’usage est-il de nature à permettre à la marque d’exercer son droit exclusif ? Autrement dit, s’agissait-il d’un usage de la marque dans la vie des affaires ?
II – L’usage de la marque dans la vie des affaires, une condition de la contrefaçon
L’usage de la marque dans la vie des affaires est une condition nécessaire de la caractérisation de la contrefaçon dégagée par la jurisprudence. En effet, cette condition n’est pas prévue par l’article l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle. Elle n’est pas non plus prévue par l’article 5-1 de la directive européenne 2008/95 du 22 octobre 2008, à la lumière de laquelle le texte français doit être interprété. Cet article de la directive européenne prévoit ainsi :
« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »
C’est donc d’abord la Cour d’appel de Paris qui a dégagé cette condition comme nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon et en a précisé les contours. La Cour de cassation a confirmé les solutions dégagées par la Cour d’appel dans un arrêt du 10 mai 2011. La notion d’usage dans la vie des affaires est donc un usage qui tend à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique. C’est la fonction économique de la marque qui est protégée par la contrefaçon et cette fonction économique est à l’origine de la condition d’usage dans la vie des affaires.
La jurisprudence antérieure avait déjà précisé que l’usage d’un signe à titre de meta tag ne constitue pas un acte de contrefaçon. En effet, le meta tag étant une information non visible par l’internaute et qui permet aux moteurs de recherche de référencer une page web dans leurs bases de données, il ne peut s’agir d’un usage dans la vie des affaires.
Dans l’affaire Décathlon, le cybervendeur utilisait la marque de son concurrent à titre de meta tag non visible par le consommateur. Mais il utilisait également cette marque concurrente dans ses balises visibles par l’internaute : dans la balise titre et dans la balise description. Cet usage visait à orienter son comportement économique. L’objectif recherché par le cybervendeur était alors de capter une partie de la clientèle de la marque concurrente. La clientèle d’une entreprise ayant une valeur marchande, il s’agit bien d’un usage qui vise l’obtention d’un avantage de nature économique.
Dans une décision du 3 mars 2020, la Cour d’appel de Paris a été saisie d’une affaire similaire à celle de Décathlon. En l’espèce, une société titulaire de la marque « Aquarelle » a attaqué en justice la société SCT qui a réservé le mot clé « Aquarelle » auprès de Google Adwords. Les deux sociétés proposant des produits identiques, l’usage de la marque étant de permettre la publicité de son site, il y a bien un usage dans la vie des affaires.
La Cour a refusé la contrefaçon de la marque sur le terrain de la campagne de référencement publicitaire de Google Adwords, mais a retenu la contrefaçon sur le terrain du risque de confusion dans l’esprit du consommateur. En effet, la Cour d’appel considère que l’utilisation de la marque « Aquarelle » dans les balises de référencement, faisait naître dans l’esprit du consommateur moyen, l’idée que les produits visés par l’annonce provenaient « de la société Aquarelle, titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à elle » et non pas d’un tiers.
En l’espèce il ne s’agissait pas d’un référencement invisible, par meta tag, mais d’un référencement payant, et donc visible par le consommateur. C’est pourquoi la Cour d’appel de Paris a retenu une atteinte au droit du titulaire de la marque.
En conclusion, l’usage d’une marque comme meta tag, invisible par l’internaute, mais utile pour le référencement naturel, ne porte pas en soi atteinte au droit du titulaire de la marque, sauf lorsque cette marque est reprise de manière visible dans la balise titre ou dans la balise description.
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Sources :
- http://www.village-justice.com/articles/contrefacon-marque-usage-affaires,10514.html
- http://www.cairn.info/revue-legicom-2010-1-p-107.htm
- https://www.legalis.net/actualite/decathlon-contrefacteur-de-la-marque-inuka-dans-ses-balises/
- Dalloz IP/IT 2017 p.176, Affaire Decathlon
- Com., 27 mars 2019, 17-31.605
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426839
- Com., 27 juin 2018, 17-13.390, Inédit
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037196613
- CA Paris, 3 mars 2020 n° 18-09051