CONSTAT D'HUISSIER SUR INTERNET
/ Mai 2022 /
Le constat d’huissier est un mode de preuve qui peut être utilisé par les particuliers à tout moment et dans de nombreuses situations. Le constat d’huissier sur internet est alors possible, car des litiges peuvent naître en ligne et des preuves devront être rapportées. Le constat d’huissier sur internet permettra de répondre à la définition du constat d’huissier qui permet à l’huissier de former la preuve à tout moment, car en ligne, rien ne ferme.
Le constat d’huissier sur internet, comme tout constat d’huissier, permet, également, d’avoir des éléments matériels permettant d’établir la vérité sur une situation donnée. Il faut garder à l’esprit que, avec internet, les preuves peuvent disparaître très rapidement.
Le constat d’huissier sur internet présente donc une importance particulière à ce niveau. Bien évidemment, les constatations de l’huissier pourront être utilisées lors d’un litige. Notons que, internet, milieu dématérialisé par excellence a posé de nouveaux problèmes en matière d’administration de la preuve à la fois d’un point de vue technique et juridique. Il faudra donc explorer les différentes implications du constat d’huissier sur internet ainsi que la manière dont celui-ci se réalise
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Internet, milieu dématérialisé par excellence a posé de nouveaux problèmes en matière d’administration de la preuve à la fois d’un point de vue technique et juridique.
I. Point de vue technique :
Les données qui y circulent sont disponibles dans le monde entier sans interruption. Ceci peut présenter de nombreux avantages pour l’huissier qui, depuis son étude peut procéder à toutes les opérations d’investigation nécessaires et copier toutes les données litigieuses mais requiert toutefois le respect de certaines conditions techniques.
Ainsi, les juges ont admis à plusieurs reprises la régularité de tels constats et l’absence de toute saisine préalable du juge des requêtes dans la mesure où il n’y a pas de pénétration dans le domicile d’un individu (TGI Paris, 14 août 1996, TGI Paris, 5 mai 1997, TGI Paris 10 juin 1997).
En outre, dans un arrêt du 25 octobre 2006, la Cour d’appel de Paris a considéré que le constat ne permet à l’huissier que de capturer des pages d’écran et non d’effectuer des copies ou d’ « aspirer » un site internet sous peine de commettre une contrefaçon descriptive.
Par un arrêt du 17 novembre 2006, la même Cour a refusé d’accorder toute valeur probante à un constat d’huissier réalisé à partir de captures d’écran. En effet, dans cette affaire opposant les sociétés Net Ultra et AOL France, « il n’était pas fait mention de l’adresse IP du matériel ayant servi au constat, les cookies n’avaient pas été supprimés et la mémoire cache n’avait pas été vidée, au moment du constat ».
Ceci ne permettait pas par conséquent d’établir avec certitude que les pages consultées étaient effectivement en ligne au moment où le constat a été dressé. De ce fait, le constat d’huissier n’était pas nul, mais n’avait pas non plus de valeur probante. De la même manière, dans son jugement du 7 février 2007, le tribunal de grande instance de Mulhouse a considéré que le manque de rigueur d’établissement du procès verbal de constat lui enlevait toute force probante et a débouté la société requérante de son action en contrefaçon et parasitisme.
Toutefois, par un jugement du 2 avril 2009, la troisième chambre du TGI de Paris a confirmé la validité d’un constat en l’absence d’impression des pages constatées. Elle a donc rejeté la demande d’annulation des constatations effectuées par un agent de l’APP et s’est fondée sur ces dernières pour condamner le défendeur pour contrefaçon de marque.
Les juges ont rappelé qu’en matière de contrefaçon de marque, la preuve est libre. Le demandeur pouvait donc faire appel à l’Agence pour la protection des programmes afin de constater une éventuelle atteinte à ses droits.
Or, l’agent qui a effectué ces constatations avait réalisé des captures d’écran étendues de chaque page consultée. Elles ne se limitaient donc pas à la partie des pages visible sur l’écran mais à l’intégralité de chacune d’entre elles, ce qui rendait inutile leur impression. Les juges ont donc implicitement reconnu la force probante des captures d’écran dès lors qu’elles permettent de visualiser l’intégralité de la page constatée.
Par ailleurs, un arrêt du TGI de Paris a admis que l’huissier requis à la demande d’un particulier est habilité à procéder à la description d’un site Internet faisant la publicité ou proposant la vente d’un produit argué de contrefaçon, puis à annexer à son procès-verbal de constat les impressions d’écran des pages visitées (TGI Paris, 28 avr. 2011, n° 10/04986). Cette décision a été ensuite confirmée par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 20 mars 2013, n° 11/1399). En ce sens, la cour d’appel de Paris a admis la validité d’un constat d’huissier de justice établi à partir du site Internet d’archivage web "archives.org" qui permet de retrouver certains contenus numériques effacés (CA Paris, 5 juill. 2019, n° 17/03974).
Mais il convient tout de même de rester prudent, de manière à ce qu’un constat d’huissier soit pleinement valable. Pour cela, le matériel à partir duquel il procède doit être le plus « neutre possible ». Autrement dit, il ne doit aucunement interférer dans la consultation du site tel qu’il est exactement au moment du constat. Ceci revient à dire qu’il est indispensable que :
- l’appareil à partir duquel l’huissier procède au constat soit identifié de même l’adresse IP, de façon à pouvoir la recouper avec les données de connexions fournies par l’hébergeur du site litigieux,
- que tous les cookies aient été supprimés de l’ordinateur de manière à ne pas influer sur la navigation de l’huissier sur le site. Il faut s’assurer également que les fichiers temporaires ainsi que l’historique de navigation ont été vidés préalablement à l’ensemble des constatations,
- que la mémoire cache ait été vidée, pour s’assurer que le site visualisé par l’huissier apparaît bien dans sa version la plus récente, ce qui est nécessaire pour garantir la date et l’heure du constat.
- il faut s’assurer que le constatant a lancé ses recherches depuis une page vierge de son logiciel de navigation,
- qu’il a bien synchronisé l’horloge interne de son poste avec le serveur de temps Internet.
Ces conditions sont présentes dans la norme AFNOR Z67 – 147, en septembre 2010, qui est venue détailler les conditions de validité des constats d’huissier sur Internet en précisant qu’il faut impérativement une absence de proxy et vidage du dossier cache du navigateur. À l’issue, un procès-verbal de constat sera rendu par l’Huissier de justice.
Il convient, toutefois, de préciser que la norme AFNOR ne présente aucun caractère obligatoire. En réalité, l’essentiel est que la méthodologie que l’huissier a adoptée garantisse la fiabilité et l’exactitude de ses constatations.
Dans une décision, en date de 2019, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’appel, qui invalidait la fiabilité et la force probante d’un constat effectué sur internet.
En l’espèce, la haute juridiction avait précisé selon l’appréciation souveraine des juges: "...que les constats d’huissier de justice sur internet doivent répondre à un certain nombre de règles techniques destinées à garantir la fiabilité du constat et à lui assurer sa force probatoire ; qu’il ne suffit pas en effet de constater ce qu’affiche le moniteur ou ce qu’il produit comme sons ; qu’il faut être certain qu’aucun ordinateur ne vient troubler la perception du site internet sur lequel porte le constat ; que lorsque l’huissier constate le contenu d’un site internet, qu’il s’agisse de textes, images, de sons ou de vidéos, il doit respecter un certain nombre d’impératifs techniques : description précise du matériel utilisé, mention de l’adresse IP de la connexion, désactivation de la connexion sans serveur proxy, suppression de l’ensemble des fichiers temporaires stockés sur l’ordinateur ; que ces précautions sont destinées à garantir la fiabilité de son constat ; qu’elles permettent de s’assurer que la connexion s’est établie directement entre l’ordinateur de l’huissier et le site visité et qu’aucun ordinateur ayant pu stocker temporairement des images, n’est venu troubler sa vision ..." (1).
Ces précautions ne sont pas très lourdes à mettre en œuvre, la prudence peut donc être source de sécurité, malgré ce revirement de jurisprudence, encore timide cependant.
Le 9 octobre 2015, elle a aussi considéré que si l’officier ministériel avait dissimulé son identité en se connectant aux sites par le biais du compte de la société pour établir le constat d’huissier ce dernier devait être jugé irrecevable.
En l’espèce la société éditrice du site « onvasortir.com » avait initié une action en justice contre la société éditrice du site « dailyfriends.com ». Elle avait engagé cette procédure, car elle l’accusait de parasitisme pour avoir copié le plan, la structure, les fonctionnalités, l’agencement des rubriques et le contenu de son site. En revanche la cour a jugé que les copies écran des sites contestés mises à la disposition du juge par la requérante étaient valables dans la mesure où elles étaient « parfaitement nettes et datées ». Dans cette décision c’est sur la base de ces documents que le juge s’est appuyé pour trancher le litige.
Des limites ont aussi été fixées quant aux possibilités accordées à l’huissier pour établir un constat. En matière de contrefaçon par exemple la question de savoir si l’officier pouvait passer une commande sur internet pour savoir si le produit commandé était une contrefaçon.
Certains arrêts ont estimé dans un premier temps que cela était possible, mais des jurisprudences plus récentes n’ont pas autorisé l’huissier à effectuer ce genre de démarche. Il a été jugé que l’huissier avait participé activement à l’infraction par l’ouverture d’un compte client et l’acquisition du bien. De ce fait il avait dépassé ses pouvoirs qui doivent se limiter strictement à de simples constatations.(2).
Pour acheter un produit sur internet, l’huissier doit suivre les mêmes consignes qu'en matière de constat d’achat dans un magasin physique. Il doit donc divulguer de manière claire et visible son identité et sa qualité. Une fois ces formalités respectées il pourra procéder à l’acte d’achat.
Les constats encourent également la nullité s’ils sont accomplis dans la clandestinité, ce qui est le cas d’une transcription de l’enregistrement d’un entretien téléphonique réalisé à l’insu de la partie (3), ou de son écoute par l’intermédiaire du haut-parleur du téléphone, également à l’insu de la partie écoutée (4).
Ces précautions ne sont pas très lourdes à mettre en œuvre, mais seule leur garantie permet au constat d’acquérir une valeur probatoire suffisante aux yeux du juge.
II. Point de vue juridique :
Le constat d’huissier, que ce soit sur internet ou pas, est un acte authentique, et en vertu de l’article 1369 du Code civil: "l’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat".
Le problème posé par ce type de constat est qu’il peut à bien des égards être critiqué sur le terrain de la loyauté de la preuve. En effet, les juges veillent scrupuleusement à ce qu’une partie ne se ménage pas un avantage probatoire par la surprise, l’incorrection ou la fraude, et ce en vertu du principe du contradictoire.
Or, lorsque l’huissier s’introduit sur le site d’une entreprise, il le fait à la manière de n’importe quel internaute sans s’identifier spécifiquement. S’il le faisait, cela supprimerait tout effet de surprise et l’éditeur du site aurait la possibilité de retirer toutes les données litigieuses et par conséquent de rendre toute preuve impossible....
Il est donc nécessaire de trouver un juste équilibre entre l’effet de surprise et la loyauté de la preuve. Il est possible d’avancer qu’un mail envoyé juste après le constat et précisant les modalités de celui-ci et son contenu suffise à garantir cette loyauté, dans la mesure où le titulaire du site sait ce qui se trouve en ligne à un moment donné. Il ne sera donc pas surpris par le contenu du constat et aura eu la possibilité de préparer sa défense de la manière que face à une preuve classique.
La copie écran peut également avoir un intérêt dans un litige comme cela a été vu précédemment. Cependant il faut préciser la force probante inférieure de ces documents par rapport au constat d’huissier. Mais elle peut être d’une certaine utilité en étant utilisée dans une procédure en complément du constat d’huissier.
Elle ajoutera un élément de preuve supplémentaire. Elle peut également s’avérer essentielle pour la partie qui l’invoque au procès si jamais la recevabilité du constat d’huissier est rejetée. Elle offre ainsi une alternative de secours lors d’une action en justice.
Mais il convient quand même de dire qu’à l’heure actuelle le constat d’huissiers de justice sur internet est la preuve disposant de la force probante la plus élevée devant toutes les juridictions françaises. C’est un instrument incontournable en matière de preuve judiciaire. Et d’ailleurs, c’est la raison pour laquelle que dans le cadre d’un contentieux né sur internet et dans lequel le demandeur dispose d’un constat d’huissier, les avocats de la partie adverse font tout le nécessaire pour faire annuler le constat.
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SOURCES:
1.https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038069823/
2.https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028759799
3.https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018074921
4.https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019970634/