LA VENTE LIEE ET INTERNET
La vente liée et internet sont deux éléments qui vont de pair. Avec internet, les ventes liées sont beaucoup plus faciles et il sera beaucoup plus difficile pour le consommateur de manifester sa volonté de liberté. Tout d’abord, il faut savoir qu’une vente liée est une pratique commerciale qui consiste à lier la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit. Cela explique pourquoi la vente liée et internet sont souvent ensemble. Le problème avec la vente liée et internet est que cette pratique peut restreindre la concurrence.
C’est surtout le cas en matière de nouvelles technologies. La vente liée et internet impactent donc directement sur le droit de la concurrence, communautaire comme national. C’est pourquoi la vente liée, traditionnellement, était systématiquement présumée illicite en France. Sous l’influence du droit de l’Union européenne, la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a modifié l’article L122-1 du Code de la consommation pour assouplir le régime de la vente liée.
Cet article est devenu, depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, l’article 121-11 du même code. Si elle est désormais autorisée par principe, la pratique pose encore quelques questions quant à son application aux nouvelles technologies et à Internet. Microsoft a ainsi été récemment sanctionnée par la Commission européenne pour ne pas avoir respecté une première sanction relative à la vente liée d’Internet Explorer et Windows. La vente liée et internet sont source de plusieurs contentieux. C’est pourquoi ces deux éléments doivent être étudiés pour être davantage compréhensibles.
Les premiers alinéas de l’article L121-11 du Code de la consommation définissent et interdisent la vente liée selon certaines conditions : selon l’alinéa 1 « Est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, ».
Selon l’alinéa 2 « Est également interdit le fait de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1 ». En substance, la vente liée n’est interdite que lorsqu’elle constitue une pratique commerciale déloyale.
Cette dernière notion est définie par le Code de la consommation à l’article L121-1 comme une pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ».
En résumé, le fait pour un commerçant de subordonner la vente d’un produit à celle d’un autre ou à une quantité importante est interdit à la double condition qu’il soit contraire à la diligence professionnelle et qu’il modifie au moins substantiellement le comportement économique de l’acheteur.
Le Code de la consommation prévoit une application large du texte puisque même les personnes publiques sont visées par l’article L121-1. Cette remarque s’explique sans doute par le fait que le texte est issu du droit de l’Union européenne qui cherche à limiter au maximum les distinctions entre les différents acteurs d’un marché, qui sont tous des opérateurs économiques au sens du doit de l’Union européenne.
En pratique, les nouvelles technologies imposent fréquemment des ventes liées, comme dans le cas de Microsoft. En l’espèce, il était reproché au géant américain de ne pas offrir à ses usagers le choix du navigateur, qui est celui de Microsoft par défaut, pas que le choix du système d’exploitation. Microsoft s’était pourtant engagé en 2009 auprès de la Commission à proposer cette possibilité à ses clients. Cette affaire pourrait dès lors faire jurisprudence dans la mesure où cette situation est assez commune aujourd’hui pour bien des acteurs des nouvelles technologies.
Pour autant, la question se pose de savoir s’il ne s’agit pas là d’un système plus strict que celui prévu pour le commerce en général. Si la réponse est positive, un régime juridique parallèle sensiblement différent verrait le jour pour les nouvelles technologies.
C’est d’ailleurs bien ce qui est demandé par les détracteurs de la vente liée en termes de nouvelles technologies, notamment lorsqu’elle porte sur des logiciels . Ainsi, une proposition d’amendement au projet de loi relatif à la consommation a été récemment déposée et introduirait un nouvel article dans le code de la consommation. Ces évolutions à venir (I) sont le résultat de l’influence du droit de l’Union qui se ressentait déjà dans la jurisprudence (II).
I - Les évolutions possibles
Alors qu’un projet de loi sur la consommation est en cours de discussion, un amendement a été proposé pour ce projet relativement à la vente liée. Il devrait apporter un éclairage nouveau sur la pratique et Internet en précisant explicitement certains cas de figure. Le projet semble donc assez précis et devrait limiter les questions quant à son interprétation et son application.
L’amendement a d’ailleurs reçu le soutien de plusieurs associations de consommateurs qui soutiennent également le logiciel libre, pendant de la lutte contre la vente liée en termes de nouvelles technologies. L’amendement viendrait préciser, à propos si l’on en croit ces associations, l’articulation entre les ventes par lots et la vente liée (A) et impose plus généralement un principe de transparence au vendeur (B).
A - Une nouvelle articulation entre vente par lots et vente liée
L’amendement à venir ajouterait un article 113-7 dans le Code de la consommation relatif aux prix et aux conditions de vente. Il introduirait notamment une nouvelle qualification en droit de la vente par lot de matériel informatique, qui deviendrait une vente liée. Cette conception existe évidemment déjà dans la jurisprudence qui considère depuis plusieurs années déjà que la vente d’un matériel informatique déjà équipé en logiciels, notamment les logiciels d’exploitation, est effectivement une vente liée. Il fallait toutefois apporter la preuve systématiquement que les deux éléments pouvaient effectivement être distingués, afin de pouvoir qualifier la vente liée.
Si l’amendement est adopté, la vente liée en termes de technologies de l’information prendra un nouvel essor puisqu’elle sera finalement systématique.
Pour autant ne sera-t-elle pas automatiquement condamnable, la vente liée n’étant pas automatiquement sanctionnée. Il faudra toujours que « le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » soit altéré par la pratique. Les traits principaux du mécanisme ne sont pas remis en question ici, il faut surtout y voir un élargissement qui serait en même temps mieux encadré.
Avec le nouvel article introduit par l’amendement, la vente liée n’aura plus à être démontrée par le consommateur qui s’estime lésé. En revanche, pour qu’il puisse invoquer un préjudice, il devra démontrer que le vendeur ne s’est pas soumis à une obligation d’information du consommateur.
B - Un principe de transparence imposé au vendeur
Le nouvel article que propose l’amendement impose au vendeur de détailler certaines caractéristiques des produits mis en vente. Ainsi, si le matériel proposé est équipé au préalable de logiciels, le vendeur doit préciser la possibilité de les vendre séparément. Il devra également mentionner quels sont les différents éléments composant l’offre, c'est-à-dire dresser précisément la listes des éléments vendus avec le matériel.
L’article signe ainsi la fin de ventes liées par lot en termes de technologies de l’information : il deviendrait dès lors possible de trouver des ordinateurs absolument vierges de système d’exploitation ou de navigateur etc. L’article ne fait d’ailleurs pas de distinction que la vente ait lieu par Internet ou physiquement, c’est un régime général.
Cette disposition devrait avoir pour effet de rendre optionnelle la vente de ces logiciels complémentaires puisque l’affichage en dresse la liste avec leur prix individuel. En cela l’article suivrait la jurisprudence. En effet, les juges, lorsqu’ils reconnaissent l’existence d’une vente liée préjudiciable pour un consommateur, condamnent le vendeur à rembourser les sommes relatives aux logiciels imposés. La proposition d’article impose également finalement que le détail des prix apparaisse également sur la facture fournie au client.
Cette obligation de transparence s’applique ainsi largement puisqu’elle s’impose au vendeur préalablement à la vente et jusqu’à sa conclusion. La facture conservée par le client lui impose aussi de fixer ces informations sur un support durable dont le client garde possession. Par ces obligations de transparence, lourde en apparence pour les professionnels, le législateur semble entendre aussi limiter les risques pour ces derniers de voir leur responsabilité engagée trop fréquemment pour des ventes liées. En effet, la jurisprudence est fournie en la matière, notamment sous l’influence de l’Union européenne.
Finalement, l’article L113-7 qui sera introduit dans le Code de la consommation concernera la tarification des places de parking. En effet, durant les discussions parlementaires, les amendements qui concernent les ventes liées seront abandonnés.
II - Une double inspiration du droit de l’Union européenne et de la jurisprudence
En pratique, la vente liée, telle qu’elle est envisagée dans les évolutions du droit qui viennent d’être exposées, est la codification à droit constant d’une jurisprudence vieille de quelques années déjà. Elle est toutefois régulièrement réaffirmée. Elle fait elle-même application de principes issus du droit communautaire notamment en ce qui concerne les sanctions et qui devront sans doute continuer à s’appliquer avec les nouvelles dispositions du projet de loi. Ce droit qui sera donc issu de la jurisprudence (A) ne devrait logiquement continuer à faire application des principes communautaires en termes de vente liée et de vente par lots (B).
A - Un droit issu de la jurisprudence
Un cas de vente liée est répréhensible, en application de l’article 121-11 du Code de la consommation, s’il constitue une pratique commerciale déloyale. Pour la Cour de cassation, en matière de nouvelles technologies la vente par lot constitue fréquemment une vente liée sous certaines conditions.
Toutefois, les espèces concernent essentiellement la vente d’ordinateur alors même que les ventes par lots sont devenues le standard en technologies de l’information, comme pour les Smartphones par exemple. Les nouvelles dispositions sur la vente par lot amèneront d’ailleurs à des changements en termes de e-commerce, puisqu’un choix devra être réservé au client d’acheter son ordinateur équipé ou non.
En cela le projet de loi sera fidèle à toute une série d’arrêt. Celui du 12 juillet 2012 notamment, rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation, avait rejeté la qualification de pratique commerciale déloyale pour une vente liée qui proposait un ordinateur équipé ou une version du même appareil sans logiciel d’exploitation.
L’acheteur, n’ayant pas réussi à installer correctement son ordinateur, a recherché la responsabilité du constructeur. La Cour a rejeté sa demande au motif que le constructeur prévenait par avance qu’il ne pouvait garantir le succès de l’installation d’un logiciel d’exploitation libre dans la mesure où cela reste une opération délicate.
La même solution devrait trouver à s’appliquer avec les nouvelles dispositions dans la mesure où la proposition d’article impose une obligation de transparence assez large. A l’image des solutions dégagées par les juges, cette disposition est elle mêmes sous l’influence du droit communautaire. Après une certaine réticence, les ventes liées prennent finalement le chemin du droit de l’Union européenne.
B - Des principes communautaires
C’est la directive européenne 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs qui est principalement visée par la nouvelle disposition. Celle-ci prévoit un régime assez stricte en considérant que la vente forcée, ou vente liée, de logiciels par l’intermédiaire de la vente de matériel informatique est « déloyale en toutes circonstances ».
Malgré la possibilité de se décharger de leur responsabilité pour les constructeurs en précisant la difficulté technique d’installer un logiciel d’exploitation libre, comme dans l’arrêt du 12 juillet 2012, la directive rejette l’argument de l’unité fonctionnelle. Ce principe avancé par les constructeurs impose selon eux qu’un ordinateur fonctionne idéalement avec certains logiciels, ce que conteste l’Union.
La directive oriente vers des sanctions fortes de ces pratiques. En France, sous cette influence, la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit a mis en place plusieurs sanctions. Des sanctions pénales sont ainsi encourues, se cumulant avec des sanctions civiles qui comprennent la nullité du contrat et le remboursement du consommateur.
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