MAINTIEN D'UN CONTRAT ROMPU

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/ Octobre 2020/

Afin de prévenir un dommage imminent, le juge des référés peut obliger une partie à un contrat à maintenir les relations contractuelles qu’elle a interrompues de façon brutale et de manière possiblement illicite.

La société Canal + a lancé un appel d’offres pour sélectionner le fournisseur de son futur décodeur ultra-haute définition. Elle a, à cet effet, retenu l’offre d’une société avec laquelle elle signe une lettre d’intention fin 2016.

En 2017, un fournisseur a accepté et livré plusieurs commandes émises par cette société, avant de notifier à Canal + la résiliation de leur relation contractuelle. En effet, il affirme être confronté à une hausse significative du coût des puces mémoires nécessaires à la fabrication des décodeurs et à des difficultés de réalisation des commandes compte tenu du refus de Canal + de renégocier les prix.

La société Canal + invoque alors le dommage imminent qui proviendrait de la remise en cause par le fournisseur de ses engagements à l’approche du lancement du décodeur. Elle demande en référé une injonction au fournisseur de livrer les commandes passées et à venir, sous astreinte, jusqu’au prononcé de la décision au fond.


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La cour d’appel de Versailles a fait droit à sa demande et a ordonné, à titre de mesure conservatoire, le maintien de cette relation.

Le fournisseur a alors contesté la décision, soutenant notamment que le caractère illicite du dommage imminent invoqué n’était pas caractérisé.

La Cour de cassation, par un arrêt du 24 juin 2020, a rejeté le pourvoi (1).

En effet, pour elle, c’est à bon droit que la cour d’appel, relevant qu’il existait une possible illicéité du comportement du fournisseur à l’origine du dommage invoqué, pour avoir résilié, unilatéralement et brutalement, sa relation contractuelle avec la société Canal+, a ordonné, à titre de mesure conservatoire et dans les conditions qu’elle a définies, le maintien de cette relation.

 

I) Le juge des référés peut ordonner le maintien d’un contrat rompu brutalement par une partie

Le juge des référés est un juge du provisoire, mais qui peut intervenir en presque toute matière et de façon souple et efficace. Il dispose de trois fonctions :

- préparatoire, afin de réunir ou constituer des preuves ;

- conservatoire, afin d’éviter la disparition d’une situation avant l’intervention des juges du fond ;

- d’anticipation, qui lui permet de prendre des mesures ayant pratiquement les effets et la vigueur d’un jugement au fond, que ce soit pour mettre fin à un trouble manifestement illicite, ordonner le paiement d’une provision ou ordonner une mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Une mesure d’anticipation ne peut cependant être prise qu’à condition que l’évidence manifeste de l’obligation soit constatée.

A) Contestation sérieuse

La contestation sérieuse est celle qui existe lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait être rendue au fond. Elle suppose une appréciation contradictoire de l’évidence des droits et arguments des parties (sur l’absence de contestation sérieuse) (2).

Lorsqu’aucune contestation sérieuse n’existe, les pouvoirs du juge des référés sont plus étendus.

Sur le fondement de l’article 834 du Code de Procédure civile, on pourrait penser que l’absence de contestation sérieuse n’est plus une véritable condition, puisque, qu’elle existe ou non, le référé est toujours envisageable (absence de contestation sérieuse, d’une part, existence d’un différend, d’autre part), si ce n’était la nature différente des mesures pouvant être ordonnées sur chacune des deux branches de l’alternative (mesure d’anticipation en l’absence de contestation sérieuse et conservatoire en présence d’une telle contestation sérieuse, lorsqu’existe un différend) et l’analyse différente à laquelle le juge doit se livrer dans l’un ou l’autre cas.

L’article 835, alinéa 1er, du Code de Procédure civile précise que le juge des référés peut intervenir « même en présence d’une contestation sérieuse ». Cette formule est cependant trompeuse, dès lors qu’en cas de contestation sérieuse sur l’existence, le caractère illicite du trouble ou sur l’existence du dommage imminent, elle fera obstacle à ce que le juge des référés puisse prendre des mesures d’anticipation préjugeant du fond (3). En cas de contestation sérieuse, le trouble n’est à l’évidence pas « manifestement » illicite. Le juge ne peut alors prendre que des mesures d’attente ou préparatoires.

S’agissant de l’article 835, alinéa 2, du Code Procédure civile, l’absence de contestation sérieuse sur le principe de l’obligation est la seule condition de l’octroi d’une provision ou d’une injonction (4). Cette exigence a aussi été affirmée pour les provisions ad litem (5).

En outre, le montant de la provision accordée ne peut pas excéder le montant non sérieusement contestable de l’obligation (6). Ainsi, la cour d’appel, qui pour accorder une provision en référé a dû interpréter les clauses des contrats, a tranché une contestation sérieuse et violé les dispositions de l’article 835 du Code de Procédure civile (7).

B) Dommage imminent

Le dommage imminent s’entend lui du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer ». Aucune référence n’est certes faite par le texte au caractère licite ou non du fait critiqué. Cependant, un dommage n’est subi que par la méconnaissance d’un droit. Un dommage n’est, en effet, pas susceptible d’être prévenu en référé s’il est légitime et légal.

Constitue un dommage imminent la perte de l’emploi par l’effet de la survenance du terme, durant la procédure, du contrat à durée déterminée toujours en cours au moment où le juge des référés statue, ce dommage étant de nature à priver d’effectivité le droit pour le salarié de demander la requalification d’un contrat à durée déterminée irrégulier en contrat à durée indéterminée afin d’obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec son employeur (8).

C) Trouble manifestement illicite

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme : « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 3 : Sirey, 1991, n° 1289).

Il procède de la méconnaissance d’un droit, d’un titre ou corrélativement d’une interdiction les protégeant (9) : « la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite (10), sans qu’il ait à présenter une gravité exceptionnelle (11). Une personne ne peut invoquer un tel trouble au titre d’un droit dont elle n’est pas titulaire (12). Le caractère manifeste devait s’apprécier au seul regard de l’illicéité du trouble invoqué (13).

Sont constitutifs d’un trouble manifestement illicite les faits d’usurpation d’identité, conformément à l’article 226-4-1 du Code pénal, lorsqu’un individu crée un site dont le nom de domaine consistait à reprendre les nom et prénom d’une personne aux fins de vengeance contre son ascendant (TGI Paris, ord. réf., 12 août 2016 : Comm. com. électr. 2016, comm. 105, E. Caprioli) ou un trouble anormal de voisinage, la méconnaissance des droits d’un indivisaire (14).

 

II) Sanction infligée au cocontractant du groupe Canal+

A) Illicéité du comportement du fournisseur à l’origine du dommage

La Cour de cassation a donné raison à la Cour d’appel qui précisa que le comportement du fournisseur à l’origine du dommage était illicite.

Même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (Code de Procédure civile art. 873, al. 1 pour un référé commercial ; art. 835, al. 1 pour un référé civil).

Ainsi, le juge des référés peut décider, eu égard à l’imminence et à la gravité du dommage, d’accueillir une demande tendant à la condamnation sous astreinte d’une société à reprendre immédiatement ses relations commerciales avec le demandeur et à en aviser les clients de ce dernier, cette demande étant fondée sur le préjudice immédiat résultant de la rupture par la société des relations contractuelles (15).

Encore faut-il que le trouble soit manifestement illicite et résulte d’agissements en eux-mêmes illicites ; tel n’est pas le cas lorsque le contrat a été régulièrement résilié (16). Au cas particulier, la rupture des relations contractuelles était unilatérale et brutale, de sorte qu’il existait une « possible illicéité » du comportement de l’auteur de la rupture.

La mesure ordonnée par le juge doit être par ailleurs bien circonscrite. Le juge des référés excède ses pouvoirs lorsqu’il ordonne une mesure sans lui assigner un terme certain (17). Au cas particulier, si aucun terme explicite n’avait été prévu dans la mesure d’instruction, celle-ci portait sur un volume de commandes bien défini et à un prix également déterminé.

B) Maintien du lien contractuel

Le juge peut exiger du débiteur l’exécution de l’obligation. S’il s’agit d’une obligation de donner, le juge peut contraindre le débiteur à la remise de la chose. S’il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire, ce n’est pas toujours possible de contraindre la personne à exécuter son obligation, car la contrainte physique est une atteinte à la liberté individuelle.

Le juge peut utiliser l’astreinte comme moyen de pression. L’astreinte est une condamnation pécuniaire pour forcer le débiteur : le juge fixe une somme d’argent par jour de retard dans l’exécution de l’obligation.

En l’espèce, le Groupe Canal+ a demandé en référé une injonction au fournisseur de livrer les commandes passées et à venir, sous astreinte, jusqu’au prononcé de la décision au fond.

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SOURCES :

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