LE DÉNIGREMENT COMMERCIAL
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/ Février 2022 /
Le dénigrement est une pratique de concurrence déloyale qui consiste pour un salarié, un associé ou un concurrent, à jeter le discrédit sur une entreprise ou ses produits pour en tirer profit. Cette pratique, sanctionnée par le Code civil, fait l’objet de nombreuses jurisprudences.
Le dénigrement est un phénomène aussi ancien que celui du commerce et des relations commerciales, où certains commerçants croient devoir jeter le discrédit sur un concurrent, en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits ou services, des informations malveillantes.
Le dénigrement commercial est un acte de concurrence déloyale qui expose son auteur à des dommages et intérêts, si la victime de ses agissements apporte la preuve d’un préjudice.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 18 septembre 2019, a réaffirmé le principe de la nécessité d’apporter la preuve du préjudice. Les juges précisent que quand bien même qu’un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale engendre un trouble commercial, la demande d’indemnisation est écartée dès lors que la démonstration de l’existence d’un préjudice fait défaut. En d’autres termes, le préjudice résultant d’un acte de dénigrement ne peut pas être présumé. (1)
Le dénigrement est sanctionné sur le fondement de l’article 1240 du Code civil selon lequel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et plus particulièrement, sur le terrain de la concurrence déloyale.
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Ceci étant, on peut dire qu’aujourd’hui cette pratique litigieuse que constitue le dénigrement commercial est largement amplifiée par la place croissante qu’occupent les nouvelles technologies et les réseaux, aussi bien dans notre sphère privée que dans les relations entre professionnels.
En effet, les modes de communications sont aujourd’hui démultipliés par le nombre de vecteurs de l’information existants. Commentaires, messages, forums et autres outils sociaux dématérialisés sont aujourd’hui les nouveaux supports du dénigrement, dont l’affichage s’en trouve d’ailleurs beaucoup plus important et plus facilement diffusable.
Il n’y a pas de réelle définition de ces agissements étant donné qu’il a été dégagé par la jurisprudence, mais celle-ci exige tout de même la réunion de trois conditions : les propos doivent avoir un caractère péjoratif, être rendus publics et doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits. Si ces conditions sont réunies, la forme du dénigrement importe peu.
Ces critères se fondent d’ailleurs sur une définition un peu plus large, celle du dénigrement, qui parle « d’attaquer la réputation de quelqu’un, chercher à la rabaisser, à le discréditer » selon la définition donnée par le Larousse.
Le dénigrement se distingue de la diffamation, dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur (Autorité de la concurrence, décision n° 09-D-14 du 25 mars 2009).
En effet, la diffamation se définit comme « une allégation qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne. La diffamation peut être raciste, sexiste, homophobe. Elle relève d’une procédure spécifique permettant de protéger la liberté d’expression », selon les termes du site officiel de l’administration française.
Le préjudice subi par le dénigrement commercial peut donc se placer à une autre échelle lorsqu’il s’agit d’entreprise. Il concerne l'atteinte à la réputation et à l'honneur des professionnels et personnes morales (associations, sociétés, groupements, etc.) par un concurrent direct ou indirect ou par un salarié, tandis que la diffamation concerne celle des personnes physiques et morales par quiconque.
Par conséquent, les juges veillent à ce que les principes du droit de la concurrence soient respectés et restent particulièrement vigilants aux atteintes et à la réputation des acteurs. Ainsi, dans un arrêt du 20 septembre 2012, la première chambre civile de la Cour de cassation considère que des appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise ne peuvent être qualifiées de diffamations ou d’injures dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération. En revanche, de telles appréciations constituent des actes de dénigrement, s’agissant d’une communication sur une condamnation non définitive visant un concurrent dont l’atteinte à la réputation a été établie (CA Paris, 27 janvier 2016).
La Cour a en effet jugé que le fait pour une société de diffuser par courriels et sur les réseaux sociaux des informations sur la condamnation d’une société concurrente pour concurrence déloyale et parasitisme constituait un acte de dénigrement dès lors qu’elle ne précisait pas que la décision intervenue n’était pas définitive et qu’un appel avait été interjeté.
Contrairement à la diffamation, le dénigrement est fautif même si la personne poursuivie apporte la preuve de l’exactitude des faits révélés. En effet, le principe de l’exception de vérité ne s’applique pas au dénigrement commercial. En d’autres termes, quand bien même les allégations jetant le discrédit sur un concurrent seraient exactes, elles constituent des actes de dénigrement qui entraînent la mise en cause de la responsabilité de leur auteur.
I. Notion de dénigrement commercial
Selon la jurisprudence, « le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un concurrent, en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits ou services des informations malveillantes » (CA Lyon, 21 mai 1974). Il s'agit ainsi de « porter atteinte à l'image de marque d'une entreprise ou d'un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles, ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l'entreprise visée » (Versailles, 9 sept. 1999)
La jurisprudence exige en outre la réunion de trois conditions nécessaires à la qualification de dénigrement commercial : les propos doivent être péjoratifs, publics et doivent viser une entreprise, une marque, un produit identifiable.
Pour que l’action en concurrence déloyale aboutisse, le dénigrement doit recevoir une certaine publicité. Ce n’est pas le cas du dénigrement exposé dans des documents privés, tels que des notes de service, des circulaires internes, des argumentaires de vente à l'usage de commerciaux. Ces documents internes destinés à renseigner les services d'une entreprise sur la concurrence ne pourraient, en principe, constituer des actes condamnables de dénigrement (CA Paris, 21 janv. 1959 ; CA Paris, 1er déc. 2004).
En outre, les propos dénigrants doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits. Les attaques collectives peuvent toutefois aussi constituer un dénigrement. La jurisprudence condamne ainsi certaines publicités dénigrantes qui, sans viser un commerçant nommément désigné, visent plusieurs commerçants ou des groupes de commerçants. Le dénigrement est le plus souvent dirigé contre le fabriquant d’un produit, le produit en tant que tel, les pratiques et méthodes commerciales, la vie privée ou l’honorabilité du concurrent.
Les propos doivent avoir un caractère péjoratif, c’est-à-dire, être de nature à dévaloriser l’image du concurrent auprès de sa clientèle. Les propos qui portent atteinte à l’honorabilité ou à l’honnêteté de l’entreprise, à la qualité de ses produits, au sérieux de son travail pourraient ainsi être qualifiés de dénigrement. Le dénigrement est constitutif de concurrence déloyale quand bien même les critiques formulées contre les concurrents seraient fondées. La jurisprudence considère en effet que le fait pour l'auteur du dénigrement de démontrer l'exactitude des critiques et des faits révélés ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité (Cass. Com., 12 mai 2004).
En effet, il est de jurisprudence constante que le dénigrement est sanctionné, quel que soit son contenu, que l’information soit fondée ou non, la cour d'appel, n’ayant pas à rechercher si l'exactitude des informations publiées était établie (Cass. com., 23 mars 1999 ; Cass. com., 28 septembre 2010). Par conséquent, le fait de jeter le discrédit sur un concurrent en divulguant à son propos où au sujet de ses produits ou services des informations négatives, constitue un dénigrement, même si ces informations sont exactes.
Tel était le cas, dans un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 4 mars 2020, où les juges ont affirmé que la divulgation par une société d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement.
Toutefois, la Cour précise qu’il ne s’agit pas de dénigrement si l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. (2)
II. Dénigrement et rejet de l’exception de vérité
L’action en concurrence déloyale est un moyen de défense de plus en plus privilégié par les entreprises. Au-delà de la divulgation en elle-même, les juges visent à sanctionner l’objectif poursuivi : nuire à la réputation d’un concurrent afin d’entraîner le retrait de la vente de ses produits.
Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que la communication d'une information de nature à déconsidérer un concurrent, constitue un dénigrement, peu importe qu'elle soit exacte.
Dans cet arrêt du 24 septembre 2013, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné un fabricant de cartouches de gaz pour avoir adressé à des clients un courrier les informant de la non-conformité de certains produits fabriqués par l'un de ses concurrents.
La Cour a considéré que le dénigrement était caractérisé, malgré l'exactitude de l'information communiquée dans des termes mesurés. Contrairement à l'action en diffamation, l'exception de vérité n'est pas retenue.
De même, par un arrêt du 27 janvier 2016, la cour d’appel de Paris a qualifié la communication sur une condamnation non définitive de dénigrement. Il s’agissait d’une société qui a envoyé des courriels aux distributeurs de son concurrent les informant qu’il avait été condamné pour concurrence déloyale, sans préciser qu’il y avait appel. Il s’est avéré que des partenaires commerciaux ont mis un terme à leur collaboration avec la société dénigrée en raison de sa mauvaise image. La cour d’appel a donc jugé que la divulgation d’une information, même exacte, de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement.
Peu importe que l’information soit vraie, si elle a été divulguée dans le but de jeter le discrédit sur une entreprise dans le but, non d’informer objectivement, mais de détourner la clientèle et les partenaires commerciaux à son profit et de lui nuire. Il a par ailleurs été relevé par la Cour d’appel que, dans le cadre de sa communication, la société avait déformé la décision rendue à son bénéfice en 2012, en évoquant notamment des actes de contrefaçon alors que le Tribunal s’était prononcé sur des problématiques de concurrence déloyale.
L’exception de vérité, en matière de dénigrement, n’est donc pas applicable dans le cadre du dénigrement, rappelle la cour d’appel. Cette position est de constance chez les juges qui se sont déjà exprimé sur l’indifférence de principe de l’exactitude des critiques adressées (Cass. Com. 28 sept. 2010)
En outre, cette position a été réaffirmée par un arrêt récent de la Cour de cassation rendu au 27 janvier 2021. Il s’agissait, en l’espèce, d’une société qui avait adressé une mise en garde par le biais de lettres aux clients son concurrent afin de les informer d’une action en concurrence déloyale à l’encontre de la société concurrente. Cette dernière réclame une indemnisation à son tour pour dénigrement. La Cour a considéré que les propos, tenus dans les lettres, n’avaient manifestement pour but que de discréditer les produits commercialisés par la société concurrente et que cela est constitutif de dénigrement. (3)
Par ces arrêts se trouvent donc confirmé que l'exceptio veritatis n'est pas, en principe, retenu dans le cadre du dénigrement, contrairement au cas de la diffamation (Cass. Com. 12 oct. 1966) où elle est prise en compte. Il en résulte que le juge saisi d'une action en concurrence déloyale fondée sur des actes de dénigrement ne doit pas s'interroger sur le caractère exact, ou non, des propos tenus, mais doit se limiter à rechercher si l'allégation litigieuse n'était pas constitutive d'un dénigrement fautif, simplement parce qu’elle avait pour but de jeter le discrédit sur un concurrent. L’intention de nuire à une société concurrente se présente ainsi comme le seul critère de la faute.
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Sources :
(1) : Cass. com., 18 sept. 2019, n°18-11.678
(2) : Cass. com., 4 mars 2020, n°18-15651
(3) : Cass. com., 27 janvier 2021, n°18-21697
http://www.veille-reputation.com/article/prescription-diffamation-denigrement_2.htm
http://www.juritravail.com/Actualite/droit-commercial-economique/Id/99581
http://www.svp.com/article/concurrence-deloyale-denigrement-malgre-la-veracite-de-linformation-divulguee-100006179
http://www.gesica.org/le-denigrement-des-produits-dune-entreprise/
http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4899