COMMENT SE DEFENDRE FACE AU « REVENGE PORN »
/ Mars 2023 /
Le revenge porn est une pratique qui vient des Etats-Unis. Elle consiste à publier sur internet des images ou des vidéos pornographiques de son ex-copain, ex-copine après une rupture amoureuse et sans le consentement de la personne concernée. Quels sont les recours si l’on est victime de cette pratique de la part de son ex ? Ce phénomène étant assez récent, ce que permet la loi en France ?
Phénomène ayant pris une ampleur considérable ces dernières années avec l’omniprésence d’internet dans nos vies sociales, et la présence quasi systématique d’appareils photo intégrés dans les smartphones, le « Revenge porn » ou revanche pornographique commence à être pris en considération par les législations à l’international. Originaire des États-Unis, la pratique a été interdite par la loi dans certains États dès 2004. Elle a pourtant été remise au bout du jour par le site « Is anyone up » créé en 2010 et fermé en 2012.
Afin de se prémunir de cette pratique, certains couples (américains) introduisent même des clauses sur l’utilisation des réseaux sociaux dans leur contrat de mariage.
De même, l’expression en elle-même commence à acquérir une certaine « légitimité », récemment intégrée à certains dictionnaires anglophones comme celui du Cambridge University, et celui d’Oxford.
En France, la pornodivulgation a été introduite dans le Code pénal à la suite de la promulgation de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. Cette pratique constitue à présent un délit sévèrement sanctionné par un nouvel article. Désormais sanctionné par l’article 226-2-1 du Code pénal, le Revenge porn n’a pas toujours fait l’objet de sanction.
Dans un arrêt rendu le 16 mars 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation refusait, en vertu de l’article 111-4 du Code pénal, de procéder à une interprétation extensive de la loi pénale. Dans cette affaire, une jeune femme avait été photographiée par son ancien compagnon à l’époque de leur vie commune, la représentant nue alors qu’elle était enceinte. Une fois séparé ce dernier avait diffusé la photographie sur internet.
La Cour d’appel avait relevé que le fait d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son assentiment pour que celle-ci soit diffusée.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif que « n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement. »
Or, la photo intime est souvent prise, ou obtenue avec le consentement de la personne concernée, mais diffusée sans son accord, et ceci pour lui nuire.
Cette interprétation stricte de la loi pénale a remué le monde politique, ce qui a conduit quelques mois après à l’adoption de la loi pour une République numérique. C’est l’article 67 de cette même loi qui a permis d’instaurer l’article 226-2-1 du Code pénal qui dispose :
Phénomène ayant pris une ampleur considérable ces dernières années avec l’omniprésence d’internet dans nos vies sociales , et la présence quasi systématique d’appareils photos intégrées dans les smartphones , le « revenge porn » commence à être pris en considération par les législations à l’international, notamment aux États-Unis où de nombreux États ont légiféré à ce propos.
Jusque-là ignoré de la loi pénale en France, le "revenge porn" est désormais un délit sévèrement sanctionné par le Code pénal. L’article 67 de la loi du 7 octobre 2016 a introduit un nouvel article 226-2-1 dans le Code pénal, la loi pour une République numérique, publiée le 7 octobre 2016 au Journal officiel qui dispose désormais :
« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1 ».
Il est donc désormais possible d’intenter une procédure en cas d’images prises dans des lieux publics ou privés, avec ou sans le consentement des victimes, et diffusées sans son accord sur internet ou à des tiers.
Cette adoption fait d’ailleurs suite à une mobilisation importante d’associations comme celle de la Fondation des femmes qui, à travers sa Force Juridique et le plaidoyer de 16 associations auprès des sénateurs et de la Secrétaire d’Etat au numérique et à l’Innovation, a pu contribuer à matérialiser ce délit.
Cette loi sera complétée par la loi du 3 août 2018 sur le cyberharcèlement moral et sexuel. Elle prévoit une sanction de toute atteinte à l’identité, à l’intimité, à la dignité, à la réputation ou à la tranquillité, contre une ou plusieurs personnes identifiées, sur les réseaux sociaux.
Pour rappel, les femmes représentent l’écrasante majorité des victimes de revenge porn, avec plus de 90 % des cas selon l’association précitée.
Quels actes sont assimilés à du « Revenge Porn » ?
Le « Revenge porn » peut prendre diverses formes. Il intervient souvent à la suite d’une rupture mal vécue. L’auteur agit alors en « représailles » et cherche à culpabiliser et à humilier sa victime. Dans certains cas, cette pratique est utilisée pour soutirer de l’argent.
L’auteur de Revenge porn peut aussi « simplement » s’amuser à montrer les images à ses amis. L’obtention de ces images ou vidéos résulte souvent d’une relation de confiance avec la victime.
Cette vengeance ou pornodivulgation, englobe à la fois les images et vidéos échangées, mais également les propos à caractère sexuel qu’on nomme aussi sexting. Même si l’on retient le plus souvent les images et vidéos, les échanges tenus dans un cadre privé tombent sous le coup de ce délit aggravé s’ils sont diffusés sans le consentement de l’intéressé. L’infraction peut être caractérisée, quel que soit le moyen technique de diffusion employé (partage sur un réseau social, envoi par e-mail ou SMS).
C’est l’interprétation restrictive de la Cour de cassation de la notion de consentement.
A ce sujet, la Cour de cassation avait ainsi estimé dans un avis rendu le 16 mars 2016 que l’atteinte à la vie privée n’était pas caractérisée si la photo avait été obtenue avec le consentement de la victime.
C’est l’interprétation restrictive de la Cour de cassation de la notion de consentement qui fut plaidée à travers cet arrêt.
Or, la photo intime est souvent prise ou obtenue avec le consentement de la personne concernée, mais diffusée sans son accord, et ceci pour lui nuire. Il est donc désormais possible d’intenter une procédure en cas d’images prises dans des lieux publics ou privés, sans le consentement des victimes, et diffusées sur internet ou à des tiers.
Les victimes de revenge porn peuvent, dans ce cas, déposer plainte dans un commissariat de police, ou déposer plainte devant le Procureur et ensuite devant un juge d’instruction si le diffuseur des images ou vidéos est inconnu, ou directement devant le tribunal correctionnel s’il est connu.
Quel est le profil psychologique des personnes qui s'adonnent à ce genre de pratiques ? Dans quel cas font-elles ça ?
Les personnes qui diffusent, sans leur consentement, des photos intimes de leur victime, le font très souvent dans un but de vengeance immédiate, sans mesurer les conséquences graves que cela peut avoir sur la victime.
Il peut s’agit de personnes tout à fait normales, mais qui ont eu un moment d’égarement quand elles se sont senties rejetées par la victime, très souvent dans le cadre d’une rupture non désirée.
C’est pour cela que l’on parle de revenge porn, en français « revanche pornographique » : l’expression caractérise effectivement un acte « en réponse » d’un fait ayant atteint émotionnellement l’auteur.
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Que faire lorsque l’on est victime de Revenge porn ?
Dans un premier temps, il est conseillé d’effectuer des captures d’écran afin de matérialiser un dossier de preuve. Une plainte peut également être déposée auprès d’un commissariat de police ou d’une brigade de gendarmerie. Il est également possible de déposer plainte devant le Procureur et ensuite devant un juge d’instruction si le diffuseur des images ou vidéos est inconnu, ou directement devant le tribunal correctionnel s’il est connu.
Lorsque l’identité de l’auteur est connue, il est également possible de signaler son profil auprès de la plateforme PHAROS. Mise en place le 16 juin 2009 par le Gouvernement français, elle permet de signaler des contenus et comportements en ligne illicites.
Des lignes téléphoniques ont également été mises en place. Il est possible de citer le 30 18. Ce numéro d’écoute est destiné aux jeunes victimes et/ou aux témoins de cyberharcèlement et de toutes formes de violences sur internet. Il peut s’agir de Revenge porn, de chantage à la webcam, d’usurpation d’identité, etc.
Sur quels autres fondements les victimes peuvent-elles faire condamner ces pratiques ?
Les victimes peuvent faire sanctionner la diffusion non consentie de leur image, tant sur le plan civil au regard du droit au respect de la vie privée, que sur le plan pénal, lorsque la diffusion porte atteinte à l’intimité de la vie privée.
Ainsi, l’article 9 du code civil, fondement français du droit au respect de la vie privée, permet aux victimes d’obtenir le prononcé d’une réparation financière et le retrait, sous astreinte, du contenu qui leur porte préjudice. Les juges considèrent qu’un individu a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite un droit exclusif. Par conséquent, peu importe que des photographies soient prises avec le consentement des intéressés. Le consentement à la fixation n’emporte pas consentement à la diffusion.
Ces affaires peuvent-elles accélérer les demandes des victimes en faveur du droit à l'oubli sur internet ?
Aussi souvent appelé « droit à l’oubli », le droit au déréférencement était déjà prévu par la Directive 95/46/CE, et est aujourd’hui intégré au Règlement général à la protection des données. Ce droit a été renforcé par les dispositions de l’article 17 du RGPD, et a notamment été étendu aux mineurs (article 40 de loi informatique et libertés modifié par l’article 63 de la loi pour une République numérique de 2016).
Il est ainsi prévu par le règlement que « La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais ».
Le droit au déréférencement permet de lutter contre la publication de données à caractère personnel qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou à sa vie privée. Il permet de faire supprimer un ou plusieurs résultats fournis par un moteur de recherche à l’issue d’une requête effectuée à partir de l’identité (nom et prénom) d’une personne.
Cela correspond à l’idée selon laquelle un individu peut avoir commis une faute à un moment de sa vie, sans pour autant être marqué par celle-ci pour l’éternité.
Il n’est pas nécessaire de passer par la case tribunal afin de demander le retrait d’un résultat sur un moteur de recherche. Depuis la décision de la CJUE en date du 13 mai 2014, les moteurs de recherche se sont dotés de formulaire de demande de désindexation afin de prendre directement en charge ses demandes.
Chaque demande de déréférencement est appréciée au cas par cas par les moteurs de recherche. Pour ce faire, les moteurs de recherches procèdent à une mise en balance entre les atteintes aux droits fondamentaux, au respect de la vie privée et à la protection des données que sont susceptibles de provoquer les traitements de données, par rapport au droit à l’information et au droit de la presse.
Ainsi, un cas de Revenge porn peut tout à fait être pris en compte dans le cadre d’une demande de droit à l’oubli ou de droit à l’image protégé par le droit à la vie privée (article 9 du Code civil, ordonnance de référé du 12/05/2017 TGI Paris), pour demander le déréférencement d’URL.
Il vous est donc possible de demander aux moteurs de recherche de déréférencer un résultat qui porterait atteinte à votre vie privée et qui ne présenterait aucun intérêt pour l’information du public, critères que le Revenge porn remplit.
Sources :
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mars 2016, 15-82.676 :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032263441/
https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/faire-face-au-sexting-non-consenti-et-au-revenge-porn-325394
https://www.gouvernement.fr/actualite/harcelement-agressions-violences-trois-numeros-pour-aider-les-enfants-en-danger
https://en.wikipedia.org/wiki/Is_Anyone_Up%3F
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/revenge-porn-la-vengeance-des-ex_1628679.html#
http://www.france24.com/fr/20141203-porn-revenge-porno-vengeur-photos-nue-sexe-publication-facebook-condamnation-prison-justice/
http://www.village-justice.com/articles/Publication-non-consentie-photos,17744.html
http://www.enquete-debat.fr/archives/observatoire-de-la-delation-site-porno-jemevenge-com
LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033202746/
LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037284450
TGI de Bobigny, ch.5/sec.3, jugement contentieux du 20 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-bobigny-ch-5sec-3-jugement-contentieux-du-20-novembre-2018
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