DIFFUSION D’IMAGE
/ Avril 2021 /
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La loi pénale étant d’interprétation stricte, le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n’est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée.
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Aujourd’hui, et plus que jamais, l’outil social que représente Internet a permis l’avancée spectaculaire de l’échange et du partage de contenu en ligne. Si cette avancée peut constituer une aubaine à certains égards, des dérives sont également à prendre en considération, notamment au regard d’un usage parfois intrusif de cette technologie, comme c’est le cas dans le cadre de diffusion d’images sans l’accord des personnes concernées.
De fait, le droit se doit d’intervenir à l’égard de ces comportements. D’ailleurs, dans un rapport de 2010 consacré au Big data, le cabinet de conseil McKinsey rendait compte de l’importance des données qui transites sur le réseau, en parlant de « la règle des trois V ».
Cette règle rappelle que trois principes sont à prendre en compte concernant l’usage de celle-ci : le volume (sans même s’en rendre compte, nous générons énormément de données), la vélocité (vitesse croissante à laquelle nous générons ces données) et la variété des données que nous fournissons tous les jours sur nous-mêmes.
Au regard de ces critères, il convient donc de se pencher sur un cadre légal précis, permettant de « réguler » la production et l’usage qu’il peut être fait de nos données. C’est ainsi que le juge a pu statuer concernant la diffusion d’image sur internet, et le droit entourant la question.
En effet, il n'est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l'image d'une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement. En cassant l’arrêt d’appel condamnant la diffusion d’images à caractère intime fixée avec le consentement de l’intéressée, la Cour de cassation, le 16 mars 2016, a confirmé la stricte application de cette règle pénale. Si l’arrêt n’est pas critiquable en droit, la question de l’adaptation de la loi pénale aux nouvelles formes d’infraction, comme le « Revenge Porn ».
La Cour d'appel de Nîmes avait condamné un homme pour avoir diffusé, suite à leur rupture, des photos de son ancienne compagne nue. Dans l’intimité de leur vie de couple, l’homme avait réalisé des clichés de sa compagne nue, avec son consentement. Après leur rupture, l’ex-conjoint a publié lesdites photos sur internet, sans l’accord de l’intéressée.
La Cour se fondait sur l'article 226-1 du Code pénal qui définit l'atteinte à la vie privée par le fait de fixer, enregistrer ou transmettre, « sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé » à moins que les actes mentionnés aient été accomplis « au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés ».
Le Tribunal correctionnel et la Cour d’appel condamnent donc l’auteur des clichés, considérant que « le fait, pour la partie civile, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée ». Dès lors, les juges déduisent qu’en diffusant une photo intime de sa compagne en l’absence de son consentement, l’auteur des photos a enfreint l’article 226-1 alinéa 2 du code pénal. Il se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt, considérant qu'il « n'est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l'image d'une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement ». La Cour de cassation a pourtant considéré que le premier consentement, donné au moment de la prise de l'image, empêchait de sanctionner pénalement la diffusion des clichés.
Cet arrêt rendu par la chambre criminelle a été très critiqué, nécessairement de par le caractère intime des photos (I). Ce phénomène, appelé « Revenge Porn », consiste, pour un ancien compagnon, à diffuser sur internet des images intimes prises durant la relation, afin de porter un préjudice considérable à l’intéressée. La qualification de cette forme d’atteinte à la vie privée s’avère de plus en plus nécessaire afin de réprimer cette nouvelle manière de faire (II).
I. Le consentement, obstacle à la condamnation du cyber-harcèlement
A. Le principe du consentement
Les personnes sont protégées des atteintes à l’intimité de la vie privée par l’image grâce aux articles 226-1 1° et 226-2 du Code pénal. Le premier sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en fixant, enregistrant, ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Quant au second article, il punit des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.
Cependant, la protection du droit à l’image des personnes est soumise au principe de consentement de l’intéressé lors de la prise du cliché. Dès lors, il n’est pas possible d’être protégé, en droit pénal, en cas de diffusion de clichés pris avec le consentement de l’intéressé, il n’y a pas d’infraction.
L’arrêt de cassation du 16 mars 2016 vient confirmer ce principe, de stricte application pénale. La cour d’appel de Nîmes avait en effet considéré que le délit était constitué, du fait que la transmission de l’image de la personne ait eu lieu « sans le consentement » de l’intéressée. Les juges ont ainsi prononcé la condamnation pénale de l’ex-conjoint.
Le principe du consentement implique également qu’une fois que le consentement disparaît alors le droit à l’image doit respecter cette disparition. En effet dans une décision du 16 novembre 2018, le TGI de Paris est venu rappeler qu’une fois que le contrat de cession du droit à l’image prend fin, et que la durée d’exploitation prend fin, alors l’image ne peut plus être exploitée.
En l’espèce, une mannequin avait tourné un film publicitaire, encadré par un contrat de cession du droit à l’image. Or le contrat limitait l’autorisation d’exploitation de l’image, à une durée de 2ans. Or 3 ans plus tard, le film publicitaire est toujours exploité par la société.
Le contrat ne prévoyant pas de point de départ à l’exploitation des droits, ce dernier fut laissé à l’appréciation du juge, qui a considéré que le point de départ débutait à la signature du contrat et non à la première diffusion du film publicitaire. Le juge en a conclu, que la durée d’exploitation de 2ans était terminée et que la société avait alors violé l’article 9 du Code civil.
B. Une distinction essentielle entre le consentement à la fixation de l’image et le consentement à la diffusion de l’image
La Cour de cassation est venue casser l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes. Selon la haute juridiction, seul le consentement initial à être photographié doit être pris en compte.
En d’autres termes, la Cour de cassation a rejeté la distinction fondée sur le caractère intime de la photographie, et a considéré que le consentement à la prise de la photographie emportait le consentement à sa diffusion. Ainsi, la diffusion d’une l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé n’est punissable que si la photographie a été réalisée sans le consentement de la personne concernée. De même, n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement.
Pour comprendre la solution énoncée par la Cour de cassation suppose revenir sur les éléments constitutifs de l’infraction. L’élément matériel de l’incrimination prévue à l’article 226-2, qui consiste à porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé est bien caractérisé.
Mais, il faut par ailleurs déterminer que cette image a été obtenue dans les conditions fixées par l’article 226-1 auquel le texte renvoie. Aux termes de cette première disposition, la fixation, l’enregistrement ou la transmission de l'image d'une personne doivent avoir été réalisés, sans le consentement de celle-ci.
C’est ce que rappelle la chambre criminelle dans son attendu de principe : « il se déduit du deuxième et du troisième alinéa de ces textes que le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n’est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée ».
En conséquence, si la victime a consenti à la prise de son image, elle ne peut plus prétendre à la protection offerte par l’article 226-2 du Code pénal réprimant la diffusion de clichés, peu importe que celle-ci n’ait pas donné son accord pour la diffusion. Le consentement initial est le seul critère à prendre en compte : le fait de diffuser sans son consentement, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement n’est pas pénalement répréhensible.
La cour souligne ainsi l’amalgame entre consentement à être photographié et consentement à voir sa photo diffusée publiquement. Seul le premier consentement est incriminé pénalement.
II. La nécessaire consécration juridique du « revenge porn »
A. La stricte application de la loi pénale
Il convient, pour expliquer cette décision, de rappeler que la loi pénale est d’interprétation stricte. D’autre part, les juges de la Cour de cassation ne sont pas les juges des faits mais les juges de la bonne application du droit. Cette décision souligne donc l’importance du choix de la qualification juridique. Si l’intéressée avait fondé sa demande en se basant sur un autre fondement juridique tel que l’article 9 du Code civil ou encore la loi informatique et libertés, les juges auraient prononcé la condamnation de l’ex-conjoint.
Le revenge porn n’est pas encore un délit. Ainsi, la haute juridiction s’en tient à la stricte application de l’article 226-1 du Code pénal. La Cour précise donc « que le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers (…) l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n’est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée ». Or, dans l’arrêt du 16 mars 2016, la personne concernée avait bel et bien consenti à être photographiée dans le cadre de sa vie privée.
Cette décision souligne donc l’importance du choix de la qualification juridique. En effet, si l’intéressée avait fondé sa demande en se basant sur un autre fondement juridique tel que l’article 9 du code civil ou encore la loi informatique et libertés, les juges auraient prononcé la condamnation de l’ex-conjoint.
B. Une consécration imminente
L’arrêt du 16 mars 2016 rappelle toute l’urgence qu’il y a à adapter notre législation. En ce sens, la loi « République numérique », prévoit une meilleure répression du « revenge porn » et de la cyberviolence sexuelle. En effet le texte a complété l’article 226-1, et écarter définitivement toute ambiguïté, en ajoutant l’alinéa suivant : « Est puni des mêmes peines le fait de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites ».
La situation n’est pas nouvelle. En janvier dernier, elle avait été blâmée par la délégation aux droits de la femme qui, dans son rapport sur le projet de loi Lemaire, avait remarqué que pour des magistrats, une personne qui donne son consentement à la prise de vue, en regardant l’objectif, empêcheraît automatiquement les poursuites pour la diffusion de l'image en ligne.
Lors des débats parlementaires, un amendement des élus écologistes a utilement été adopté pour corriger cette brèche. En outre, les sanctions ont été portées à 2 ans de prison et 60 000 euros d’amende. En attendant, les discussions doivent se poursuivre au Sénat depuis le 6 avril, et la Cour de cassation a bien dû se contenter de l’existant puisqu’on ne peut pas faire rétroagir une loi plus sévère.
Cette jurisprudence ne désarme pas pour autant les victimes : ces dispositions ne concernent que le champ pénal. Au civil, celui qui s’estime victime d’une violation de son intimité et de son droit à l’image peut toujours réclamer le versement de dommages et intérêts (art. 9 C. civ.).
De plus, depuis 2016 la jurisprudence sur le Revenge Porn a évoluée et le 20 novembre 2018, le TGI de Bobigny va condamner le diffuseur des photographies litigieuses pour atteinte à la vie privée, ainsi qu’atteinte à l’honneur. La décision vise l’article 9 du Code civil, il s’agit donc d’un contentieux porté devant le juge civil et non le juge pénal comme dans l’arrêt du 16 mars 2016.
C’est pourquoi le TGI est venu réaffirmer le principe fondamental de l’article 9 du Code civil « L’article 9 alinéa 2 du Code civil dispose que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée. »
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Sources :
http://www.iprotego.com/blog/2016/03/18/une-victime-de-revenge-porn-deboutee-par-la-justice/
http://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/les-histoires-damour-finissent-malpour-la-vie-privee/h/f7b1cceeec0e26c22924762efa52ab35.html?tx_ttnews%5Blink%5D=actualite%2Fangle-droit%2Fh%2F6282f2ab3d%2Fbrowse%2F0%2Farticle%2Fprincipe-de-precaution-principe-a-la-c.html
TGI de Paris, ordonnance de référé du 16 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-ordonnance-de-refere-du-16-novembre-2018/
TGI de Bobigny, ch.5/sec.3, jugement contentieux du 20 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-bobigny-ch-5sec-3-jugement-contentieux-du-20-novembre-2018/