#Diffamation et Twitter
/ Avril 2021/
Le réseau social « Twitter » est devenu la référence en matière de médias sociaux, il est aujourd’hui le théâtre d’une multiplication d’actions en diffamation.
Twitter n’est pas une zone de non-droit et ses tweets sont, eux aussi, soumis à des règles.
Twitter c’est la possibilité de publier gratuitement des messages courts et percutants (tweets) en temps réel (280 caractères/tweets au maximum). Par défaut, ces messages sont lisibles par tous et apparaissent même dans les moteurs de recherche, les faisant ainsi entrer dans la sphère publique. En d’autres termes, c’est une plateforme de microblogging, c’est-à-dire un journal personnel en ligne, qui fonctionne comme un réseau social.
À ce titre, il est soumis aux mêmes règles que les autres acteurs d’internet.
La Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 n’est pas seulement applicable à la communication par support papier, mais également à celle diffusée sur internet. Cette loi permet de rendre publiques, des informations ou des opinions tout en réprimant les abus, comme celui de la diffamation.
En effet, l’article 1er du texte actuellement en vigueur, précise de manière assez symbolique que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Cette liberté, que l’on retrouve aujourd’hui à travers la libre expression sur les réseaux, n’est néanmoins pas totale et la diffamation constitue effectivement un des actes prohibés par la loi.
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Il faut savoir qu’il s’agit d’un régime spécifique, différent du droit commun de la responsabilité prévue à l’article 1382 ancien (nouveau 1240) du Code civil. Ce régime spécifique prévoit une responsabilité dite en « cascade ».
La loi considère que dans les milieux particuliers de la presse plusieurs personnes sont responsables avant l’auteur même des propos litigieux. Ces personnes identifiées comme responsables varient en fonction du type de médias visés.
La diffamation représente le fait de porter atteinte à la réputation et à l’honneur d’une personne publiquement par des écrits, des paroles ou des gestes. Si l’allégation, le reproche, ne contient aucune accusation précise à la personne, il s’agit seulement d’une injure.
Le propos pourra donc être condamné s’il répond aux conditions suivantes :
- Alléguer un fait précis et déterminé (l’expression d’une opinion subjective relevant du débat d’idée ne constitue pas des propos diffamatoires),
-Alléguer ce fait publiquement,
- Porter atteinte à l’honneur ou à la considération de celui ou ceux qu’il vise (il faut démonter que les propos causent un dommage à la victime),
- Énoncer ce fait en étant de mauvaise foi (en sachant que c’était faux, ou en devant savoir que c’est faux, ou sans motif valable sans considération de la véracité des propos)
- Viser une personne déterminée physique ou morale (il faut pouvoir l’identifier à travers les propos, cela peut être insinué, déguisé ou direct).
À l’heure où le web 2.0 place au centre de ses services l’interaction sociale, la liberté d’expression se doit d’être d’autant plus conciliée avec le respect des droits d’autrui, y compris sur internet.
Dès lors, sur Twitter, peut-on se rendre coupable de diffamation en 280 caractères seulement ?
Le réseau social « Twitter » a fêté ses 15 ans le 21 mars dernier. Devenu la référence en matière de médias sociaux, il est aujourd’hui le théâtre d’une multiplication d’actions en diffamation.
Twitter n’est pas une zone de non-droit et ses tweets sont, eux aussi, soumis à des règles.
Twitter c’est la possibilité de publier gratuitement des messages courts et percutants (tweets) en temps réel (280 caractères/tweets au maximum).Par défaut, ces messages sont lisibles par tous et apparaissent même dans les moteurs de recherche, les faisant ainsi entrer dans la sphère publique. En d’autres termes, c’est une plateforme de microblogging, c’est-à-dire un journal personnel en ligne, qui fonctionne comme un réseau social.
À ce titre, Twitter est soumis aux mêmes règles de diffamation que les autres acteurs d’internet.
La Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 n’est pas seulement applicable à la communication par support papier, mais également à celle diffusée sur internet. Cette loi permet de rendre publiques des informations ou des opinions tout en réprimant les abus, comme celui de la diffamation. Il s’agit d’un régime spécifique, différent du droit commun de la responsabilité prévue à l’article 1240 du Code civil. Ce régime spécifique prévoit une responsabilité dite en « cascade ».
La loi considère que dans les milieux particuliers de la presse plusieurs personnes sont responsables avant l’auteur même des propos litigieux. Ces personnes identifiées comme responsables varient en fonction du type de médias visés.
La diffamation représente le fait de porter atteinte à la réputation et à l’honneur d’une personne publiquement par des écrits, des paroles ou des gestes. Si l’allégation, le reproche, ne contient aucune accusation précise à la personne, il s’agit seulement d’une injure.
La diffamation sur Twitter pourra être condamnée s’il répond aux conditions suivantes :
- Alléguer un fait précis et déterminé (l’expression d’une opinion subjective relevant du débat d’idée ne constitue pas des propos diffamatoires)
- Alléguer ce fait publiquement
- Porter atteinte à l’honneur ou à la considération de celui ou ceux qu’il vise (il faut démontrer que les propos causent un dommage à la victime)
- Énoncer ce fait en étant de mauvaise foi (en sachant que c’était faux, ou en devant savoir que c’est faux, ou sans motif valable sans considération de la véracité des propos)
- Viser une personne déterminée physique ou morale (il faut pouvoir l’identifier à travers les propos, cela peut être insinué, déguisé ou direct)
Sur Twitter, peut-on se rendre coupable de diffamation en 280 caractères seulement ?
I/ Qui est responsable des tweets à caractère diffamatoire ?
La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) soumet les publications sur internet à loi de la presse de 1881. Cette loi met en place un système de responsabilité en cascade par rapport aux fonctions des différentes personnes visées.
En d’autres termes, si la première personne désignée n’est pas identifiable la deuxième sera responsable et ainsi de suite. La loi LCEN adapte cette responsabilité à l’univers d’internet et donc à la « communication au public en ligne ». Le responsable est celui dont « l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».
Celui qui publie et gère le site, qui a le plein contrôle de la mise en ligne des contenus du site (Articles, photos, vidéos) est appelé l’éditeur. Pour limiter le risque d’être responsable, l’éditeur peut adopter le statut d’hébergeur. Les plateformes de réseaux sociaux, de forums ou de blog ne peuvent être assimilées à des sites classiques. Il existe une responsabilité spéciale applicable aux personnes gérant les réseaux sociaux. La loi de 2004 définit le rôle et la responsabilité d’une personne qui a la qualité d’hébergeur. L’hébergeur assure, gratuitement ou non, un service de stockage d’informations fournies par ses utilisateurs.
Les réseaux sociaux, les forums ou les blogs, parce qu’ils stockent des textes, photos et vidéos sont considérés comme des hébergeurs. L’arrêt de la CJUE Google Adwords du 23 mars 2010, dispose qu’est hébergeur celui dont l’activité « revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l’information n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées. » Twitter est donc l’hébergeur des tweets. L’hébergeur a une qualité et un rôle particulier. De ce fait, il se voit attribuer un statut hybride et une responsabilité atténuée.
Il est responsable des contenus stockés, si et seulement si :
- Il a eu connaissance de l’existence des contenus
- Les contenus présentent un caractère manifestement illicite (violation évidente d’une règle de droit)
- Après en avoir eu connaissance, il n’a pas retiré rapidement ces contenus (le jour même)
L’hébergeur n’est donc pas obligé de vérifier les contenus avant la mise en ligne, il n’agit que lorsqu’un contenu précis lui est signalé comme illicite. Dès lors, Twitter n’est pas tenu d’effectuer un contrôle des tweets avant la mise en ligne, il n’existe aucune obligation de surveillance générale. Néanmoins il devra supprimer les tweets manifestement illicites portés à sa connaissance, il est donc nécessaire que la victime notifie à Twitter la présence de ces tweets manifestement illicite.
Ce privilège a une contrepartie. L’hébergeur se doit de divulguer les données permettant l’identification de quiconque a contribué à la création d’un contenu litigieux. Il est tenu de collecter les données permettant l’identification de ses utilisateurs et de les communiquer lorsque les autorités judiciaires le demandent.
Twitter est une entreprise américaine, mais cela ne l’exonère pas de cette obligation.
Puisque Twitter, en tant qu’hébergeur n’est pas responsable, l’auteur des propos diffamatoires l’est. Une fois le responsable identifié, il est possible d’agir en justice contre lui afin d’obtenir réparation de son préjudice.
Une action contre Twitter n’est possible que si ce dernier n’a pas supprimé ou bloquer le contenu qui lui a été notifié, quand il a manqué à son obligation de déréférencement.
II/ La jurisprudence
Sur Twitter, comme sur tout autre réseau social, toute personne est responsable des propos qu’elle tient publiquement. En France, la diffamation est une infraction qui peut entraîner une amende de 12 000€. Pour que la diffamation soit avérée, le propos doit remplir plusieurs conditions.
Sur Twitter, le premier critère à déterminer est celui de la publicité des propos tenus. En reprenant la loi de 1881, un propos est public s’il est tenu devant un groupement de personnes qui ne constituent pas une communauté d’intérêts. La diffamation étant sanctionnée, que le propos soit public ou privé, mais l’amende est moindre en cas de propos privés (38€).
La jurisprudence constante considère que « la diffusion litigieuse sur le réseau internet, à destination d'un nombre illimité de personnes nullement liées par une communauté d'intérêts, constitue un acte de publicité commis dès que l'information a été mise à la disposition des utilisateurs éventuels du site ». Ainsi, si la personne qui a publié les propos, n’a pas fait l’effort de limiter l’accès à son tweet à un nombre très limité de personne, alors on va considérer que le tweet est public.
Par ailleurs, le tribunal de Pau a considéré dans sa décision du 12 novembre 2018 que le créateur du compte, qui possède les codes d’accès, « ne saurait dénier sa responsabilité au seul motif qu’il aurait donné les codes à des personnes dont il refuse de donner le nom. ». Il y a donc une présomption de responsabilité à l’égard du créateur du compte.
De plus, pour déterminer la diffamation il doit y avoir l’allégation d’un fait précis et déterminé.
En février 2015, une décision en matière de diffamation sur Twitter a été rendue par la cour d’appel de Paris .
Ramzi Khiroun a porté plainte en 2011 contre Arnaud Dassier pour avoir tweeté :
« Ramzi Khiroun est à la limite de l’abus de bien social avec ses jobs Lagardère ou EuroRSCG (on ne sait plus trop) tout en bossant pour #DSK ».
Les 140 caractères maximums imposés par Twitter jusqu’en 2017, ont permis de protéger le défendeur.
En effet, la cour a considéré que cette brièveté rendait imprécise l’allégation et empêchait tout débat : le fait imputé doit être suffisamment précis et des éléments doivent le corroborer.
De plus, l’expression « est à la limite de » a permis d’écarter la qualification de diffamation.
La cour d’appel a jugé que cela reflétait l’expression d’une opinion subjective qui pouvait être soumise à débat au titre de la liberté d’expression et qu’il n’y avait donc pas diffamation. Arnaud Dassier a été relaxé.
Néanmoins, on peut imaginer que si Arnaud Dassier avait tweeté « Ramzi Khiroun=Abus de biens sociaux » il aurait été condamné.
La jurisprudence a également refusé de qualifier de diffamatoires des propos tenus sur Twitter à l’occasion d’un débat d’intérêt général. Dans cet arrêt du 8 janvier 2019, la chambre criminelle tient à rappeler que le principe est celui de la liberté d’expression et qu’en l’espèce les propos tenus n’excédaient pas les limites de la liberté d’expression.
Attention, l’action de republier comme telle une information diffamatoire d’un autre utilisateur (retweeter) est condamnable (même si cela est difficile en pratique) ! Bien qu’il n’y ait pas de condamnation pour la reproduction d’un tweet, cette dernière reste possible. Il vient donc à se protéger par l’exception de bonne foi ou en démontrant la vérité des propos.
La Licra et SOS Racisme ont obtenu la condamnation à une peine de deux mois de prison ferme de l’auteur de propos antisémites tenus dans deux messages postés sur Twitter.
Dans son jugement du 9 mars 2016, le TGI de Paris a estimé que le titulaire du compte en question s’était rendu coupable d’incitation à la haine raciale et de diffamation publique à caractère racial. Cette solution sera réitérée dans un jugement du 11 septembre 2020, où la Licra a obtenu la condamnation de l’auteur d’une diffamation publique envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l’espèce la religion juive.
La brièveté des tweets ne protège donc pas indéfiniment les auteurs, et ce, justement parce qu’elle exclut toute nuance. Le concept de Twitter est de réagir rapidement, ce qui pousse à l’imprudence et au franc-parler.
Par ailleurs, la brièveté des propos retenue par la cour d’appel, est un concept assez flou.
En effet, en passant de 140 à 280 caractères, peut-on toujours considérer qu’il y a une brièveté qui rend l’allégation imprécise ? De même, nombreuses sont les personnes qui font plus d’un tweet pour détailler une pensée, une opinion. Il convient alors à se demander où est la limite à ce concept de brièveté des propos tenus sur Twitter.
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SOURCES :
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/gaspard-koenig/koenig-diffamation-twitter-libertedexpression-04-03-2014-1797408_2002.php
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F32079.xhtml
Cass. ch. crim. 16 octobre 2001, 00-85.728
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007070613/
CJUE 23 mars 2010 Google Adwords C-236/08 à C-238/08.
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-236/08
TGI Pau, ch. corr., jugement correctionnel du 12 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-pau-ch-corr-jugement-correctionnel-du-12-novembre-2018/
Tribunal judiciaire de Paris, 17e ch. correctionnelle, jugement du 11 septembre 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-17e-ch-correctionnelle-jugement-du-11-septembre-2020/
Crim. 8 janvier 2019, 17-81.396
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038069831?dateDecision=&init=true&page=1&query=17-81.396&searchField=ALL&tab_selection=juri