CLAUSES D'AGREMENT ENTRE ASSOCIES
/ Décembre 2021 /
Les clauses d’agrément entre associés sont des clauses qui subordonnent les ventes de valeurs mobilières à l’agrément desdits associés. Ces clauses servent à contrôler la vente des valeurs mobilières d’une société. Ce contrôle peut être justifié par une volonté de stabilisation de la société ou encore par la volonté de filtrer les différents entrants dans la société. Le non-respect de telles clauses provoque la nullité de la cession ou de la vente des valeurs mobilières. Les clauses d’agrément entre associés pourront être prévues de deux façons : statutairement ou extra-statutairement.
Il faut noter que les clauses d’agrément entre associés sont réglementées. De plus, elles ne sont pas globalement admises. Toutes les sociétés n’ont pas de clauses d’agrément entre associés obligatoires. Pour des sociétés unipersonnelles, par exemple, une nécessité d’agrément serait totalement farfelue. Mais les choses ne sont pas aussi claires.
Car, si ces clauses d’agrément entre associés peuvent être interdites pour un certain type de sociétés et admises pour d’autres, cette interdiction est valable que pour les clauses d’agrément prévues dans les statuts. Pourtant, la liberté contractuelle permettra de les conclure en dehors des statuts. C’est précisément là que nous voyons la particularité des clauses d’agrément entre associés.
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Alors que certains types de sociétés, comme la SARL, comprennent une procédure d’agrément, la plupart des sociétés en sont dépourvues.
Pourtant, il est tout à fait possible de limiter ou d’encadrer la cession des actions à des tiers dans les sociétés commerciales directement dans les statuts par les clauses d’agrément ou d’incessibilité, bien que les actions d’une société soient en principe librement cessibles et négociables. Ces clauses seront tantôt insérées dans les statuts de la société, tantôt dans des pactes d’actionnaires, le choix étant plus ou moins conditionné en amont par le type de société.
Les clauses d’agrément s’entendent de clauses statutaires permettant aux associés d’agréer a priori une vente d’action. L’article L228-23 du Code de commerce prévoit cette possibilité pour les sociétés par actions et dispose que « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts ».
Les clauses d’incessibilité, appelées dans le code de commerce clauses d’inaliénabilité ou dans la doctrine clause de standstill agreement, interdisent, sous certaines conditions, la vente d’actions ou de parts sociales d’une société. Elles sont habituellement possibles pour la société par actions simplifiée (SAS) en application de l’article L227-13 du Code de commerce : « les statuts de la société peuvent prévoir l'inaliénabilité des actions pour une durée n'excédant pas dix ans ».
Traditionnellement, elles pouvaient être insérées dans des actes extrastatutaires, ce que la loi a consacré à cet article. En revanche, rien n’est dit relativement à cette possibilité pour les autres sociétés commerciales et une première question se pose sur la validité d’une telle clause dans le cadre d’une autre société.
La pertinence du débat s’explique par la possibilité de prévoir de telles clauses dans les statuts d’une société, mais également dans des actes extrastatutaires, comme les pactes d’associés. La liberté contractuelle est le principe s’appliquant à la rédaction des statuts et il est a fortiori d’autant plus important pour les pactes d’actionnaires. De fait, rien ne s’oppose, a priori, à ce que ce type de stipulations se retrouve dans ces actes. L’encadrement juridique des pactes d’actionnaires est moins strict que pour les statuts et des différences s’en ressentent quant aux conséquences de ces clauses.
Le problème essentiel repose précisément sur la distinction entre le caractère statutaire ou extrastatutaire des deux types de clauses et sur les conséquences qu’elle peut emporter et il convient de déterminer dans quels cas ces clauses sont envisageables ou non.
La principale distinction qui s’opérait jusqu’à présent reposait sur le caractère statutaire ou non des clauses : d'une part, les clauses d’agrément peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société anonyme (SA) alors que la clause d’incessibilité est expressément prévue par le code de commerce pour la SAS. La situation a récemment changé sous l’influence de la jurisprudence sans remettre en cause complètement l’organisation classique (I). Cependant, la nouvelle distinction entre clauses statutaires et extrastatutaires n’est pas négligeable (II).
I - Une organisation classique préservée
Communément, il est considéré qu’une partition existe entre les clauses d’agrément qui peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société de capitaux, comme la SA , alors que les clauses d’incessibilité, ou d’inaliénabilité, ne se rencontrent que dans les statuts de la SAS. Malgré les modifications prétoriennes intervenues il y a quelques années, cette organisation formelle trouve toujours écho aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle il convient de rappeler les différences de régime entre les clauses d’agrément telles qu’elles peuvent intervenir dans la SA (A) et les clauses d’incessibilité (B).
A - Les clauses d’agrément statutaires dans la SA
La possibilité d’inclure dans les statuts d’une société par actions une clause d’agrément est une disposition légale du code de commerce. C’est l’article L 228-23 qui la prévoit en disposant que : « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts ». L’article en limite la possibilité aux sociétés dont les actions ne circulent pas sur un marché réglementé et il impose également d’autres restrictions.
Le troisième alinéa exclut la possibilité de recourir à la clause d’agrément dans un certain nombre de cas, comme la succession, la liquidation du régime matrimonial ou la cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.
En pratique, le cédant doit notifier à la société un certain nombre d’informations relatives au cessionnaire et aux actions cédées prévues à l’article L228-24 du Code de commerce. En cas de refus de la part de la société, celle-ci peut trouver un accord amiable ou faire acquérir dans un délai de 3 mois les actions à un prix fixé par expertise.
Le recours à la clause d’agrément dans le cadre d’une SAS est également possible, mais les dispositions légales qui y sont, sont plus libérales. Le refus de la société entraine là aussi le rachat des parts, mais dont les conditions peuvent être déterminées statutairement, ce qu’il est conseillé d’ailleurs de faire.
La liberté contractuelle qui transcende la création des statuts d’une société permet finalement un large de choix à la disposition des parties au contrat de société, c'est-à-dire des associés. L’option même entre les types de sociétés en est l’illustration. À l’image de ce qui vient d’être exposé pour la clause d’agrément, la clause d’incessibilité découle elle aussi d’un choix à la base de la société.
En outre, la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 11 janvier 2017, assouplit le régime des clauses d’agrément dans les sociétés anonymes et apporte des précisions sur la portée de la mention « du prix offert ».
En l’espèce, deux actionnaires d’une société anonyme (SA) notifient à celle-ci le projet de cession de leurs actions à une autre société moyennant un certain prix. Plus d’un mois plus tard, ils informent leur société par lettre que le prix est provisoire et que le prix définitif ne sera déterminé qu’au moment de la réalisation de la cession, et ce, en application d’une clause de révision. La société anonyme assigne ces deux actionnaires en annulation de la notification sur le fondement de l’article L. 228-24 du Code de commerce, lequel exige que cette notification indique le « prix offert ». Elle invoque que le prix mentionné dans celle-ci n’était pas le prix offert par la société.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation affirme le fait que l’indication d’un prix dans le cadre d’une notification d’agrément est suffisante pour que les conditions de l’article L.228-24 susvisé soient remplies. Dès lors que ce prix est déterminable et sincère à la date de la cession, les exigences légales et statutaires sont présumées satisfaites.
La Cour rajoute que l’agrément doit porter sur la personne du cessionnaire et non sur le prix. Ainsi, en cas de désaccord, ce dernier peut être déterminé par voie d’expertise judiciaire. (1)
B - Les clauses d’incessibilité statutaires dans la SAS
En principe, les clauses d’incessibilité, ou d’inaliénabilité ne sont prévues que pour les SAS lorsqu’elles sont statutaires. Elles sont limitées à une durée de 10 ans, au-delà de laquelle elles deviennent à nouveau cessibles. L’article L227-13 du Code de commerce relatif aux SAS en dispose sans équivoque : « les statuts de la société peuvent prévoir l'inaliénabilité des actions pour une durée n'excédant pas dix ans ».
Il s’agit d’une faculté réservée aux associés lors de la rédaction des statuts : il n’est pas question d’une obligation et elle ne nécessite aucune justification. La liberté contractuelle étant la règle à la base de la création d’une SAS, la clause d’incessibilité doit être vue comme un outil à la disposition des signataires du contrat de société. Elle a été codifiée dans le code de commerce par la loi du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée qui est venue consacrer en droit un certain nombre de pratiques devenues habituelles autour de la société par actions, mais qui se faisaient essentiellement dans des actes extrastatutaires.
Visant à protéger l’actionnariat de la société, la clause d’inaliénabilité permet donc d’interdire purement et simplement la cession des parts de la société. Elle est limitée dans le temps afin de ne pas conduire à un blocage préjudiciable au sein de la société, car elle s’en trouve fermée pour toute la durée de l’incessibilité. Ajoutant à cela la possibilité d’une clause d’agrément, la SAS peut devenir une forme de société très fermée et protectrice de ses actionnaires, ce qui constitue un avantage certain, mais pose également des problèmes.
Par ailleurs, rien ne s’oppose non plus à ce que la clause d’incessibilité soit prévue dans un acte extrastatutaire, alors même que les statuts ne la prévoient pas. En pareil cas, il semblerait que des conditions similaires soient à observer, bien qu’une fois de plus la liberté contractuelle entre en jeu.
Une part de la doctrine soutenait que, puisque ces clauses peuvent toujours être prévues dans les actes extrastatutaires, il n’y avait pas de raison de suivre la logique poursuivie pour la SAS et de considérer qu’il serait possible également d’inclure les clauses des pactes d’actionnaires, comme celle d’incessibilité, dans les statuts.
En outre, le haut comité juridique de la place financière de Paris rédigé, le 29 septembre 2019, un rapport concernant le régime juridique de la société par actions simplifiée. Dans ce rapport, le HCJP propose d’allonger de 10 à 15 ans la durée maximale des clauses d’inaliénabilité des actions tel que prévu par l’article L.227-13 du Code de commerce, et ce afin d’aligner leur durée sur la plupart des financements à long terme.
Le comité propose également de préciser l’article L. 227-14 du Code de commerce relatif à la clause d’agrément, et ce, afin d’inciter les associés en question à prévoir les modalités de l’agrément dans leurs statuts, tout en imposant une obligation de rachat non prévue par le texte. (2)
Il convient de rappeler également que, l’ordonnance du 4 mai 2017 supprimé la règle de l’unanimité pour l’adoption ou la modification des clauses d’agrément relatives aux cessions d’actions dans les statuts des SAS. Désormais, les associés d’une SAS ont la possibilité de convenir d’une procédure complètement sur mesure. Tout ce qui relève de la désignation de l’organe compétent pour statuer sur l’agrément, de la définition de la procédure à suivre ainsi qu’en cas de décision collective, des règles de majorité applicables, relève désormais des statuts. (3)
II - L’apport de la jurisprudence à la distinction entre les clauses
Bien que les auteurs ne s’entendent pas sur la question de la possibilité de prévoir des clauses d’incessibilité dans les statuts d’une SA, il n’en reste pas moins que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 31 octobre 2007 ouvre la possibilité. Si la solution peut paraître contestable, elle est tout de même limitée dans certains cas. Quoi qu’il en soit, il est possible maintenant de proposer une nouvelle articulation entre les deux types de clauses, mais qui serait fondée sur le caractère statutaire ou non de la clause (A). Le choix entre l’une ou l’autre possibilité repose essentiellement sur le niveau de protection (B).
A - Une nouvelle distinction fondée sur le caractère statutaire ou extrastatutaire
Les clauses d’incessibilité dans les SA semblaient jusqu’à récemment inenvisageables pour la majorité des auteurs. Il en va toujours de même pour les sociétés cotées pour lesquelles une telle clause n’est pas viable statutairement puisqu’elle irait à l’inverse du fonctionnement d’une société cotée.
En revanche pour les autres, la Cour de cassation par son arrêt du 31 octobre 2007 semble ouvrir cette possibilité, à condition d’avoir une lecture libérale de l’arrêt. Elle énonce à cette occasion que n’importe quel acte à titre onéreux peut contenir une clause d’incessibilité à condition qu’elle poursuive un intérêt sérieux et légitime. En considérant que le contrat de société entre dans cette qualification, il est alors envisageable d’admettre le caractère statutaire de la clause d’incessibilité pour d’autres types de sociétés que la SAS.
La Cour ajoute bien entendu qu’elle doit elle aussi être limitée dans le temps. Il n’est pas possible par principe de concevoir des clauses d’incessibilité dans une société qui seraient à durée indéterminée. Il faut donc constater une proximité de régime avec les dispositions légales de la SAS, qui, on l’a vu, peut à l’inverse faire application des principes des autres sociétés de capitaux.
Si une lecture extensive de l’arrêt de 2007 est admise, ce que fait une partie de la doctrine, alors la distinction entre les deux types de clauses reposerait davantage sur leur caractère statutaire ou non puisqu’elles sont toujours concevables dans les actes extrastatutaires. Le caractère statutaire ou extrastatutaire des clauses s’articulerait autour de la liberté contractuelle régissant aussi bien le contrat de société et statuts que le pacte d’actionnaire.
L’arrêt de 2007 crée, s’il est interprété largement, une situation libérale et gomme les différences de statuts entre les deux types de sociétés pris en exemple. Il en va d’ailleurs de même par rapport à d’autres types de société, comme la SARL , qui prévoient des mécanismes similaires, mais qui ne sont plus optionnels. Quoi qu’il en soit, la liberté contractuelle prise comme axe directeur de l’articulation entre les deux caractères est dictée par le niveau de protection poursuivi.
B - Le niveau de protection comme critère déterminant dans le choix du type de clause
La distinction qui s’opère en pareil cas entre le caractère statutaire et extrastatutaire résulte aussi d’une différence dans le niveau de protection qu’apportent les deux types d’actes qui en découlent. Un pacte d’associés comportant des clauses d’incessibilité ou d’agrément, ou les deux, leur confèrera moins de force que si elles sont statutairement prévues. À l’inverse, la codification opérée par la loi du 3 janvier 1994 était précisément animée par la volonté de codifier des pratiques extrastatutaires afin de les rendre plus efficientes.
Le fait que le recours à ces clauses soit prévu par la loi les rend d’autant plus opposables aux tiers, ce qui est tout à fait l’inverse dans un pacte d’associés. Au contraire, le pacte d’associé présente l’intérêt d’une absence de publicité ce qui compense son inopposabilité aux tiers.
De même, la sanction du non-respect des clauses statutaires est plus protectrice envers les actionnaires. L’article 227-15 du Code de commerce prévoit par exemple dans le cadre de la SAS la nullité d’une cession intervenue en contradiction avec les statuts : «toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». Par ailleurs, cette harmonisation des régimes permettra sans doute un changement de type de société plus aisé, au moins pour ces points.
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Sources :
(1) : Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-13.025
(2) : https://www.hcjp.fr/fr/droit-des-societes
(3) : https://www.eversheds-sutherland.com/documents/global/france/ODA_Reforme_clauses_dagrement_SAS_Franck_Bourgeois.pdf
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