RUPTURE DU CONTRAT D’AGENT COMMERCIAL
/ Avril 2020/
La rupture du contrat d’agent commercial est soumise à des règles bien précises, qu’elle soit décidée par l’agent commercial ou le mandant.
Le contrat d’agence commerciale est fortement encadré, notamment par la loi 91-593 du 25 juin 1991 qui résulte de la transposition de la Directive européenne d’harmonisation n°86/653/CEE du 18 décembre 1986, très favorable à l’agent.
Ainsi, considéré comme la partie du contrat la plus faible économiquement, bénéficie d’une véritable protection statutaire consacrée par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce. De par ces dispositions, l’agent commercial jouit d’un statut qui lui est particulièrement favorable en ce qui concerne les conditions de résiliation du contrat d’agence.
Par principe, la rupture du contrat d’agent commercial par le mandant ouvre droit à indemnité pour l’agent commercial. Mais cette rupture emporte d’autres conséquences importantes.
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I- Les modalités de ruptures du contrat d’agent commercial
La rupture du contrat d’agent commercial à durée indéterminée doit en premier lieu être notifiée à l’autre partie que cette rupture soit décidée par l’agent commercial ou le mandant.
La loi n’impose aucun formalisme particulier en la matière.
Un courrier recommandé ou équivalent serait recommandé pour éviter les discussions tant sur le principe de la rupture du contrat elle-même que sur sa date de prise d’effet.
Mais il n’est pas rare que le contrat d’agent commercial ne soit pas clairement rompu par le mandant, celui-ci faisant en sorte de ne plus permettre à l’agent commercial d’exécuter normalement son mandat, soit en ne lui fournissant plus les informations (tarifs…), échantillons, etc. nécessaires et/ou en retenant délibérément le paiement de ses commissions, etc.
Dans une telle situation, il appartiendra alors à l’agent commercial de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de son mandant. La prudence s’imposera toutefois, car une prise d’acte intempestive s’apparentera à une démission de l’agent commercial concerné.
Si l’une des parties prend l’initiative de rompre clairement le contrat d’agent commercial, un délai de préavis devra être respecté. Ce délai variera en fonction de la durée du contrat en question.
Le préavis sera d’un mois en cas de rupture du contrat d’agent commercial pendant sa première année, deux mois en cas de rupture pendant la seconde année, trois mois en cas de rupture pendant la troisième année et les années suivantes du contrat.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu contractuellement pour le mandant ne devra pas être plus court que celui prévu pour l’agent.
Toutefois, un tel préavis n’a pas à être respecté en cas de faute grave invoquée au soutien de la décision de rompre le contrat d’agent commercial.
En cas de contrat à durée déterminée ne comportant pas de clause de reconduction tacite, le contrat prendra en principe automatiquement à l’arrivée de son terme, sauf à ce que les parties continuent de l’exécuter après son terme ; dans ce cas, le contrat se transformera en contrat à durée indéterminée.
II- Les conséquences de la rupture du contrat d’agent commercial
A- Le droit à l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial
Conformément à l’article. L 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec son mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi à cette occasion.
Le droit à indemnité de l’agent commercial naît du fait :
- De la survenance du terme du contrat à durée déterminée ;
- De la rupture du contrat du fait du mandant ;
- De la cessation des effets du contrat du fait du décès ou de l’inaptitude physique de l’agent commercial personne physique.
Cette indemnité résulte du fait que le contrat d’agent commercial est un mandat d’intérêt commun comme cela ressort de l’article L 134-4 du Code de commerce qui dispose que « Les contrats d’agents intervenus entre les agents « commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. »
Si un tel contrat est rompu par le mandant, cela signifie que l’agent commercial est ipso facto privé de la valeur patrimoniale acquise par le contrat grâce au travail de l’agent commercial.
L’indemnité de cessation de contrat d’agent commercial a donc pour objet de remédier à cette situation, c’est-à-dire à cette perte de valeur pour l’agent commercial. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une indemnité de clientèle.
La lecture combinée des articles L 134-12, L 134-13 et L 134-16 du Code de commerce fait apparaître qu’en cas de cessation du contrat d’agent commercial, cette indemnité est le principe et le non-versement de cette indemnité l’exception. En effet, l’article L 134-12 est rédigé comme suit :
« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits. Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent. »
Cette indemnité de cessation de contrat est due que le contrat d’agent commercial ait été conclu à durée indéterminée ou à durée déterminée.
Le même raisonnement est privilégié en cas de rupture du contrat d’agent commercial à durée déterminée par le mandant avant le terme dudit contrat en l’absence de faute grave de l’agent commercial.
Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à cette indemnité de cessation de contrat d’agent commercial lorsque la cessation du contrat d’agent commercial est due au décès de l’agent commercial.
Les seules exceptions à ce principe du droit à l’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial sont limitativement énumérées par l’article L 134-13 du Code de commerce.
Ainsi, au regard de l’article L 134-13 du Code de commerce, les seules exceptions à ce droit à indemnité correspondent aux cas suivants :
- Si la cessation du contrat d’agent commercial est provoquée par la faute grave de l’agent commercial,
- Si la cessation du contrat d’agent commercial résulte de l’initiative de l’agent commercial à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée
- si, selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède son contrat.
Aucune dérogation aux règles rappelées ci-dessus n’est autorisée. Ainsi, le droit à indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial est le principe. Les seules exceptions à ce droit à l’indemnité de cessation de contrat sont celles prévues par l’article L 134-13 du Code de commerce.
Pour rappel, l’article L 134-16 du Commerce dispose que « Est réputée non écrite toute clause ou convention (…) dérogeant, au détriment de l’agent commercial, aux dispositions (…) des articles L. 134-12 et L. 134-13 ».
Par conséquent, l’agent commercial ne peut d’avance renoncer à son indemnité de fin de contrat et le montant de l’indemnité de cessation de contrat ne peut être fixé d’avance dans le contrat.
En outre, le fait de prévoir contractuellement une majoration de la commission revenant à l’agent pendant l’exécution de son contrat et qu’en contrepartie celui-ci ne pourra prétendre à une indemnité de rupture de contrat ne peut pas davantage empêcher l’agent commercial de réclamer une telle indemnité in fine (Cass.Com. 17 juin 2003, Bull. Civ. IV, n°99, D. 2003, p. 2428, obs. D. F., RJDA décembre 2003, n° 1170, p. 1018),
1- La rupture intervient à l’initiative du mandant
Sauf faute grave de l’agent commercial ou force majeure, la rupture à l’initiative du mandant ouvre droit à l’indemnité de fin de contrat pour l’agent commercial.
Le mandant peut prendre l’initiative de mettre fin au contrat, soit, car il ne souhaite plus poursuivre les relations contractuelles avec l’agent commercial, soit, car il n’est plus en mesure de l’exécuter.
2- La rupture intervient à l’initiative de l’agent commercial du fait du mandant
Conformément à l’article L.134-13 du Code de commerce, l’indemnité de cessation du contrat est due à l’agent commercial si la rupture intervient à son initiative du fait « de circonstances imputables au mandant ».
- Le mandant ne met plus en mesure l’agent d’exécuter le contrat :
Conformément à l’article L.134-4 du Code de commerce : « le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat ».
La jurisprudence considère ainsi que l’agent commercial a droit à l’indemnité de fin de contrat lorsqu’il a mis fin au contrat au motif qu’il n’était plus en mesure de l’exécuter du fait du mandant (CA, Aix-en-Provence, 9 janvier 2014 – n° 12/23 217).
- Les fautes du mandant justifient la résiliation du contrat :
La violation par le mandant de l’une de ses obligations essentielles justifie la cessation du contrat à l’initiative de l’agent et donne droit à ce dernier à l’indemnité de fin de contrat.
Ce sera le cas si le mandant ne paye plus les commissions dues à l’agent commercial.
De même, la violation par le mandant de l’exclusivité territoriale consentie à l’agent commercial constitue aussi un motif de résiliation du contrat du fait du mandant (Cass. Com, 1er mars 2011, 10-11.079).
- Le refus du mandat d’agréer le successeur de l’agent commercial :
Conformément à l’article L.134-13 du Code de commerce alinéa 3, l’indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque, suite à un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agent commercial.
La rupture du contrat à l’initiative de l’agent commercial suite au refus injustifié d’agréer le cessionnaire présenté par l’agent commercial est donc imputable au mandant et ouvre droit à l’indemnité de fin de contrat.
De même, le refus du mandant de se prononcer dans un délai raisonnable sur le successeur présenté par l’agent commercial est également susceptible de justifier la résiliation du contrat à l’initiative de l’agent dès lors que cette attitude s’analyse en un refus arbitraire d’agrément et traduit une volonté de paralyser le droit de présentation de l’agent commercial (CA Aix-en-Provence, 8 mars 2007, n° 05/11 206).
3- La cessation du contrat de fait du décès de l’agent commercial ou d’une inaptitude physique à exécuter le contrat
L’article L.134-12 alinéa 3 du Code de commerce dispose que les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.
En outre, l’article L.134-13 2° dispose que l’agent commercial a également droit à l’indemnité de fin de contrat lorsque celui-ci est résilié du fait de l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.
Attention, le fait pour un agent commercial d’atteindre l’âge de la retraite ne signifie pas qu’il est inapte à exécuter le contrat et donc n’ouvre pas droit à l’indemnité de manière automatique.
B- La faute grave de l’agent commercial
La faute grave est l’un des rares événements prévus par l’article L 134-12 du Code de commerce comme privatif du droit à l’indemnité de fin de contrat. Toutefois, la notion de faute grave de l’agent commercial n’est pas aisée à appréhender du fait de l’absence de définition légale.
Les dispositions relatives à l’indemnisation de l’agent commercial en cas de rupture du contrat d’agent commercial par le mandant étant d’ordre public, les parties ne peuvent pas convenir d’une définition de la faute grave dans leur contrat. Dans ce contexte, la définition de la faute grave est donc une œuvre essentiellement jurisprudentielle.
Par conséquent, le contrat d’agent commercial ne peut valablement stipuler qu’un comportement déterminé de l’agent commercial constituera une faute grave.
- 1. La définition de la faute grave de l’agent commercial
En principe, est considérée comme faute grave la faute qui constitue un manquement important aux devoirs d’un bon professionnel, apprécié en considération du propre comportement du mandant, portant atteinte à la finalité du contrat d’agence.
En effet, le contrat d’agent commercial est un mandat d’intérêt commun dont l’objet est de maintenir, voire développer une part de marché dont la valeur est commune au mandant et au mandataire. Pour qu’il y ait faute grave, il faut donc que, par les faits reprochés, l’agent commercial ait porté atteinte à cette valeur commune.
Pourront ainsi, notamment, être constitutifs de fautes graves, dans des conditions bien précises à apprécier au cas par cas :
- Des faits de concurrence de la part de l’agent commercial, sous réserve, toutefois, que le mandant n’ait pas eu connaissance de tels faits et ne les ait pas tolérés ;
- La diffusion par l’agent commercial d’informations erronées ou le dénigrement par l’agent commercial du mandant et/ou de ses produits ;
- Une baisse anormale de chiffre d’affaires résultant d’une insuffisance manifeste d’activité de l’agent commercial et non de la conjoncture économique.
- 2. La preuve de la faute grave de l’agent commercial
C’est au mandant qu’il appartient de rapporter la preuve de la faute grave de l’agent commercial. Le mandant doit ainsi prouver que l’agent commercial a commis une faute grave, en proposant des griefs précis aux juges qui doivent y répondre. À défaut de rapporter la preuve des faits reprochés, la faute grave de l’agent commercial n’est pas caractérisée.
Il appartient au mandant de prouver que la résiliation du mandat de l’agent commercial a été justifiée par la faute de l’agent commercial.
En outre, les faits retenus comme constitutifs de la faute grave ne peuvent être valablement retenus lorsque le mandant en a eu connaissance et les a tolérés jusqu’à la rupture du contrat d’agence sans avoir à aucun moment fait état de la faute grave.
Enfin, si la faute de l’agent commercial, même prouvée, a été provoquée par la propre faute du mandant, cela en diminuera la gravité.
- 3. Le moment de la faute grave de l’agent commercial
L’article L 134-13 n’exclut le droit à indemnité de l’agent commercial que si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial, le mandant qui aura rompu le contrat de l’agent sans invoquer de faute grave ne pourra invoquer ultérieurement une faute grave de l’agent commercial, qui plus est commise pendant le préavis.
Ce cas vise l’hypothèse où l’agent commercial décide de mettre fin au contrat d’agent commercial de son propre chef, sans y être contraint par le comportement de son mandant. Dans ce cas, la décision de l’agent commercial est l’équivalent de la démission du salarié.
Toutefois, l’agent commercial ne perd pas son droit à l’indemnité de cessation de contrat si, au contraire, il est contraint de mettre fin à son contrat du fait du comportement de son mandant.
En effet, l’article L 134-3 du Code de commerce prévoit expressément que l’agent commercial ne perd pas son droit à indemnité de cessation de contrat si la rupture intervient à son initiative, mais du fait de « circonstances imputables au mandant ».
Ainsi :
- Le mandant qui ne respecte pas la clause d’exclusivité dont bénéficie l’agent et qui ne le commissionne pas sur toutes les opérations conclues sur son secteur exclusif crée les circonstances qui lui rendent imputable la rupture du contrat à l’initiative de l’agent.
- En cas de prise d’acte de la rupture de son contrat par l’agent du fait d’une modification unilatérale de celui-ci par son mandant, ce dernier prend également le risque que la rupture lui soit imputée. Telle sera notamment le cas en cas de modification unilatérale du secteur confié à l’agent.
- En cas de défaut de paiement des commissions à l’agent commercial, le mandant prendra également le risque d’une prise d’acte de la rupture du contrat par l’agent imputable au mandant.
Prudence, l’agent commercial ne devra pas prendre à la légère la décision de rompre son contrat aux torts de son mandant, car si les griefs invoqués par l’agent commercial contre son mandant ne sont pas fondés, l’agent commercial sera réputé démissionnaire et ne pourra alors prétendre à aucune indemnité.
La troisième exception au droit à l’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial vise le cas où l’agent commercial cède son contrat. L’agent commercial ne peut à la fois céder son contrat et donc, percevoir à ce titre une contrepartie financière de la part de son successeur qui se substituera à lui, et en même temps prétendre à l’indemnité de fin de contrat.
C- Le montant de l’indemnité compensatrice de cessation du contrat
Sauf circonstances particulières, l’usage fixe à deux ans de commissions brutes le montant de l’indemnité due à l’agent commercial par le mandant.
L’indemnité est généralement calculée sur base des deux dernières années de rémunération ou sur la moyenne des trois dernières années, multipliée par deux. Les rémunérations de toutes natures versées à l’agent en exécution de son activité de représentation sont prises en compte sans distinction entre les clients créés ou préexistants.
En cas de rémunération fixe et de commissions, l’indemnité de cessation de contrat devra également être calculée sur la base de l’ensemble de ces éléments de rémunération
D- Le délai de réclamation de l’indemnité de cessation de contrat
L’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial doit impérativement être réclamée dans le délai d’un an à compter de la cessation du contrat d’agent commercial.
En effet, passé ce délai, l’agent commercial perd désormais son droit à réparation. En effet, aux termes de l’article L 134-1 du Code de commerce, l’agent commercial perd son droit à indemnité « s’il n’a pas notifié à son mandant dans un délai d’un an à compter de la cessation de son contrat qu’il entend faire valoir ses droits. »
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SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000006220456&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000006220492
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006220397&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20000921
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006077735&dateTexte=20000920
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000023668440