PEER to PEER et COPIE PRIVEE
L'arrivée d'internet a permis de faciliter les échanges, mais elle a aussi permis la création de logiciels de peer to peer permettant le partage de fichiers. Le partage et les téléchargements réalisés grâce au peer to peer s'inscrivent donc parfaitement dans la fonction d'internet. Cependant il arrive que le partage peer to peer touche des œuvres qui peuvent être protégés par le droit d'auteur.
Certains défendent le peer to peer en avançant l'exception de copie privée qui donne à chaque particulier le droit de reproduire une œuvre protégée sans être en infraction. Se pose alors la question de savoir comment s'articulent le téléchargement grâce à un logiciel de peer to peer et l'exception pour copie privée ?
Internet est un système immense de télécommunication informatique développé au niveau international, qui permet d'accéder à des données de toute sorte : textes, musique, photos. Cela grâce à un codage universalisé.
Le P2P est un système d’échange de fichiers décentralisé. Il permet aux utilisateurs qui possèdent un logiciel de peer-to-peer de connecter leurs ordinateurs entre-eux, sans passer par l’intermédiaire d’un serveur centralisé, et de s’échanger toutes sortes de fichiers numériques (ex. fichiers musicaux (MP3), vidéos compressées en Divix, photos, logiciels, documents word …).
En effet, le P2P est un vecteur d'atteintes aux intérêts des auteurs définis dans le Code de la propriété intellectuelle. Il existe de nos jours plusieurs logiciels de P2P et il y en a de nouveaux de jours en jours. Les plus connus sont : Gnutella, Kazaa, Morpheus, Soulseek, Bittorrent, µTprrent Emule, Edonkey…
Ceux-ci se répandent facilement et sont banalisés ce qui popularise le peer to peer et affecte encore plus les auteurs. Tous les éléments pouvant être partagés en peer to peer sont pour la plupart soumis au droit d'auteur et droit voisin. Le partage en peer to peer devient dès lors un danger pour les auteurs d'œuvres qui peuvent voir leur travail partagé et même vendu sans qu'ils aient une juste rétribution pour celui-ci.
Des procédés pour lutter contre ce « piratage » ont donc été mis en œuvre.
I. Droits d’auteur et exception de copie privée
Le code de propriété intellectuelle (cpi) protège les droits d’auteur. L’auteur possède un monopole d’exploitation sur son œuvre.
Il a des droits patrimoniaux : le droit de représentation, le droit de reproduction et le droit de suite, ainsi qu’un droit moral qui regroupe le droit de divulgation, le droit de repentir et de retrait, le droit à la paternité et le droit au respect de l’œuvre. Une œuvre ne peut être divulguée à un public sans l’accord préalable de l’auteur ou du cessionnaire des droits.
Article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle :
« Est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, réalisée sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle.
Est punie des mêmes peines toute importation ou exportation de phonogrammes ou de vidéogrammes réalisée sans l'autorisation du producteur ou de l'artiste-interprète, lorsqu'elle est exigée.
Est puni de la peine d'amende prévue au premier alinéa le défaut de versement de la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion des phonogrammes. Est puni de la peine d'amende prévue au premier alinéa le défaut de versement du prélèvement mentionné au troisième alinéa de l'article L. 133-3.
Lorsque les délits prévus au présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende. »
Le contrevenant engage donc sa responsabilité pénale en téléchargeant des fichiers mp3 ou des films…via des logiciels peer to peer. Mais il engage également sa responsabilité civile et peut être condamné à verser des dommages intérêts important à l’auteur ou aux ayants droit victimes.
Il existe tout de même des exceptions au monopole d’exploitation, notamment lorsque l’œuvre est utilisée à des fins privées.
L’article L122-5 2° du cpi prévoit que lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les copies et reproductions strictement réservées au copiste et non à l’utilisation collective.
Article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle :
« Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :
1/ Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ;
2/ Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des oeuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données électronique ; »
(voir également l’article 211-3 pour les droits voisins).
La seule condition est donc que la copie soit affectée à l’usage exclusif du copiste. Par exemple, il y a copie privée lorsqu’un étudiant photocopie un article de presse pour lui-même mais pas lorsque c’est l’Amicale des étudiants qui effectue des photocopies pour un usage collectif.
L’usage privé diffère de l’usage commercial, il ne doit pas s’agir d’un usage fait à l’intérieur d’une entreprise ou institution, il ne doit pas y avoir de contrepartie financière. Le copie et l’usager ne doivent faire qu’un, il ne doit pas y avoir mise à disposition au public, il est cependant possible de faire usage de la copie dans le cercle familial ou intime .
Le principe de neutralité technique s’applique à la copie privée, tous les modes de reproduction sont donc admis. On peut se demander si l’internaute qui télécharge des fichiers sur un réseau P2P sans le consentement de l’auteur ou des ayants droit, peut bénéficier de cette exception de copie privée.
Pour certains auteurs, la loi ne précise pas que l’œuvre copiée doit avoir été acquise licitement, rien n’est dit sur la source de la copie, l’exception de copie privée pourrait donc protéger les téléchargements licites ou non d’œuvres que l’on souhaite copier.
Ces auteurs se fondent sur l’adage « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer. » C’est la mise à disposition de l’œuvre qui est interdite, pas la copie. la copie privée de copie privée semble parfaitement possible.
Mais pour d’autres auteurs, le contrevenant peut être considéré comme receleur d’objet illicite puisqu’il télécharge une œuvre qui est elle-même illicitement diffusée sur Internet .L’exception de copie privée ne peut aucunement s’appliquer aux téléchargements de fichier sur réseau P2P, puisque que le copiste ne copie pas lui-même mais par le biais d’une reproduction illicite qui demande une action matérielle de l’internaute mettant l’œuvre à disposition des tiers.
Cependant, puisque la copie privée est une cause objective d’irresponsabilité pénale tant que le copiste utilise la copie dans un usage privé, le copiste ne pourrait pas voir sa responsabilité engagée pour recel.
La copie privée est une application de l’article 9 la convention de Berne qui donne compétence aux Etats membres de l’Union européenne pour permettre la reproduction d’œuvres mais elle fixe des conditions pour l’exercice d’une telle reproduction. La reproduction doit être autorisée que dans des cas spéciaux, et elle ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
Cette exception de copie privée a été retenue par le tribunal de grande instance de Rodez dans un jugement en date du 13 octobre 2004. Le prévenu avait téléchargé et gravé des centaines de films, mais la preuve d’un usage autre que strictement privé n’ayant pas été rapporté, celui-ci a été relaxé. Pour chaque film, il avait réalisé lui-même une copie en exemplaire unique et ces copies étaient destinées à un usage privé, il ne les a pas mis à disposition du public.
La cour fédérale d’Ottawa a suivi la position exprimée par la Société canadienne de perception pour la copie privée (SCPCP) dans un arrêt du 31 mars 2004 selon laquelle le téléchargement de tels fichiers est couvert par l’exception de copie privée.
D’autant plus que cette exception de copie privée fait l’objet d’une rémunération des auteurs, puisque ceux ci reçoivent une contrepartie par un système de redevance prélevée sur chaque support d’enregistrement numérique vierge. Pour certains auteurs, cette redevance devrait être étendue aux disques durs car télécharger des œuvres sur son disque dur est une activité qui semble correspondre à l’exception de copie privée.
Cependant la convention de Berne fait référence à la notion d’exploitation normale d’une œuvre. Dés lors que la reproduction ou la copie peuvent préjudicier à l’exploitation normale de l’œuvre, celles-ci peuvent être limitées ou interdites.
Cela pourrait permettre la condamnation des internautes qui téléchargent via des systèmes peer to peer en contrefaçon. En effet, l’échange massif et gratuit des fichiers aurait une répercussion sur la vente des œuvres.
L’auteur voit alors son oeuvre diffusée à un grand nombre d’internautes sans contrepartie pour son travail. Le considérant 44 prévoit d’ailleurs qu’en raison d’une « incidence économique accrue…dans le cadre du nouvel environnement électronique…, il pourrait être nécessaire de restreindre davantage encore la portée de certaines exceptions. »
Il faut donc lutter contre ce pillage des œuvres et des procédés techniques et juridiques ont vu le jour.
II. La lutte contre le piratage
La Directive du 22 mai 2001 sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information oblige, dans son article 6, les états membres de l’Union européenne de prévoir une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace.
Cependant l’exception de copie privée reste tenue puisque les Etats membres sont invités à prendre des mesures pour « assurer que les bénéficiaires des exceptions ou limitations…puissent bénéficier desdites exceptions ou limitations…à moins que la reproduction à usage privée ait déjà été rendue possible dans la mesure nécessaire pour bénéficier de l’exception…. »
Si ces mesures techniques sont efficaces pour protéger les droits d’auteur, elles ne doivent pas pour autant affecter l’utilisation des supports par les consommateurs ni porter atteinte à leurs droits, notamment au droit de faire une copie privée. En effet, certains procédés de verrouillage empêchent non seulement la lecture du support sur certains lecteurs mais également ne permettent pas d’effectuer une copie privée qui est pourtant autorisée par la loi, d’où la condamnation de maisons de disque pour tomperie ou vice caché.
La solution proposée par l’ADAMI est d’assimiler le téléchargement à un acte de copie privée sur un support d’enregistrement numérique au sens des articles L.122-5-2°, L.211-3-2° et L.311-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle. En effet une redevance est prélevée sur chaque support vierge ou appareil de reproduction pour être affectée aux titulaires de droits sur les œuvres.
On pourrait donc envisager un système similaire par la rémunération forfaitaire prélevée sur les revenus des fournisseurs d’accès dès lors que la copie est strictement réservée à l’usage privé de la personne qui télécharge, et n’est pas destinée à une utilisation collective. Désormais les maisons de disque développent des sites légaux de téléchargement. Le téléchargement de musiques ou de films devient donc licite en contrepartie d’un prix qui reste bien inférieur au prix des CD et DVDs que l’ont trouve en magasins (non virtuels).
Les producteurs s’étaient d’ailleurs engagés à proposer un catalogue important avant la fin 2004 dans la charte du 28 juillet 2004 , il semble aujourd’hui que l’on trouve environ 450 000 titres, les 600 000 prévus ne sont donc encore pas atteints.
Les producteurs ont également tendance à s’engager dans une stratégie procédurale. Leurs actions se sont d’abord dirigées contre les logiciels de partage de fichiers mais elles ont été infructueuses. En effet, les éditeurs de logiciels peer to peer ne peuvent être tenus responsables des agissements de leurs utilisateurs.
Ils ont également attaqué les fournisseurs d’accès pour obtenir les coordonnées des internautes contrevenants, cependant la loi française n’autorise les prestataires techniques à divulguer l’identification des utilisateurs que sur une demande judiciaire. De plus, depuis la loi du 21 juin 2004 , ils doivent, lorsqu’ils invoquent à des fins publicitaires la possibilité de télécharger des fichiers dont ils ne sont pas des fournisseurs, faire figurer une mention identifiable et lisible rappelant que le piratage nuit à la création artistique.
Les utilisateurs ont aussi été ciblés, et il y a eu des condamnations. Mais il s’avère que les internautes condamnés ne faisaient pas que télécharger des fichiers mais en faisaient le partage, voire même le commerce. Le 19 mai 2004, le Ministère de la culture a présenté un plan de lutte contre la piraterie avec l’adoption au niveau européen d’une décision cadre concernant le volet pénal.
Notons que depuis le décret n°2009-1773 du 29 décembre 2009 sera créé La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) qui est une autorité publique indépendante française créée par la loi Création et Internet, instituée.
Des organismes, représentant les titulaires des droits, observent les œuvres circulant sur les réseaux et collectent ces informations. Ces organismes ont reçu les autorisations nécessaires de la CNIL pour effectuer ces démarches. Cette haute autorité contribue à l’affaiblissement du partage peer to peer grâce à des techniques telles que la suspension de la connexion internet ainsi que le paiement d’amendes.
Faites appel à notre cabinet d'avocats en cas de doutes ou de demande d'éclaircissements, nous sommes à votre disposition : téléphone : 01 43 37 75 63
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