LE BOUTON « JE PAYE » EST-IL OBLIGATOIRE ?
/ Juillet 2022 /
L’article L. 221-1 du Code de la consommation précise, en premier lieu, au titre du champ matériel du chapitre consacré aux contrats à distance, que le contrat à distance est « tout contrat conclu dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance ».
Le contrat conclu à distance a reçu deux définitions successives en droit européen :
— d’abord avec l’article 2.1 de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance et qui définissait le contrat conclu à distance comme : « tout contrat concernant des biens et services conclu entre un fournisseur et un consommateur dans le cadre d’un système de vente ou de prestation de service à distance organisé par le fournisseur qui pour ce contrat utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat elle-même ».
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Cette directive a été transposée dans le code français de la consommation par les ordonnances no 2001-741 du 23 août 2001 et no 2005-648 du 6 juin 2005 ;
— puis avec l’article 2 § 7 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui abrogeant la directive 97/7/CE définit ce contrat comme : « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment et y compris au moment, où le contrat est conclu » (1).
La directive du 25 octobre 2011 a été transposée dans le code français de la consommation par la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, qui a retenu à l’article L. 221-1 du Code de la consommation (anc. art. L. 121-16) la définition suivante du contrat à distance : « 1º contrat à distance, tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ». (2)
Cette directive a été modifiée par la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de l’UE en matière de protection des consommateurs, et dont les dispositions doivent être transposées en droit interne avant le 28 novembre 2021. La loi no 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite loi DDADUE, a habilité le Gouvernement à transposer la directive (UE) 2019/2161 par voie d’ordonnance dans un délai de 14 mois à compter de la publication de la loi (L. no 2020-1508,3 déc. 2020, art. 2).
Il s’infère des faits que Fuhrmann-2, société de droit allemand qui est propriétaire de l’hôtel Goldener Anker à Krummhörn-Greetsiel (Allemagne). Les chambres de cet hôtel peuvent être louées, notamment, par l’intermédiaire du site Internet www.booking.com, une plate-forme de réservation d’hébergements en ligne. Le 19 juillet 2018, B., un consommateur, a consulté ce site Internet pour rechercher des chambres d’hôtel à Krummhörn-Greetsiel pour la période allant du 28 mai au 2 juin 2019. Parmi les résultats de recherche affichés figuraient les chambres de l’hôtel Goldener Anker. (3)
B. a alors cliqué sur l’image correspondant à cet hôtel, ce qui a entraîné l’affichage des chambres disponibles ainsi que des informations supplémentaires relatives, notamment, aux équipements et aux prix proposés par ledit hôtel pour la période choisie. Ayant décidé d’y réserver quatre chambres doubles, B. a, après avoir cliqué sur le bouton « je réserve », renseigné ses données personnelles ainsi que les noms des personnes l’accompagnant avant de cliquer sur un bouton portant la mention « finaliser la réservation ». B. ne s’est pas présenté à l’hôtel Goldener Anker le 28 mai 2019.
Fuhrmann-2 a, conformément à ses conditions générales, facturé des frais d’annulation à B. à hauteur de 2 240 euros, en lui fixant un délai de cinq jours ouvrables pour régler ce montant. B. n’a pas versé la somme réclamée. Fuhrmann-2 a donc saisi le tribunal de district de Bottrop (Allemagne), en vue du recouvrement de cette somme.
I. La nécessité d’informer de façon claire et explicite le consommateur
A. Le professionnel doit, d’une part, fournir à ce consommateur, directement avant la passation de la commande, les informations essentielles relatives au contrat
L’appréciation du point de savoir si, dans un cas concret, la technique de communication impose des contraintes d’espace ou de temps pour la présentation des informations, conformément à l’article 8, § 4, de la directive UE no 2011/83 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs doit être effectuée en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques techniques de la communication commerciale du professionnel.
À cet égard, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, compte tenu de l’espace et du temps occupé par la communication et de la taille minimale du caractère typographique qui serait appropriée pour un consommateur moyen destinataire de cette communication, toutes les informations visées à l’article 6, § 1, de cette directive pourraient objectivement être présentées dans le cadre de ladite communication.
L’article 6, § 1, sous h), et l’article 8, § 4, de la directive UE no 2011/83 précitée doivent être interprétés en ce sens que, dans le cas où le contrat est conclu selon une technique de communication à distance qui impose des contraintes d’espace ou de temps pour la présentation des informations et lorsque le droit de rétractation existe, le professionnel est tenu de fournir au consommateur, sur la technique en question et avant la conclusion du contrat, l’information portant sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit.
Dans un tel cas, ce professionnel doit fournir au consommateur le modèle de formulaire de rétractation figurant à l’annexe I, partie B, de cette directive, par une autre source, dans un langage clair et compréhensible (4).
L’article 6, § 1, sous c), de la directive UE no 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au professionnel, avant de conclure avec un consommateur un contrat à distance ou hors établissement, visé à l’article 2, points 7 et 8, de cette directive, de fournir, en toutes circonstances, son numéro de téléphone.
D’autre part, cette disposition n’implique pas une obligation pour le professionnel de mettre en place une ligne téléphonique, ou de télécopieur, ou de créer une nouvelle adresse électronique pour permettre aux consommateurs de le contacter et n’impose de communiquer ce numéro ou celui du télécopieur ou son adresse électronique que dans les cas où ce professionnel dispose déjà de ces moyens de communication avec les consommateurs.
L’article 6, § 1, sous c), de la directive UE no 2011/83 précitée doit être interprété en ce sens que, si cette disposition impose au professionnel de mettre à la disposition du consommateur un moyen de communication de nature à satisfaire aux critères d’une communication directe et efficace, elle ne s’oppose pas à ce que ledit professionnel fournisse d’autres moyens de communication que ceux énumérés dans ladite disposition aux fins de satisfaire à ces critères (5).
B. Informer explicitement ledit consommateur que, en passant la commande, ce dernier est tenu par une obligation de paiement
S’agissant de cette dernière obligation, le bouton de commande ou la fonction similaire doit porter une mention facilement lisible et dénuée d’ambiguïté indiquant que le fait de passer la commande oblige le consommateur à payer le professionnel. Et le consommateur n’a pas à inférer des circonstances de ce processus qu’il s’engage à payer de manière contraignante alors que la mention figurant sur ce bouton ou cette fonction ne lui permet pas d’identifier de telles conséquences avec une certitude absolue.
Ainsi, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, la formule « finaliser la réservation » peut être considérée, en langue allemande, au regard des seuls termes utilisés par cette formule et indépendamment des circonstances entourant le processus de réservation, comme analogue à la mention « commande avec obligation de paiement » visée à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83.
La Cour, guidant la juridiction de renvoi dans sa décision, indique que celle-ci devra notamment vérifier si le terme « réservation » est, en langue allemande, tant dans le langage courant que dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, nécessairement et systématiquement associé à la naissance d’une obligation de paiement.
Dans la négative, force serait de constater le caractère ambigu de l’expression « finaliser la réservation », de sorte que cette expression ne pourrait pas être considérée comme étant une formule analogue à la mention « commande avec obligation de paiement ».
II. Le professionnel veille à ce que le consommateur, lors de sa commande, reconnaisse explicitement son obligation de paiement
A. Le bouton de commande ou la fonction similaire doit porter une mention facilement lisible et dénuée d’ambiguïté indiquant que le fait de passer la commande oblige le consommateur à payer le professionnel
Selon l’article L.221-14 du Code de la consommation, pour les contrats conclus par voie électronique, le professionnel rappelle au consommateur, avant qu’il ne passe sa commande, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou des services qui font l’objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et, s’il y a lieu, à la durée minimale des obligations de ce dernier au titre du contrat, telles que prévues à l’article L. 221-5.
Le professionnel veille à ce que le consommateur, lors de sa commande, reconnaisse explicitement son obligation de paiement. A cette fin, la fonction utilisée par le consommateur pour valider sa commande comporte la mention claire et lisible : commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d’une commande oblige à son paiement.
Les sites de commerce en ligne indiquent clairement et lisiblement, au plus tard au début du processus de commande, les moyens de paiement acceptés par le professionnel et les éventuelles restrictions de livraison.
Le Code de la consommation prévoit également des dispositions spéciales pour les contrats conclus par voie électronique : le professionnel est tenu de rappeler au consommateur, avant qu’il ne passe sa commande, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou des services qui font l’objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et, s’il y a lieu, à la durée minimale des obligations de ce dernier au titre du contrat, telles que prévues à l’article L. 221-5. Il doit veiller à ce que le consommateur, lors de sa commande, reconnaisse explicitement son obligation de paiement.
À cette fin, la fonction utilisée par le consommateur pour valider sa commande comporte la mention claire et lisible : commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d’une commande oblige à son paiement.
Enfin, les sites de commerce en ligne indiquent clairement et lisiblement, au plus tard au début du processus de commande, les moyens de paiement acceptés par le professionnel et les éventuelles restrictions de livraison. La charge de la preuve du respect des obligations d’information prévues par l’article L. 221-5 pèse sur le professionnel (C. consom., art. L. 221-7).
La violation des dispositions de l’article L. 221-5 est punie d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale (C. consom., art. L. 242-10).
B. Fixation d’un délai d’expiration pour finaliser la commande
On pourrait se poser la question de savoir si les plateformes de vente en ligne ne pourraient pas mettre en place une sorte de « délai d’expiration » de la commande lorsque les articles sont réservés et mis dans les paniers de commande. Par exemple, sur le site de vente en ligne « VEEPEE », il arrive souvent que les réservations soient conditionnées par un certain délai au risque de voir la réservation expirer.
Cette situation pourrait en effet permettre d’éviter toutes sortes de conflits entre consommateurs et vendeurs en ligne ou les plateformes.
La mise en place de ce délai d’expiration des réservations ou commandes mises dans les paniers à cet effet permettra pour notre part de faciliter l’achat ou la réservation d’un autre consommateur. C’est le cas lorsque les produits et services proposés sont vendus en quantité limitée. Évidemment que cela reste une question !
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Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000024831453
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069565/LEGISCTA000032221321?init=true&page=1&query=L.+221-1+du+Code+de+la+consommation+&searchField=ALL&tab_selection=all&anchor=LEGIARTI000044142644# LEGIARTI000044142644
https://www.droit-technologie.org/actualites/un-bouton-je-paye-est-il-obligatoire-sur-les-sites-de-commerce-electronique/
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=210175&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=5109010
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=216039&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=5109418