PEUT ON AVOIR DEUX EMPLOIS ?
Peut-on avoir deux emplois ? Cette question ne peut obtenir de réponse facile tant la question du cumul de deux emplois demande la prise en considération de plusieurs éléments distincts. La question de savoir si on peut avoir deux emplois mérite néanmoins une réponse, car le cumul de deux emplois n’est pas rare en France.
C’est notamment le cas pour une partie de la population qui a besoin d’avoir deux emplois pour pouvoir vivre dignement. Dans une autre mesure, la question du cumul de deux emplois se retrouve au niveau de salariés qui voudraient commencer une activité parallèlement à leur premier emploi.
La réponse qui pourra donc être apportée à la question qui est de savoir si on peut avoir deux emplois devra se conjuguer avec la liberté du travail. En effet, si l’on se base sur la liberté de travail, c’est uniquement une réponse positive qui pourra être donnée à la question de savoir peut-on avoir deux emplois. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples.
Définition de la pluriactivité
La notion de pluriactivité peut se définir comme : « l’exercice simultané par une même personne de deux ou plusieurs activités de nature professionnelle, syndicale ou politique…, elle est souvent l’objet d’une réglementation en vue de limiter ou même d’interdire certains cumuls » (Encyclopédie Dalloz).
Le principe : la liberté du travail
Le principe de la liberté du travail, voire la liberté de choisir son activité, se déduit de l’article 7 du Décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 : « il sera libre à toute personne de faire tel négoce, ou d’exercer telle profession art ou métier qu’elle trouvera bon ». C’est aussi la liberté de décider de l’intensité de son travail, selon ses disponibilités physiques, familiales et financières.
La chambre sociale de la Cour de cassation admet par principe la légalité de la pluriactivité professionnelle en décidant que « l’existence d’un lien de subordination juridique n’est pas incompatible avec le cumul de plusieurs activités salariées » (Soc. 14 juin 1979 : D.1980, p.96, note J ?-P. Karaquillo).
Les limites à la liberté du travail
Toutefois, le principe de la liberté du travail trouve plusieurs limites dans des considérations sanitaires (la durée du travail est limitée), sociales (le partage du travail, la prohibition des emplois occultes) et économiques (la pluriactivité ne doit pas générer une situation de concurrence déloyale).
Les exceptions au principe de la liberté du travail : les incompatibilités
Par ailleurs, plus que des limites, le législateur prévoit des exceptions au principe de la liberté du travail ; ces incompatibilités ont pour finalité d’éliminer les conflits d’intérêts résultant de la nature des activités et/ou de la qualité même de la personne en cause dans l’une de ses activités.
Pour un salarié, l’art de la pluriactivité consiste alors dans l’exercice parcimonieux d’activités professionnelles de natures différentes, de sorte que ce cumul d’emplois s’inscrive dans la sphère légale inhérente au partage du travail, et lui permette de respecter ses obligations de loyauté et de fidélité envers ses employeurs respectifs.
I – Peut on avoir deux emplois ? Quid de la clause d’exclusivité
Si le principe reste celui de la liberté du travail, celui-ci se trouve restreint par la nécessité d’éliminer toute source de conflits d’intérêts. En imposant des incompatibilités professionnelles destinées d’une part, à préserver l’indépendance des agents du secteur public, et d’autre part, à garantir un certain niveau de salubrité économique, le législateur entend protéger la société, l’intérêt général (A). L’employeur, de son côté, a la possibilité, sous certaines conditions, de protéger les intérêts de l’entreprise en infligeant au salarié potentiellement pluriactif une « obligation de fidélité renforcée » : la clause d’exclusivité (B).
A/ Les restrictions légales au cumul d’emplois : les incompatibilités comme protection de l’intérêt général
1°- Le cumul d’emplois public et privé
Le statut général des fonctionnaires est régi par la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont l’article 25 pose pour principe que « les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leurs sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ».
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Cela résulte de l’exigence d’indépendance nécessaire au bon fonctionnement de l’Administration en ce qu’elle garantit les intérêts collectifs et non les intérêts particuliers et, inversement, cela garantit l’indépendance de certaines fonctions par rapport au pouvoir économique (sociétés privées…) ou politique (parlementaires…).
Des exceptions sont prévues par l’article L8261-3 du Code du travail, pour des travaux d’ordre artistique, littéraire, scientifique…). Par ailleurs, des régimes particuliers sont prévus pour les personnels universitaires et hospitaliers qui peuvent, sous certaines conditions, exercer une activité professionnelle dans le secteur privé.
Par ailleurs, les situations d’exception prévues dans le cadre de la mise à disposition permettent aux agents de la fonction publique d’envisager de travailler en collaboration avec une personne privée pour une durée déterminée ou le temps d’une mission.
L’importance de l’indépendance des secteurs privé et public peut être symbolisée par le délit de prise illégale d’intérêts (articles 432-12 et 432-13 du Code pénal) qui interdit, par exemple aux personnes ayant été chargées d’une administration publique, de conclure un contrat de travail ou d’exercer une activité libérale de dans une entreprise qu’ils étaient chargés de contrôler ou de surveiller, quand bien même elles auraient quitté leur poste depuis cinq ans.
2°- Le cumul d’emplois privés
Le cumul d’emplois privés, s’il est plus facilement admis, subit néanmoins quelques restrictions dues à des considérations déontologiques visant à maintenir à la confiance du public à l’égard de certaines professions, le plus souvent libérales. Ainsi, les avocats, les notaires et les huissiers ne peuvent exercer une activité commerciale, tandis que le médecin ne peut exploiter une officine pharmaceutique.
Outre ces restrictions pour incompatibilité, un salarié doit respecter une série de prescriptions sanitaires et sécuritaires : un travailleur qui n’est pas en pleine possession de ses moyens est potentiellement dangereux pour lui-même et pour ses collègues. C’est la raison pour laquelle le Code du travail prévoit l’impossibilité de travailler plus de 60 heures par semaine (cas extrême et exceptionnel prévu par l'article L3121-19 du C.trav.), sachant que la moyenne sur 12 semaines ne doit pas dépasser 46 heures.
La durée maximale de travail pour un salarié qui cumulerait deux activités professionnelles a été modifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. Elle a modifié l’article L3121-18 du Code du travail qui dispose désormais que “la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf : en cas de dérogation accordée par l’inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ; en cas d’urgence dans des conditions prévues par décret ; dans les cas prévus à l’article L3129-19.” En cas de cumul d’une activité salariée avec une autre activité non salariée seule la première activité est soumise aux règles concernant la durée maximale de travail.
Cette loi a aussi modifié l’article L3121-20 du Code du travail. Cet article limite dorénavant la durée maximale hebdomadaire de travail au cours d’une même semaine à quarante-huit heures. L’article L3121-21 modifié par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 autorise le dépassement de cette durée dans des circonstances exceptionnelles. Cette dérogation doit être accordée par l’autorité administrative. Cela dit cette autorisation ne doit pas avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. La durée hebdomadaire moyenne calculée sur une période de 12 semaines consécutives ne doit pas être supérieure à 44 heures.
Mais la modulation du temps de travail effectif est aussi considérée comme un outil de solidarité permettant d’améliorer le partage de l’emploi. Le travailleur qui, en infraction avec les dispositions légales et réglementaires relatives au temps de travail, cumulerait plusieurs emplois, serait alors jugé comme occupant une place qui ne lui revient pas de droit.
3°- Les sanctions du cumul d’emplois
Le sort de l’agent de la fonction publique exerçant illégalement une activité privée lucrative est fixé par l’article 6 du décret du 29 octobre 1936 qui prévoit des sanctions disciplinaires et une retenue sur traitement ; il risque même, avec son employeur, des sanctions pénales contenues dans l’article R8262-1 du Code du travail. La relation de travail, quant à elle, est impérativement rompue.
S’agissant du dépassement du temps de travail, la chambre sociale de la Cour de cassation ne relève pas nécessairement l’illégalité du cumul d’emplois ; elle décide au contraire que cela peut ne constituer qu’un dépassement de la durée maximale de travail résultant de l’accomplissement de travaux au-delà de la durée autorisée, mais non de la conclusion du second contrat qui reste valable en soi (Soc. 27 avril 1989 : Dr.soc. 1989, p.728, obs.Savatier).
Le non-respect de la durée maximale de travail est puni d’une amende fixée à 1500 euros maximum. En cas de récidive l’amende peut être portée à un montant de 3000 euros. Le salarié peut également se faire licencier pour faute grave. Il n’est pas tenu d’informer son employeur sur sa deuxième activité professionnelle. Mais si l’employeur lui demande, il doit lui prouver qu’il est en règle avec le Code du travail au sujet de la durée maximale de travail hebdomadaire ou quotidienne. Si le salarié refuse de communiquer ces informations, il peut être licencié pour faute grave.
L’obligation de loyauté impose également au salarié de ne pas travailler pour sa deuxième activité pendant les heures de travail durant lesquelles il est censé travailler pour sa première activité. Il ne doit pas utiliser le matériel mis à sa disposition dans l’une de ses activités pour effectuer un travail dans le cadre d’une autre activité professionnelle.
De même, en vertu de l’adage « pas de nullité sans texte », la Cour a précisé qu’un contrat de travail signé parallèlement à un autre n’en demeurait pas moins valide (Soc. 5 mars 1986 : Bull.civ., V, n°67). En revanche, dans certains cas, il appartiendra au salarié de choisir l’emploi qu’il souhaite conserver (Soc. 27 avril 1989 : Dr.soc. 1989, p.728, obs. J.Savatier ; JCP E 1989, II, 15 572, n°4, obs. T.Revet), à moins que des aménagements d’horaires soient envisageables. Toutefois, il convient d’être prudent puisque l’inertie du salarié soumis à un choix constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc.25 octobre 1990 : Bull.civ., V, n°501).
B/ Une interdiction professionnelle : la clause d’exclusivité comme protection d’intérêts particuliers
Le salarié est subordonné à son employeur par un contrat de travail dont l’économie générale s’inspire du principe de loyauté qui prend ici la forme d’une obligation de fidélité. Le principe étant celui de la liberté du travail, la portée de cette obligation est contenue dans les attributions du salarié, sa qualité et son rang dans l’entreprise, ou encore la nature de ses fonctions,… ce qui concourt à envisager la nécessité d’assortir le contrat de travail d’une clause d’exclusivité.
Plus qu’une obligation de loyauté, la clause d’exclusivité inscrit au passif du salarié une obligation de fidélité renforcée et puisqu’elle restreint sa liberté de travailler, elle doit être écrite.
Cette clause particulière doit être différenciée d’une autre, la clause de non-concurrence. Les deux découlent de cette obligation de fidélité due à l’employeur et visent à la protection des intérêts de l’entreprise, mais elles n’ont pas la même portée. D’abord, les effets de la clause de non-concurrence se prolongent généralement au-delà de la rupture du contrat de travail, ce qui n’est pas le cas pour la clause d’exclusivité.
Ensuite, la clause de non-concurrence joue uniquement pour une activité similaire ou identique alors qu’une clause d’exclusivité, par nature modulable, peut être particulièrement rigoureuse et empêcher un employé d’exercer une activité parallèle quelconque si cela est justifié par l’intérêt de l’entreprise. Enfin, à la différence de la clause de non-concurrence, la validité de la clause d’exclusivité n’est pas soumise au versement d’une contrepartie financière.
A priori, une telle clause est licite, non seulement du fait de la liberté contractuelle, mais aussi parce qu’elle est la mise en œuvre du principe général de loyauté qui gouverne l’ordre public économique : non seulement elle protège l’employeur d’éventuels actes de concurrence déloyale, mais elle participe aussi à la protection du consommateur dans l’esprit duquel il pourrait régner une certaine confusion à l’égard d’un salarié pluriactif.
Reste que cette malléabilité, résultant de la liberté contractuelle doit nécéssairement faire l’objet d’un contrôle du juge, lequel décide qu’une clause d’exclusivité ne peut être jugée légale (Soc. 15 novembre 1986 : BS Lefebvre 1985, p.38) que si elle remplit un certain nombre de conditions : pour la Cour de cassation, elle « n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché » . (Cass. soc., 11 juillet 2000, no 98-43.240 ).
En effet, l’article L1121-1 du Code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ».
Dans l’arrêt précité du 11 juillet 2000, la haute Cour a, par ailleurs, été amenée à se prononcer sur la licéité d’une clause d’exclusivité intégrée dans un contrat de travail à temps partiel : les magistrats l’ont estimée illicite car portant une atteinte démesurée à la liberté du travail, le salarié subordonné à une telle clause n’ayant pas la possibilité de travailler à temps plein.
Mais la clause jugée licite produira ses effets. D’une manière générale, le non respect du principe de loyauté rend impossible le maintien de la cordialité dans les relations de travail ; pour cette raison, le juge qualifie le non respect de clause d’exclusivité comme une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 10 juillet 1990 : JCP G 1990, IV, p.342), jugeant parfois la faute grave (Soc. 13 février 1974 : Cah. Prud’h. 1974, p.133), voire lourde s’il y a une intention de nuire de la part du salarié.
En revanche, l’employeur subissant un préjudice du fait de la concurrence provoquée par l’activité parallèle du salarié, mais ayant eu connaissance de cette activité parallèle le jour du contrat, ne pourra pas opposer la clause d’exclusivité au salarié.
II – Peut-on être salarié et indépendant à la fois ?
Le principe est toujours celui de la liberté du travail ; la chambre sociale de la Cour de cassation considère que « l’existence d’un lien de subordination juridique n’est pas incompatible avec le cumul d’une activité salariée et d’une activité indépendante, de nature agricole, commerciale ou libérale » (Soc. 17 juin 1982 : Bull.civ., V, n°403), se faisant, elle applique purement et simplement les dispositions du Code du travail.
Une restriction logique doit néanmoins être précisée : pour ne pas créer une situation de concurrence, la nature de l’activité indépendante ne doit être similaire ou identique à celle de l’activité de l’entreprise.
Si l’on entend la notion de « travail indépendant » dans un sens large, c’est-à-dire « pour son propre compte », alors il faut s’interroger sur le risque de confusion dans l’esprit du consommateur : les exemples fréquemment exposés sont de cet ordre : un salarié effectue pour son propre compte des travaux commandés par des clients de l’entreprise ou le cas d’un vendeur faisant croire qu’il agit pour le compte de son employeur…
Il s’agit en fait d’activités occultes puisque ni le service en tant que main d’œuvre, ni les recettes ne sont déclarées, ce qui au final crée une situation de parasitisme à l’encontre de l’entreprise.
Occulte ou pas, on ne saurait traiter efficacement sur la question du cumul d’un emploi et d’une activité indépendante sans évoquer le « télétravail ». Martine Meunier-Boffa définit celui-ci comme « un travail occupé à temps plein ou partiel par une personne indépendante ou autonome, à son domicile ou en tout autre endroit distinct du lieu de travail traditionnel, pour un employeur ou un client grâce à l’utilisation de technologies avancées, considérées comme instrument essentiel ou déterminant de ce type spécifique d’activité » (M.meunier-Boffa, « Le télétravail face au droit du travail » : JCP trav.prot.soc. 2002, n°8-9, p.6).
Cette nouvelle méthode de travail suscite de nombreuses interrogations parmi lesquelles on retrouve les problèmes de temps de travail effectif et de concurrence.
En effet, le ou les employeurs de la personne exerçant une activité professionnelle sous la forme de télétravail n’ont pas véritablement la possibilité de contrôler les horaires effectuées par ce salarié qui, la plupart du temps, travaille à son domicile. De plus, il serait hasardeux, ou au moins précipité d’appliquer de facto le régime de l’astreinte au télétravailleur ; celui-ci n’étant pas nécessairement à la disposition de ses employeurs.
Par ailleurs, cette cybersurveillance de l’employé à son domicile pose indubitablement la question du respect de la vie privée.
Pourtant, il est de principe que l’employeur dispose d’un pouvoir de surveillance à condition que les moyens utilisés soient portés à la connaissance du subordonné, ces techniques devant, par ailleurs, être proportionnées aux buts recherchés. La lutte contre la concurrence déloyale interne fait partie de ces nombreux objectifs (contrôle de l’effectivité du travail, de sa qualité, …).
III – Peut-on être salarié et créer une société ?
Le congé pour création ou reprise d’entreprise
Le Décret d’Allarde, renforcé par la loi Le Chapelier, pose le principe de la liberté d’entreprise : toute personne a la possibilité de créer ou acquérir une entreprise pour exercer l’activité de son choix. Le Code de travail ( L3142-78) prévoit cette faculté pour un salarié de demander un congé d’un an pour création ou reprise d’une entreprise.
A/ La création ou la reprise d’une entreprise : un droit opposable à l’employeur
Ce congé pour création d’entreprise est ouvert aux salariés des entreprises privées et publiques soumises au droit du travail faisant valoir une ancienneté d’au moins 36 mois.
L’employeur est-il tenu d’accorder ce congé ? Sans être reconnu comme un principe constitutionnel, la liberté d’entreprendre est néanmoins érigée au rang de liberté publique (DC 27 juillet 1982, RDP 1983, 333, obs. L.Favoreu), ce qui signifie qu’elle ne s’exerce que dans le cadre des lois et de règlements. Le législateur refuse ainsi la possibilité à l’employeur de s’opposer au congé pour convenance personnelle.
Toutefois, les intérêts de la société doivent être préservés, notamment sur le terrain de la concurrence. L’employeur a donc la possibilité de demander des précisions sur le projet du salarié, il apprécie alors si la société envisagée est susceptible ou non de concurrencer la société existante et, le cas échéant, refuse le congé (Cons.Prud’h. Thonon-les-Bains 7 décembre 1984 : Cah.prud’h 1985, p.85).
En revanche, si aucun risque de concurrence déloyale ne peut ressortir du projet d’entreprise, l’employeur ne peut refuser le congé demandé ; il ne peut que le différer.
Précisons néanmoins que si le salarié peut bénéficier de plein droit d’un congé pour convenance personnelle, cela ne reste bien entendu qu’une faculté. Les parties ont toujours la possibilité d’aménager le contrat de travail afin de trouver un équilibre d’intérêts.
B/ Les obligations des parties au contrat de travail
Le principal effet du congé pour convenance personnelle et plus précisément, pour création ou reprise d’entreprise, est celui de la suspension du contrat de travail. La relation contractuelle n’étant pas résiliée, les parties restent soumises à l’obligation de loyauté pendant toute la durée du congé.
Mais si elles préfèrent simplement modifier le contrat (par exemple, en abaissant le temps de travail effectif), les parties y restent soumises.
Dans tous les cas, l’employeur dispose d’un droit de regard lui permettant d’apprécier la nature de l’entreprise naissante et, le cas échéant, de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’un salarié déloyal.
Il a ainsi été jugé qu’un salarié ne peut profiter des fonctions qui lui sont attribuées pour mettre en place une société concurrente de son employeur en utilisant le personnel et les moyens dont il disposait dans l’exécution de son travail (Soc. 23 novembre 1989 : Cah.soc. barreau, n°18, S.42). De même, un salarié ne peut créer une société dont l’activité réelle porte sur un produit dérivé pour lequel elle a procédé à des études de fabrication et de commercialisation auxquelles avait participé le salarié (Soc. 7 janvier 1992 : Semaine sociale Lamy du 10 février 1992, n°586).
A priori, le contrat de travail n’étant que suspendu pour une durée déterminée (qui ne saurait être supérieure à un an), le salarié doit pouvoir bénéficier d’une réintégration, voire d’une formation pour remise à niveau.
Mais il faut distinguer si le salarié qui sollicite un congé pour créer une entreprise du salarié qui participe à la création d’une entreprise. Dans le premier cas, la question de la réintégration ne se pose que rarement. C’est plus délicat pour le second qui n’est pas nécessairement associé dans la nouvelle société et dans laquelle il ne trouve pas forcément son intérêt. Pour ce dernier, la réintégration est de plein droit.
Ensuite, tout est question de cumul d’horaires et de timing par rapport à l’échéance de la suspension. Dans une situation de concurrence (l’ex salarié dirige sa nouvelle société ou participe à son enrichissement), la rupture du contrat de travail est nécessaire et la nouvelle société ne doit pas avoir commencé son exploitation (Soc. 5 mai 1971 : Bul.civ. V, n°327 – CA Paris 23 mars 1982 : D.1983, inf., p.54, note Serra), sous réserve, bien entendu, d’une éventuelle la clause de non-concurrence.
En cas de superposition de fonctions dans des entreprises concurrentes, l’employeur aura toujours la possibilité de licencier le salarié, voire de diligenter une action en concurrence déloyale à l’encontre de son dirigeant sur le fondement de l’article 1382 ancien du Code civil devenu article 1240.
Il a par exemple été jugé que la création d’une société concurrente en qualité d’associé et administrateur constitue une faute grave (Soc. 27 février 1991 : Cah.soc. barreau, n°30, A 32). En revanche, un salarié peut acquérir des actions d’une société concurrente, quand bien il même il s’en trouverait alors actionnaire majoritaire (Soc. 8 novembre 1989 : RJS 1990, n°6 – Soc. 23 septembre 1992 : Bull.civ. V, n°470 ; Dr.soc. 1992, p.918).
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