CLAUSES ABUSIVES DES CONTRATS INFORMATIQUES

Dans les contrats papiers nous trouvons et décelons des clauses abusives. Ce phénomène se retrouve bien évidemment dans les contrats informatiques où l’on trouve plusieurs clauses abusives. On parle alors de clauses abusives des contrats informatiques. Cela est dû au fait que l’informatique occupe aujourd’hui une place centrale dans la vie quotidienne, ainsi beaucoup de contrats informatiques se signent chaque jour.

Cependant, ces contrats contiennent souvent des clauses abusives, or un professionnel de l’informatique ne doit pas imposer de telles clauses au consommateur ou au non professionnel. C’est alors l’application de la théorie des clauses abusives qui va permettre de protéger le consommateur ou le non professionnel.

Le 2 juin 2004, AOL était condamné par le Tribunal de Grande Instance de Versailles pour « clauses abusives et illicites ». Sur 36 clauses, 21 ont été déclarées nulles !

Cette décision est une illustration d’un phénomène omniprésent dans tous les contrats et notamment les contrats informatiques : les clauses abusives. Ces contrats informatiques sont très spécifiques, techniques et souvent obscurs pour le consommateur et le non professionnel de l’informatique. Ils contiennent souvent des clauses abusives prohibées par la loi.

Les professionnels ont donc souvent recours aux clauses abusives des contrats informatiques.

Un professionnel de l’informatique ne doit pas imposer des clauses aux consommateurs ou aux non professionnels : l’équilibre contractuel ne doit pas être rompu. L’application de la théorie des clauses abusives va permettre aux non professionnels ou aux consommateurs d’être protégés, de faire valoir leurs droits vis-à-vis des professionnels qui imposent ces clauses illicites.

Le fléau des clauses abusives des contrats informatiques doit être activement combattu.

Face à un contrat informatique (contrats d’accès à Internet, de création de logiciel, de fourniture de matériels informatiques, etc.), il est nécessaire de :

* déterminer si la théorie des clauses abusives trouve à s’appliquer (1),
* et si tel est le cas, sanctionner lesdites clauses déclarées et jugées abusives (2).

I.  La détermination des clauses abusives dans les contrats informatiques

L’article L212-1 du Code de la consommation modifié par ordonnance du 10 février 2016 énonce que « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Selon la loi, pour qu’une clause soit abusive, il faut :

A) Un contrat entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur

Le professionnel est la personne physique ou morale qui contracte dans l’exercice d’une activité professionnelle.

Il apparaît évident que le fournisseur d’accès à Internet, l’hébergeur, le créateur de logiciel ou encore le fournisseur de matériel informatique est un professionnel.

Mais quant est-il de l’autre partie ? S’agit-il d’un consommateur/non professionnel ou d’un professionnel ? L’enjeu est important car si le cocontractant est un professionnel, la théorie des clauses abusives ne trouvera pas à s’appliquer !

Un consommateur est un profane qui n’a aucune expérience professionnelle dans le domaine où il contracte (CA Paris, 3 juillet 1998). Il conclut ce contrat de biens de consommation ou de services pour son usage personnel. Un non professionnel est un professionnel qui conclu un contrat dans le cadre de son activité professionnelle, en dehors de sa sphère de compétence et sans rapport direct avec son activité professionnelle.

Depuis la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, dite « Loi Hamon »,  un article préliminaire inséré dans le Code de la consommation donne une définition du terme « consommateur ». Il s’agit de : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

Le particulier qui contracte, par exemple, un abonnement à Internet, un hébergement de sites Web pour son usage personnel est sans nul doute considéré comme étant un consommateur. Concernant l’entreprise qui désire s’informatiser, se connecter à Internet pour les besoins de son activité, est-elle considéré comme étant un non professionnel ou un professionnel ? La réponse est plus délicate.

Dans un arrêt du 24 janvier 1995, la première chambre civile de la Cour de cassation a énoncé qu’une personne ne peut se prévaloir de la législation des clauses abusives dès lors que le contrat qu’elle conclut a un rapport direct avec son activité professionnelle.

Dans un arrêt du 14 mars 2000 relatif à l’acquisition d’un progiciel, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précise que l’article L132-1 du Code de la consommation ancien ne s’applique pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnel exercée par le cocontractant. Il semblerait donc que si la personne physique ou morale conclut un contrat informatique à des fins professionnelles, la théorie des clauses abusives ne s’applique pas.

Mais, la doctrine est venue ajouter que cette personne physique ou morale peut être considérée comme étant un non professionnel lorsqu’elle contracte hors de sa sphère de compétence et que le contrat (informatique) n’est pas destiné pas à l’acquisition d’un bien ou d’un service destiné à la réalisation de son activité professionnelle.

On peut donc conclure qu’une personne morale qui vend, par exemple, des vêtements et qui décide de se doter d’un logiciel pour gérer ses comptes, ses clients, ses commandes pourra être considérée comme un non professionnel. Il bénéficiera alors de la protection instituée par la théorie des clauses abusives.

Dans un arrêt du 15 mai 2001, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rapproché le statut du professionnel non spécialiste en informatique du statut de non professionnel. Ce non professionnel a donc pu bénéficier de la théorie des clauses abusives. Cet arrêt a été commenté par Xavier Furst qui écrivait, à juste titre, que « cette solution paraît équitable : un professionnel quel qu’il soit, ne l’est finalement que dans sa spécialité ».

Depuis la loi dite « Hamon », sera considéré comme un non-professionnel « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » (C. consom. art. liminaire).


B) Un déséquilibre contractuel significatif

Pour que la théorie des clauses abusives s’applique, il est nécessaire que ladite clause provoque un déséquilibre contractuel significatif. Avant la loi du 1er février 1995, la clause était jugée abusive lorsqu’elle procurait un avantage excessif au professionnel qui abusait de sa puissance économique.

Les deux critères (abus de puissance économique et avantage excessif) étaient liés et cumulatifs. Avec l’entrée en vigueur de la loi du 1er février 1995 transposant la directive européenne du 5 avril 1993, on ne parle plus que de déséquilibre significatif. Il s’agit de la situation dans laquelle la partie forte au contrat impose sa volonté à l’autre partie. La partie faible ne peut alors qu’accepter les conditions au contrat ou ne pas contracter.

Il n’existe dans ce cas aucune négociation. Le professionnel, notamment en informatique, est en position dominante. En effet, le consommateur ou non professionnel ne connaît pas aussi bien l’informatique que lui et conclut un contrat dont les clauses sont abusives.

La matière étant obscure, le profane ne sait pas forcément qu’il se trouve en présence d’une clause jugée abusive. Il est donc nécessaire d’être très vigilant lorsque l’on contracte en matière, notamment, informatique. Le pouvoir législatif, le pouvoir réglementaire ou encore la Commission des clauses abusives dressent des listes de clauses abusives.

Ces listes permettent de déterminer si telle ou telle clause présente dans un contrat est abusive ou non. Mais ces listes ne sont pas exhaustives, les situations litigieuses étant extrêmement variées. Les clauses abusives concernent toutes les étapes du contrat : de la formation à la rupture du contrat.

Par exemple, est abusive, au regard de la loi :

Par ailleurs, la Commission des clauses abusives joue un rôle primordial en la matière. Créée par la loi du 10 janvier 1978, elle a pour mission d’étudier les modèles de conventions proposés généralement par les professionnels aux consommateurs ou non professionnels. Elle recense ainsi les clauses abusives.

Elle émet régulièrement des recommandations qui influencent le Parlement mais aussi les professionnels qui peuvent s’en inspirer pour établir leur contrat en conformité avec la loi. Le 28 août 1995, une recommandation relative aux contrats par les éditeurs ou distributeurs de logiciels ou progiciels destinés à l’utilisation sur micro-ordinateurs a été émise.

La Commission met l’accent sur le fait que les contrats relatifs à l’utilisation de logiciels intéressent désormais un large public. La recommandation indique que les clauses doivent être lisibles(taille minimale de caractère exigée), la suppression des clauses illégales d’exonération totale de la garantie des vices cachés et sur l’interdiction au consommateur ou non professionnel de demander des dommages et intérêts en cas de retard dans la livraison. Le 27 juillet 1999, la Commission des clauses abusives est également intervenue en matière de téléphonie.

Elle a relevé 37 clauses abusives dans lesdits contrats qui concernaient la formation et durée du contrat, l’exécution du contrat, les fournitures des services et les responsabilités ainsi que les paiements et la fin du contrat. Le 31 janvier 2003, elle est intervenue en matière de contrats de fourniture d’accès à l’Internet.

La Commission a relevé des clauses abusives dans ces contrats types d’accès gratuit, payant et câblé à Internet.

Il faut donc être vigilant lorsqu’il s’agit de signer ces contrats car il peuvent regorger de clauses abusives de contrats informatiques.

II. La sanction des clauses abusives dans les contrats informatiques

A) Une sanction par le juge

La Commission des clauses abusives émet des recommandations mais elles ne sont pas coercitives : les professionnels ne sont pas obligés d’en tenir compte. Par ailleurs, le pouvoir réglementaire peut effectuer un contrôle administratif des clauses abusives ; il les interdit pour l’avenir.

Mais c’est surtout le juge qui est saisi et qui sanctionne ces clauses illicites. La Commission peut saisir le juge : ceci n’arrive que très rarement. Par contre, les consommateurs et surtout les associations de consommateurs, en vertu de la loi du 5 janvier 1988, saisissent régulièrement le juge pour que soient sanctionnées les clauses abusives.

Les affaires relatives aux clauses abusives dans les contrats informatiques sont nombreuses : UFC Que Choisir, après avoir tenté un accord amiable avec les fournisseurs d’accès à Internet : Free, Neuf Telecom, Tiscali et Wanadoo, a agi en justice.

L’association de consommateur a dénoncé, en effet, les clauses abusives qui figurent dans les contrats d’abonnement à Internet. Le dernier FAI à avoir été condamné à l’initiative de UFC Que Choisir est SFR. En effet, SFR a été condamné pour 22 clauses abusives et/ou illicites par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 17 mai 2016. Au départ, le juge était obligé de se référer aux décrets pour déclarer une clause abusive. Or, un seul décret a été pris.

La Cour de cassation a admis que le juge puisse déclarer une clause abusive en l’absence de tout décret (Civ.1ère, 6 décembre 1989). Pour apprécier, le juge se réfère à la loi, aux recommandations de la Commission des clauses abusives et au décret du 24 mars 1978. De plus, une clause qui ne fait pas partie de ces différentes listes peut désormais être déclarée abusive par le juge.

La partie qui se prévaut de cette clause abusive devra alors démontrer le déséquilibre excessif. Le juge apprécie souverainement les circonstances qui entourent la conclusion du contrat, s’il est en présence de deux professionnels ou d’un professionnel et d’un non professionnel ou consommateur. Les Tribunaux sont très sévères en matière de clauses abusives.

L’arrêt du 2 juin 2004 qui a condamné AOL en est un bon exemple. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre est allé très loin dans son appréciation : il a, en effet, déclaré que AOL ne pouvait renoncer à garantir l’exécution de son service de fourniture d’accès à Internet dans la mesure où il était tenu d’une obligation de résultat consistant à fournir à ses abonnés un accès à Internet.

B) Une clause abusive déclarée nulle

La clause déclarée abusive est réputée non écrite : elle est nulle. Seule la clause ne sera pas opposable, le reste du contrat reste valable. Toutefois, il est possible qu’une clause entraîne la nullité de tout le contrat s’il est démontré que cette clause est essentielle audit contrat : le contrat ne saurait exister sans elle.

Il est à noter que la clause abusive sera nulle qu’à l’égard des parties contractantes. Le professionnel ne pourra plus sans prévaloir vis-à-vis de ces parties. La plupart du temps, les professionnels se limitent à ne plus appliquer la clause litigieuse pour le non professionnel ou le consommateur qui a agi en justice ; mais la clause abusive n’est pas pour autant ôtée des autres contrats similaires.

Pour éradiquer les clauses abusives dans les contrats (informatiques), les associations de consommateurs agissent ensemble pour que soient annulées et ôtées les clauses abusives dans tous les contrats concernés. Les clauses abusives dans les contrats informatiques doivent être éradiquées pour rétablir l’équilibre contractuel. Elles n’ont pas fini de faire parler d’elles !

La loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services audiovisuels (LCE) a créé un nouvel article L121-84 du Code de la consommation qui permet aux professionnels, après notification faite aux consommateurs, de modifier unilatéralement les conditions contractuelles de fourniture de service de communications électroniques.

Ce nouvel article allait à l’encontre de la recommandation de 2003 de la Commission des clauses abusives qui estime qu’une telle situation peut provoquer un déséquilibre significatif entre les parties. Ce nouvel article risque très bientôt de faire parler de lui.

Cet article est devenu l’Article L224-33 depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 et celui-ci dispose que : « Tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d'un service de communications électroniques est communiqué par le prestataire au consommateur par écrit ou sur un autre support durable à la disposition de ce dernier au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l'information selon laquelle ce dernier peut, tant qu'il n'a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l'entrée en vigueur de la modification.


Pour les contrats à durée déterminée ne comportant pas de clause déterminant précisément les hypothèses pouvant entraîner une modification contractuelle ou de clause portant sur la modification du prix, le consommateur peut exiger l'application des conditions initiales jusqu'au terme de la durée contractuelle. »

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