VERS UN CONTRAT D’ACHAT SUR INTERNET EUROPEEN

La directive n°2011/83 relative aux droits des consommateurs, adoptée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne le 25 octobre 2011, va harmoniser les règlementations en matière de contrats de vente et de service à distance. Remplaçant notamment la directive 97/7/CE relative à la protection des consommateurs en matière de contrats à distance dont la Cour de justice de l’Union européenne à revu l’interprétation récemment, elle sera transposée en France en 2014.

Les institutions européennes, toujours animées par la volonté de faciliter la circulation des marchandises et les échanges commerciaux entre les Etats membres, voit dans cette nouvelle directive l’occasion de renforcer les droits des consommateurs tout en améliorant la lisibilité de sa législation. Le préambule de la directive évoque clairement cette volonté de clarification. De plus, elle abroge deux directives, celle de 1997 déjà citée, et celle du Conseil du 20 décembre 1985 n° 85/577/CEE concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux. De fait, la directive de 2011 fonde ses dispositions sur une première distinction fondamentale entre le contrat à distance et le contrat hors établissement.

Le premier, le contrat à distance , est défini à l’article 2 relatif aux définitions comme étant « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ».

 La directive concerne évidemment les rapports entre les commerçants et les consommateurs à l’exclusion des rapports entre commerçants, qui répondent à un régime commercial très différent. Cette définition relève d’une volonté affirmée dans le préambule de recouvrir un large champ de contrats à distance, ou « e-contrat ». Ainsi, les auteurs de la directive considèrent que doivent être soumis à celle-ci les contrats qui auraient été conclus en ligne mais après l’éventuelle visite du consommateur dans l’établissement du professionnel. Le texte est d’ailleurs d’une précision très poussée en ce qui concerne les définitions ce qui laissera sans doute peu de place à l’interprétation.

Le contrat hors établissement quant à lui recoupe « tout contrat entre le professionnel et le consommateur:

a) conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel; ou

b) ayant fait l’objet d’une offre du consommateur dans les mêmes circonstances, comme indiqué au point a); ou

c) conclu dans l’établissement commercial du professionnel ou au moyen d’une technique de communication à distance immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel, en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur; ou

d) conclu pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur ».

La distinction entre les deux types de contrat importe en ce que les obligations ne sont pas les mêmes pour chacun d’eux, en dehors des obligations communes. De plus, il apparaît que certains contrats à distance échapperont aux prescriptions relatives à la catégorie s’ils font immédiatement suite à une sollicitation du consommateur en dehors de l’établissement commercial. Il convient donc d’être attentif à ces deux définitions qui emportent des conséquences en termes de régime applicable.

Elle ajoute aussi une troisième catégorie qui concerne les autres contrats, c’est-à-dire les contrats traditionnels, concluent entre personnes physiques et dans l’établissement du commerçant partie au contrat. Néanmoins cette catégorie n’est pas celle qui pose problème ici, la directive opérant sur ce point à droit constant.

Finalement, les grands traits des deux directives remplacées se retrouvent notamment en ce que d’importantes obligations reposent sur le professionnel, tout comme les droits réservés au consommateur. Il est évident que la directive constitue un gain en lisibilité mais il ne s’agit pas pour autant d’une parfaite simplification puisqu’elle se rajoute tout de même à deux autres directives mentionnées dans son préambule, en plus d’éventuelles dispositions spécifiques.

Il apparait à la lecture du texte que si les droits du consommateur sont nombreux, ils emportent par voie de conséquence d’importantes obligations pour le commerçant. L’équilibre recherché entre protection du consommateur et compétitivité dans le marché intérieur est-il réellement respecté par un texte qui comporte de telles dispositions ?

La réponse ne peut qu’être nuancée, au moins dans un premier temps, du fait que le consommateur est la partie faible au contrat à distance. Il convient alors selon le législateur européen de le protéger en conséquence afin que le marché intérieur ne devienne pas un environnement à l’issue fatale. Deux lignes directrices se dégagent à la lecture de la directive et vont dans ce sens. La directive consacre le lien entre le droit de rétractation et le devoir d’information (I) et l’érige presque en principe puisqu’elle consacre un long chapitre à ce sujet avant de détailler plus en profondeur la distinction entre la forme et le fond en fonction du contrat à distance et du contrat hors établissement (II).

 

I - La consécration du lien entre le droit de rétraction et le devoir d’information

Le droit de rétraction  bénéficie au consommateur alors que le devoir d’information, principe inhérent au droit de la consommation aujourd’hui, repose sur le commerçant. Sans grande surprise, la directive fait du droit de rétraction la principale protection du consommateur. L’importance de ce droit (A) est donc réaffirmée mais surtout repose sur le devoir d’information qui y est renforcé (B).

A - L’importance du droit de rétractation

La directive ici n’innove pas dans la mesure où le droit de rétractation du consommateur est un moteur à la législation communautaire en termes de consommation. Elle faisait déjà l’objet d’un article 6 dans la directive 97/7/CE. C’est l’article 9 de la directive de 2011 qui régit ce droit en prévoyant que « le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14 ».

Le délai court à compter du jour de la conclusion pour les pour les contrats de service. Pour les contrats de vente, le délai court à partir du jour le consommateur prend effectivement possession du bien. La directive distingue à ce sujet en fonction des contrats de vente de biens multiples ou de livraisons successives de biens : dans le premier cas le délai part à la réception du dernier bien du lot et dans le second à réception du premier bien.

De même, les contrats de fournitures d’énergie ou d’eau répondent à un délai dont le départ est fixé à la conclusion du contrat. La directive est donc beaucoup plus précise que les précédentes. Elle prévoit un maximum de cas de figure issus de la pratique notamment.

Comme nous le verrons, une obligation d’information de la part du commerçant quant au droit de rétractation doit être observée. Dans le cas contraire, le délai de rétractation est allongé à 12 mois, contre les 3 mois encore en application aujourd’hui. Si le commerçant transmet finalement les informations dans les 12 mois, le délai normal court à nouveau à compter du jour où le consommateur reçoit les informations. Le mécanisme est donc le même que celui en vigueur mais le temps dont dispose le consommateur pour se rétracter est sensiblement allongé afin de lui réserver un temps de réflexion adéquat.

En effet, les contrats à distance communautaires permettent à un consommateur de conclure une vente avec un commerçant situé dans un autre pays et qui peut être de fait physiquement éloigné. Il semble qu’il faille alors considérer que le temps de circulation des informations puisse en être lui aussi allongé. Cette interprétation peut sembler étonnante en ce qui concerne les contrats à distance dans la mesure où ils s’entendent aujourd’hui essentiellement des e-contrats.

La directive, dans la mesure où elle englobe également les contrats hors établissements, qui ne sont pas forcément dématérialisés, doit prévoir en conséquence des délais adaptés. Le choix à été fait d’harmoniser le droit de rétractation entre les deux types de contrats ce qui permet un délai allongé au bénéfice du consommateur partie au contrat à distance.

B - Un devoir d’information renforcé

En application de la directive, le droit de rétraction ne peut être correctement exercé sans une information préalable obligatoire du consommateur. Quel que soit le type de contrat, ces informations revêtent un caractère très formel garanti dans le texte. Il faudra toutefois attendre que la transposition du texte pour savoir quel régime sera appliqué en termes de sanction. C’est à l’article 6 que l’on retrouve les informations obligatoirement contenues dans les contrats concernés à distance et hors établissement et communiquées notamment sur un « support durable ».

Le texte insiste à titre préliminaire sur l’importance du caractère durable  que doit revêtir le support choisi pour la communication de ces informations. Il est défini comme « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d’une manière permettant de s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ».

La Cour de justice de l’Union européenne a déjà fait application de cette définition dans un arrêt du 5 juillet 2012, Content Services Ltd / Bundesarbeitskammer portant sur la communication des conditions générales de ventes. Le juge européen a estimé qu’un simple renvoi par lien hypertexte à une page internet contenant les conditions générales n’était pas suffisant pour garantir la bonne information du consommateur. Il aurait fallu que le consommateur puisse stocker les conditions générales de ventes et qu’elles lui soient directement présentées.

Le juge anticipe ainsi la transposition de la directive de 2011 et notamment l’article 6 en ce qu’il prévoit de nombreuses mentions obligatoires. Ainsi, « avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournira les informations […] sous une forme claire et compréhensible ».

Parmi les plus importantes, qui sont notamment reprises des précédentes directives, il faut relever les principales caractéristiques du bien ou du service ; l'identité du professionnel et son adresse géographique et du siège commercial ; son numéro de téléphone et de télécopieur et son adresse électronique ; le prix total des biens ou services toutes taxes comprises ; les modalités de paiement, de livraison et d'exécution.

Enfin, l’article dispose que plusieurs informations relatives au droit de rétractation sont à transmettre au consommateur, notamment les conditions, délais et modalité d’exercice du droit, tout comme les éventuels frais ou l’absence de frais à la charge du consommateur.

Il conviendra également de transmettre un formulaire de rétractation. La protection du consommateur est ainsi assurer par son information théorique quant à ses droits et spécifiquement quant au droit de rétractation. Il est de même informé dans le cas où le droit de rétractation n’est pas prévu par la directive, afin d’assurer un niveau d’information maximum et adapté.

 

II - Forme et fond du contrat à distance et du contrat hors établissement

En plus de l’affirmation du lien entre le droit de rétractation et l’obligation d’information, la directive détaille également les obligations de forme que respectent spécifiquement les deux types de contrats. Le formalisme est finalement assez poussé, les obligations se distinguant pour chaque contrat (A) alors qu’au fond, force est de constater une certaine disproportion entre les différents droits du consommateur (B).

A - Des obligations distinctes en fonction du type de contrat

Les articles 7 et 8 de la directive régissent ces obligations formelles. Les contrats hors établissement, soumis aux dispositions de l’article 7, n’ont que quelques obligations comme de fournir les informations de l'article 6 « sur sur papier ou, moyennant accord du consommateur, sur un autre support durable ». Des conditions de forme allégées peuvent être prévues pour certains contrats de faible montant et à l’exécution nécessairement immédiate. L’article 6 trouve toujours à s’appliquer mais seulement pour les éléments les plus importants et en respectant l’obligation d’utiliser un support durable au sens de la directive.

Concernant les contrats à distance, l’article 8 est beaucoup plus détaillé et s’étale sur pas moins de dix paragraphes. Le septième fait écho à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la détermination du support durable, notamment en ce qu’il doit porter la confirmation des informations de l’article 6 à l’issue de la conclusion du contrat.

En effet, le commerçant doit confirmer les informations fournies, autrement dit ses conditions générales de ventes ou d’utilisation, par l’intermédiaire d’un support durable ou d’une version papier. Le préambule de la directive est claire sur l’intention des institutions européennes : « le support durable devrait permettre au consommateur de stocker les informations aussi longtemps que cela lui est nécessaire pour protéger ses intérêts découlant de sa relation avec le professionnel. Au nombre des supports durables devraient figurer, en particulier, le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d’ordinateur ainsi que les courriels ».

Le reste de l’article vise à prévoir le maximum de cas de figure. La lisibilité du langage est garantie, afin qu’il n’y ait pas d’ambigüité au moment de la réception des informations par le consommateur. Car ces informations lui permettent en pratique de connaître ses droits, d’où l’importance de leur lisibilité. De même, l’article 8 façonne ses dispositions en fonction du type de relation : contrat par voie électronique, dont dépend le commerce en ligne, par téléphone ou encore les contrats n’imposant pas des volumes déterminés.

Dès le préambule, les rédacteurs du texte affirment travailler au regard de la pratique, des expériences menées jusqu’ici, notamment jurisprudentielles. Il en résulte un texte effectivement empirique. Malgré le souci de précision qui se retrouve tout au long des articles, il est possible que cet aspect en fasse un outil relativement adapté.

B - La disproportion des différents droits du consommateur

La suite de la directive prévoit différents droits assurés au consommateur et qui constituent le fond des contrats qu’elle concerne. La distinction est abandonnée, ces droits s’appliquant à tous les contrats soumis à la directive. Il apparait dès la première lecture un certain déséquilibre entre les droits qui sont finalement énoncés par la directive par rapport au droit de rétractation qui fait l’objet de huit articles détaillant tout son régime.

Le chapitre IV « autres droits des consommateurs » ne comporte que six articles consacrés à différents droits mais beaucoup moins détaillés sur leurs modalités d’application. Pour la livraison par exemple, la directive dispose qu’elle doit intervenir « au plus tard trente jours après la conclusion du contrat ». Le but ici est essentiellement l’harmonisation des droits des Etats membres.

Sont également encadrés les frais liés au moyen de paiement, avec l’interdiction faites aux commerçants d’avoir une marge sur les frais supportés par le consommateur, les risques liés au transport des marchandises, qui sont transférés in extremis au consommateur, ou encore le prix des communications téléphoniques.

Finalement, le chapitre IV prévoit également un cadre en cas de paiements supplémentaires. Dans tous ces cas, la directive abandonne les distinctions opérées préalablement pour le droit de rétraction ou pour les obligations pesant sur le commerçant. Il s’agit là de dispositions impératives beaucoup plus générales.

Finalement, la directive comporte quelques interdictions, notamment sur les frais. L’article 27 de la directive en prévoit une dernière quant à la vente forcée, qu’elle interdit purement et simplement. Même au cas où l’exécution aurait commencé malgré l’absence de consentement du consommateur, et même en cas de silence, ce dernier n’est pas pour autant engagé. Classiquement, « l’absence de réponse du consommateur dans un tel cas de fourniture ou de prestation non demandée ne vaut pas consentement ».

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Sources :

- La directive n°2011/83 relative aux droits des consommateurs : http://eur-lex.europa.eu
- Transposition en 2013 de la Directive sur les droits des consommateurs : http://www.net-iris.fr

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