NOUVEAUTES EN DROIT DES MARQUES
/ Mai 2024 /
Le « Paquet Marques » ou l’aboutissement d’un long processus de modification du droit des marques a été transposé en droit français par l’Ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et le Décret d’application n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 a été publié au Journal officiel. (1) & (2)
La réforme avait vocation à harmoniser et moderniser le droit des marques entre les États membres de l’Union européenne.
Celle-ci fut adoptée par le Parlement européen le 15 décembre 2015, sous la dénomination « Paquet Marques » cela a conduit à l’adoption de la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques (refonte) et du Règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission européenne. (3)
Besoin de l'aide d'un avocat pour un problème de contrefaçon ?
Téléphonez - nous au : 01 43 37 75 63
ou contactez - nous en cliquant sur le lien
Le décret d’application français concernant le « Paquet Marques » précise, notamment, les nouvelles règles applicables aux demandes d’enregistrement et de renouvellement de marques, aux déclarations de divisions de marques, à la procédure administrative d’opposition et de nullité ou de déchéance d’une marque, aux recours formés contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, ainsi qu’aux marques de garantie et aux marques collectives.
L’ensemble des nouvelles dispositions du « Paquet Marques » sont entrées en vigueur le 11 décembre 2019. Toutefois, les dispositions relatives à la procédure de demande en nullité ou en déchéance d’une marque ainsi que celles relatives au recours contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle entrent en vigueur le 1er avril 2020.
Il est important d’observer quels sont les changements institués par la transposition de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 dit « paquet Marques » ?
Le tribunal de l’Union
européenne dans trois arrêts en date du 1er mars 2023, précise que le titulaire
d’une marque nationale non enregistrée peut demander la nullité d’une
marque
de l’Union européenne, uniquement lorsqu’est prévu, dans le droit national
applicable, la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
(8,9,10)
Dans un premier temps il est important d’observer les modifications en matière d’enregistrement des marques (I) ainsi que les changements en matière procédurale (II).
I) La modification de procédure d’enregistrement de marque
La modification de procédure d’enregistrement de la marque passe par un l’allégement de représentation graphique (A), mais aussi un élargissement des motifs de refus d’une demande d’enregistrement (B).
A) L’allégement de la condition de représentation graphique
L’ordonnance est venue procéder à la suppression de l’exigence de représentation graphique imposée par le Code de la Propriété intellectuelle à l’article L711-1 ancien. (4)
La suppression de cette condition de représentation graphique a été instituée dans le but de s’adapter aux nombreuses évolutions techniques en matière de marques. Le Code de la propriété intellectuelle dans son nouvel article L711-1 prévoit que le signe doit être pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à toute personne de déterminer de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.
À titre de marque, on constate une extension des signes pouvant être enregistrés en effet des signes nouveaux tels que les marques multimédias et sonores composé des formats JPG, mais aussi MP4 ou les marques de « mouvement » auront la possibilité d’être enregistrés à titre de marque. L’idée générale de cette directive était une réponse rapide aux évolutions technologiques et techniques actuelles.
Il est possible de constater dans, le Considérant n° 13 de la Directive, un rappelle concernant la représentation, celle-ci doit être « claire, précise, facilement accessible, intelligible, durable et objective ». Cela pose donc une difficulté quant au signe olfactif ou gustatif, la suppression de représentation graphique aurait en théorie pu admettre l’acceptation de ceux-ci, mais de quelle manière est-il possible de représenter conformément au considérer 13 de la directive de signes ?
Le paquet Marque a permis aux
marques
sonores,
autrefois exclut de l’enregistrement pour absence de représentation graphique,
d’être protégées. Le tribunal de
l’Union européenne, dans un arrêt du 7 juillet 2021 (Trib. UE, 7 juill. 2021, no T-668/19, Ardagh Metal Beverage) a précisé que pour
pouvoir être enregistré comme marque, un « son doit avoir une certaine
prégnance ou une certaine capacité à être reconnu, permettant aux consommateurs
ciblés de le considérer ». (13)
B) Un élargissement des motifs de refus
La réforme a permis d’invoquer une liste élargie de droits antérieurs à l’appui d’une procédure d’opposition. Cette liste nouvelle est prévue à l’article L712-4 du CPI, cela prend en compte les dénominations sociales, les noms commerciaux, mais aussi les enseignes et noms de domaine dont la portée n’est pas seulement locale. (5)
L’ordonnance a élargi les motifs de refus d’une demande d’enregistrement à l’article L711-2 nouveau du Code de la propriété intellectuelle, le droit antérieur prévoyait déjà certaines exclusions concernant des signes non distinctifs, les marques usuelles ou contraires à l’ordre public. (6)
Ainsi, si les signes contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou encore les signes trompeurs quant à la nature, la qualité ou la provenance du produit ou du service étaient déjà exclus de l’enregistrement, l’ordonnance ajoute comme motif de refus d’enregistrement ou cause de nullité les contrariétés aux droits suivants :
- les appellations d’origine ;
- les indications géographiques ;
- les mentions traditionnelles pour les vins et les spécialités traditionnelles garanties ;
- les dénominations de variétés végétales antérieures enregistrées ;
- les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant.
De plus, seront refusées à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarées nulles si elles sont enregistrées les marques de forme ou tridimensionnelles, à savoir « les signes constitués exclusivement : par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ; par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ; par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ; »
Apparais également parmi les antériorités excluant l’enregistrement d’un signe, les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant comme précisé dans notre dernier tiret. En effet dans le droit antérieur à la réforme, l’argument du dépôt frauduleux ne pouvait être soulevé qu’après l’enregistrement du signe, à l’initiative de celui qui subissait un préjudice du fait de cet enregistrement. Désormais, la mauvaise foi du déposant pourra être opposée avant tout enregistrement de la marque.
La cour d’appel de Paris,
dans un arrêt du 25 juin 2021 (CA, Paris, 5-2 juin 2021 n°18/15306) précise que
la mauvaise foi d’un titulaire de marques peut être caractérisée, lorsque à
l’expiration de son
brevet,
il utilise ses titres pour prolonger le monopole conféré et évincer ces
concurrents. (11)
II) Les simplifications procédurales
Les changements en matière procédurale passent principalement par un renforcement des compétences de l’Institut National de la Propriété intellectuelle (A), mais aussi la modification des délais d’opposition (B)
A) Le renforcement des compétences de L’INPI
La réforme comporte en outre des changements majeurs en termes procéduraux. Elle prévoit un contournement de l’action judiciaire relative à une partie du contentieux actuel concernant les marques. L’objectif est la réduction des coûts et de raccourcir le traitement de procédures ne pouvant jusqu’alors être introduites que dans le seul cadre d’un contentieux judiciaire, l’ordonnance instaure une procédure administrative en déchéance et en nullité de marques, qui se voudra plus rapide et plus efficace devant l’INPI.
Conformément aux nouveaux articles L. 716-1 et suivant du CPI, l’INPI sera donc exclusivement compétent pour connaître des demandes principales en déchéance et en nullité, ce qui confirme un renforcement significatif de ses compétences, déjà amorcées par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite « PACTE ». (7)
Cependant, ces nouvelles dispositions n’entreront en vigueur qu’à partir du 1er avril 2020, afin que les acteurs économiques concernés aient le temps de prendre dûment connaissance de ces changements.
Le 12 mars 2021 marque la
première décision de l'INPI
(NL 20-0021) statuant sur une demande en nullité de marque pour dépôt
frauduleux, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169 du 13
novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services. (12)
Aussi, cette modification devrait permettre la remise en cause plus rapide et facile des marques n’étant pas exploitées ou non valables afin d’apurer le registre national des marques. Cela permettra donc à d’autres acteurs économiques de pouvoir se réapproprier ces marques plus facilement. Cela conformément à l’objectif européen de promotion de la liberté de commerce et d’industrie.
B) La modification des délais d’opposition
Un autre changement procédural important concernant les délais de la procédure d’opposition qui sont également modifiés. Il est désormais prévu que le délai de deux mois suivants la publication de la demande d’enregistrement durant lequel l’opposant doit avoir fourni l’exposé des moyens sur lesquels repose l’opposition est allongée d’un mois.
Pour lire l'article "Paquet Marques" en version mobile, cliquez
Articles qui pourraient vous intérésser :
- L’exigence de distinction du signe pour le dépôt d’une marque
- L’usage de la marque d’un tiers
- La déchéance de la marque
SOURCES :
1.
Ordonnance
n°2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039373287&categorieLien=id
2.
Décret
n°2019-1316 du 9 décembre 2019 relatif aux marques de produits ou de services
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039467798&dateTexte=&categorieLien=id
3.
Directive UE
2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur
les marques https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32015L2436&from=FR
4.
Art L711-1 du
Code de la propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006279682&cidTexte=LEGITEXT000006069414
5.
Art L712-4 du
Code de la propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&idArticle=LEGIARTI000006279691&dateTexte=&categorieLien=cid
6.
Art L711-2 du
code de la propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000039381542&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20191215
7.
Art L716-1 du
Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&idArticle=LEGIARTI000006279728
8.
Tribunal
de l’Union européenne, 1er mars 2023, T38/22
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270791&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
9.
Tribunal
de l’Union européenne, 1er mars 2023, T-37/22
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270790&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
10.
Tribunal
de l’Union européenne, 1er mars 2023, T36/22
https://www.doctrine.fr/d/CJUE/2023/CJUE62022TA0036
11.
CA Paris, 5-2,
25 juin 2021, no 18/15306 :
https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-25062021-18_15306
12. INPI 12 mars 2021, NL20-0021 https://www.doctrine.fr/d/INPI/2021/INPIWNL20200021
13.Tribunal de l’UE, 7 juillet 2021, n°T-668/19 Ardagh Metal Beverage https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=243853&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=4101218