L’EXPLOITATION DE VOS DESSINS ET MODÈLES FRANÇAIS
/ Février 2023/
Les dessins et modèles, plus couramment désigné sous le terme « design » sont protégés par le droit français. En effet, il est possible d’effectuer un dépôt auprès de l’INPI, ce qui permettra alors de bénéficier de la protection spéciale accordée aux dessins et modèles.
À côté du droit des brevets qui vise à protéger des créations d’ordre technique, il existe le droit des dessins et modèles pour protéger vos créations à finalité purement esthétiques.
Les dessins et modèles sont couramment désignés sous le terme « design ». Plus précisément, la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété industrielle définit le droit des dessins et modèles comme le droit « destiné à protéger l’apparence d’un objet industriel ou artisanal ou une partie d’un tel objet, s’il reste visible lors de l’utilisation normale de l’objet, caractérisée par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux ». Pour bénéficier d’une telle protection, il faudra alors suivre la procédure de dépôt du dessin ou modèle auprès de l’INPI.
En vertu de l’article L 511-5 du CPI, si vous procédez au dépôt auprès de l’INPI de vos dessin ou modèle, vous bénéficiez de la protection spéciale accordée au titre du droit des dessins ou modèles, mais vous bénéficierez également de la protection accordée au titre du droit d’auteur sur vos dessins ou modèles.
Dès l’instant où vous avez acquis des droits de propriété industrielle sur vos dessins et modèles, vous pouvez les exploiter et en tirer profit.
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I) L’exploitation de vos droits par cession ou concession de licence
A ) Le contenu et l’étendu de vos droits
En vertu de l’article L 513-4 du code de la propriété intellectuelle (CPI), l’enregistrement de vos dessins ou modèles vous confère un droit exclusif d’utiliser, de fabriquer, d’offrir, de mettre sur le marché, d’importer, d’exporter, d’utiliser ou de détenir un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé dans lequel celui-ci est appliqué.
La loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 modifie cet article et insère le mot transbordement. Cela signifie que cet enregistrement de dessins ou modèles permet de conférer également un droit exclusif de transborder.
Par ailleurs en vertu de l’article L 513-5 du CPI vos droits se prolongent à tout dessin ou modèle « qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente ».
Cela signifie que vous pouvez vous opposer à l’exploitation de dessins et modèles identiques au vôtre, et même à ceux qui ne sont que similaires dès l’instant où ils ne diffèrent pas assez des vôtres.
Lorsque vous enregistrez vos dessins ou modèles auprès de l’INPI, vos disposez de droits sur ceux-ci pour une durée de cinq ans à compter de la date de dépôt de votre demande d’enregistrement.
Vous pouvez prolonger vos droits une ou plusieurs fois dans la limite d’une durée totale de 25 ans.
La durée de protection est prévue par l’article L 513-1 du CPI.
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 est complétée par l'article L. 513-1 par un alinéa ainsi rédigé : « La durée maximale de vingt-cinq ans prévue au premier alinéa est ramenée à dix ans pour les pièces mentionnées au 4° de l'article L. 513-6 pour lesquelles le même 4° ne prévoit pas d'exception à l'exercice des droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle ».
Enfin sachez que les droits sur vos dessins ou modèles peuvent être limités.
Ces limitations sont prévues par les articles L 513-6 à L 513-9 du CPI.
Ainsi vous ne pourrez pas invoquer vos droits à l’égard d’actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales.
Vous ne pourrez pas non plus vous opposer à des actes accomplis à des fins expérimentales.
De même vous ne pourrez pas vous opposer à des actes de reproduction à des fins d’enseignement ou d’illustration, à condition que ceux qui utilisent vos dessins ou modèles mentionnent que vous êtes titulaire des droits, que leur utilisation soit conforme à des pratiques commerciales loyales et ne porte pas préjudice à l’exploitation de vos dessins et modèles.
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 a ajouté un alinéa 4 à l'article 513-6 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que les droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle ne s'exercent pas à l'égard « d'actes visant à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du Code de la route, et qui portent sur des pièces relatives au vitrage ou sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine ».
Enfin vous ne pourrez pas vous opposer aux actes portant sur un produit incorporant vos dessins ou modèles lorsque vous avez consenti une première fois à l’exportation d’un produit incorporant vos dessins ou modèles dans l’Union Européenne ou dans l’Espace économique Européen. On dit alors que vos droits ont été épuisés.
B ) La cession et la concession de licence
La différence fondamentale entre ces deux contrats est la titularité des droits.
En effet lors d’une cession totale vous perdez vos droits sur les dessins ou modèles cédés au profit de la personne à laquelle vous les avez cédés, le cessionnaire.
A l’inverse lors d’un contrat de licence vous restez titulaire des droits sur vos dessins ou modèles.
Cela vous donne le droit de percevoir des redevances que vous versera le licencié au titre de la licence que vous lui aurez concédée.
C’est l’article L 513-2 du CPI qui pose le principe de la cessibilité des droits de dessins ou modèles.
Il n’y a aucune règle dans le CPI qui réglemente la cession de ces droits.
Ainsi un contrat de cession de vos droits sera régi par le droit commun des obligations et non par les règles spéciales des dessins et modèles.
Ainsi sachez que vous pouvez céder partiellement ou totalement les droits sur vos dessins ou modèles.
Vous conserverez votre droit moral sur ceux-ci car ce droit n’est pas cessible.
Dans l’hypothèse où vous avez un fonds de commerce et que vous le cédez, les droits sur vos dessins ou modèles sont cédés automatiquement en même temps que le fonds de commerce auxquels ils sont attachés.
Si vous envisagez une cession de vos droits vous devrez obligatoirement recourir à un contrat écrit.
En effet, en vertu de l’article L 513-3 du CPI « tout acte modifiant ou transmettant des droits attachés à un dessin ou modèle déposé n’est opposable aux tiers que s’il a été inscrit dans le registre national des dessins et modèles. »
Pour éviter que la cession de vos droits soit annulée, vous devez garantir la validité du dessin ou modèle cédé.
En effet, si vos dessins ou modèles sont annulés, cela entraîne l’annulation de la cession pour défaut d’objet.
Par ailleurs si vous cédez totalement vos droits, vous ne pourrez plus les exploiter sous peine de devenir vous-même contrefacteur.
Concernant les licences ce sont les mêmes règles qui s’appliquent.
Ainsi vous devez dans ce cas aussi inscrire le contrat de licence au registre national des dessins et modèles.
II ) Les autres contrats d’exploitation
A ) Les contrats de louage de service et de commande
L’hypothèse du contrat de louage de service se rencontre dans le cas où un salarié réalise un dessin ou modèle pour son employeur.
En vertu de l’article L 111-1, alinéa 3 du CPI « l’existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code (...) » (modifié par la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020).
Cette disposition signifie que l’employeur est propriétaire matériellement du dessin ou modèle, mais qu’il n’est pas automatiquement titulaire du droit d’auteur sur ce dessin ou modèle.
En effet si l’employeur veut être titulaire des droits d’auteur sur le dessin ou modèle, il doit signer un contrat de cession de droit avec son salarié.
Concernant le contrat de commande c’est la même règle qui s’applique.
Ainsi, la personne qui commande un dessin ou modèle ne peut devenir propriétaire que de celui-ci, mais celui qui a exécuté la commande conserve ses droits d’auteurs sur le dessin ou modèle.
Toutefois cette règle peut, selon les cas, ne pas être appliquée.
En effet dans certains cas les tribunaux ont estimé que l’exécution de la commande entrainait automatiquement la cession des droits d’auteur sur les dessins ou modèles.
Mais cette solution ne vaut que lorsque la commande a une très longue durée (arrêt Cour cass, 27 mai 1986 ).
En effet, les juges avaient opté pour cette solution car le contrat de commande avait duré quinze ans et l’auteur connaissait l’usage qui serait fait de ses créations par l’auteur de la commande.
Par ailleurs les articles L 132-31 à L 132-33 du CPI prévoient des règles particulières relatives aux œuvres de commande pour la publicité.
Dans ce cas, le contrat entre le producteur et l’auteur du dessin ou modèle entraîne, sauf clause contraire, la cession au producteur des droits d’exploitation de l’œuvre.
Cette règle est cependant supplétive de volonté, ce qui signifie que vous pouvez toujours prévoir dans le contrat qu’il n’y aura pas de cession de droits d’auteur dans cette hypothèse.
B ) L’incidence du droit de la concurrence sur vos prérogatives
L’exploitation de vos dessins ou modèles est soumise, outre à l’application du droit français, au droit européen de la concurrence.
Nous avons déjà évoqué la théorie de l’épuisement des droits, qui est une règle communautaire.
Or sachez que la Cour de justice des communautés européennes peut se prononcer sur l’exploitation que vous êtes susceptible de faire de vos droits sur des dessins ou modèles.
Or son contrôle se fonde sur la conformité de l’exploitation que vous faites de vos dessins ou modèles avec « l’objet spécifique » de ces droits.
Et la CJUE a précisé quel dès 1988 quel était l’objet spécifique du droit des dessins ou modèles (arrêt CJUE, 5 octobre 1988 ).
Ainsi l’objet spécifique du droit des dessins ou modèles consiste dans la faculté pour le titulaire d’un dessin ou modèle protégé d’empêcher des tiers de fabriquer, de vendre ou d’importer sans son consentement des produits incorporant le modèle.
Toutefois la CJUE n’exerce pas de contrôle sur le transit de marchandise car cela ne relève pas de son objet spécifique.
Le transit est l’hypothèse ou des produits incorporant vos dessins ou modèles sont fabriqués à l’étranger pour être redistribués à l’étranger en passant par un pays où vous êtes titulaire des droits sur ces dessins ou modèles.
Dans ce cas il est impossible de faire procéder à une saisie-contrefaçon des marchandises concernées ou à toute retenue en douane.
Par ailleurs sachez que le droit de dessins et modèles est soumis aux règles relatives aux ententes du Traité de l’Union Européenne, et à celles relatives aux abus de position dominante.
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Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006279306
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000028713879
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924/#JORFARTI000043957009
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000042750301/2020-12-27/