COURRIER ELECTRONIQUE ET VIE PRIVEE
/ Novembre 2020 /
L’arrivée d’internet a permis la création du courrier électronique, qui est assimilé à la correspondance privée. Mais lorsque l’employeur donne accès à une messagerie électronique à ses employés peut-il surveiller les courriers électroniques reçus par ses salariés ?
Le principe du secret de la correspondance se situe au prolongement de la protection de la vie privée, protégée par l’article 9 du Code civil.
Les échanges par voie de télécommunication sont assimilés à la correspondance privée subissant par conséquent la même protection. En effet, dès lors qu’un message est exclusivement destiné à une ou plusieurs personnes déterminées et individualisées, il est susceptible de protection, peu importe le procédé de communication.
Néanmoins, il Lorsque l’employeur met à disposition de ses salariés une messagerie électronique, repose sur lui l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur les conditions de fonctionnement de celle-ci (article L432-2-1 du Code du travail).
L’employeur donne ainsi au comité d’entreprise une information préalable sur la mise en place du système de collecte et de traitement de données à caractère personnel. Cette consultation n’implique évidemment pas que l’employeur obtienne l’assentiment du comité à ses projets.
Il reste maître d’un droit de contrôle et de surveillance de l’activité de ses salariés, pendant le temps de travail ce qui l’autorise à un contrôle de la correspondance professionnelle.
Voyons quelle est l’étendue du secret de correspondance (1) puis ses limites et son étendue (2).
I – L’étendue du secret de correspondance électronique
L’application du principe du secret des correspondances émises par voie de télécommunication électronique a été établie par la jurisprudence à commencer par le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans une décision du 2 novembre 2000.
Le tribunal rappelle dans cette décision que « toutes relations par écrit entre deux personnes identifiables, qu’il s’agisse de lettres, de messages ou de plis fermés ou ouverts constitue une correspondance couverte par le secret.
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C’est ainsi que ce secret exclue l’employeur de la sphère privée de ses salariés l’empêchant en principe d’avoir accès au courrier électronique de ses salariés échangé même durant le temps de travail et par des moyens mis à la disposition de ceux-ci par l’employeur.
Tel est donc le principe mais il convient de rappeler que dans l’hypothèse de messageries électroniques mises à la disposition des salariés, le secret de la correspondance recule face au droit de contrôle et de surveillance de l’employeur fondé sur le lien de subordination qui le lie à ses salariés.
Rappelons à titre préliminaire que la Cour de cassation rappelle régulièrement que la loyauté doit présider aux rapports de travail et que l’employeur a le droit de contrôle et de surveillance de ses salariés pendant le temps de travail. Toutefois l’emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite (Cour de cassation, soc., 14 mars 2000).
Il résulte de ce constat que l’employeur mettant à disposition de ses salariés une messagerie électronique peut mettre en place un dispositif de contrôle de celle-ci à la condition d’avoir préalablement porté à la connaissance de ses salariés celui-ci. En général, des chartes déontologiques fixant l’utilisation des nouvelles technologies dans l’entreprise sont mises en place par l’employeur.
Il faut en outre rappeler que le contrôle exercé par l’employeur devra avoir un intérêt légitime et tous les moyens mis en œuvre devront être proportionnés au but recherché. En pratique, l’objectif du contrôle exercé par l’employeur ne peut qu’être professionnel mais ne peut répondre à la recherche d’une faute constitutive d’une cause de licenciement, par exemple.
Voyons quelles sont les limites de ce droit de contrôle et de surveillance de l’employeur.
Le 25 mai 2018, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a rendu un avis dans lequel elle donne une liste de recommandations aux employeurs afin de contrôler la messagerie de leurs salariés tout en respectant leurs droits. La CNIL a ainsi affirmé que l’employeur pouvait consulter l’activité de leurs employés sur le net que ce soit la consultation des messages à caractère privé ou bien même des sites consultés par cette personne.
La CNIL a indiqué que cette consultation pouvait se faire même hors de la présence dudit employé. Cependant dans un arrêt de la jurisprudence judiciaire la Cour de cassation avait affirmé que “le règlement intérieur peut toutefois contenir des dispositions restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur en le soumettant à d’autres conditions.” (C.Cass chambre sociale 26 juin 2012 n° 11-15.310).
Dans cet arrêt la Cour de cassation admet ainsi qu’un règlement intérieur peut limiter les pouvoirs de consultation de l’employeur sur l’activité numérique de son salarié en lui imposant de nouvelles obligations. Le règlement intérieur d’une entreprise peut donc prévoir que la consultation des mails de l’employé ou des sites visités par celui-ci ne pourra se faire qu’en sa présence.
II – Les limites du droit de contrôle et de surveillance de l’employeur sur la messagerie électronique de ses salariés
Le courrier électronique professionnel, par définition, a une finalité propre et tout détournement de son usage peut être très légitimement sanctionné. Et c'est ainsi que constitue une faute grave le fait pour un salarié d'utiliser l'adresse électronique contenant le nom de son employeur pour envoyer des messages antisémites (Cass. soc., 2 juin 2004).
L'utilisation d'une telle adresse justifie d'ailleurs l'octroi de dommages et intérêts lorsqu'elle porte atteinte à la réputation de l'entreprise (Cass. crim., 19 mai 2004).
En outre, l’employeur ayant averti ses salariés des moyens de contrôle de la correspondance électronique, ne peut que prendre connaissance des courriers électroniques professionnels.
Le fait pour les salariés qui ont fautivement détourné l’usage des messageries électroniques professionnelles à un usage privé, ne peut en aucun cas autoriser son employeur à prendre connaissance des messages privés. Il peut tout au plus constituer un motif légitime de licenciement sans que le contenu puisse en être dévoilé.
En pratique, un salarié qui utilise sa messagerie électronique pour l’échange de messages personnels peut être sanctionné sur le simple fait d’avoir détourné sa messagerie électronique mais pas sur le contenu de ce mail.
Il est difficile toutefois, à la simple vue du nom du correspondant de déterminer si le courrier figurant dans la messagerie électronique constitue une correspondance privée, sans en connaître le contenu.
Dans l’avis du 25 mai 2018, la CNIL a énoncé plusieurs limites au contrôle exercé par l’employeur sur l’activité numérique de son employé. Elle a ainsi jugé excessif le fait de recevoir tous les messages écrits ou reçus par l’employé en copie automatique. La CNIL a rappelé l’interdiction pour les employeurs de consulter les messages privés des employés même ceux contenus sur sa messagerie professionnelle.
Elle a indiqué que pour protéger ces messages privés il devait être identifié comme tel. Ainsi pour bénéficier de cette protection il faudrait dans leur objet rajouter la mention “Personnel” ou “privé” par exemple. Il est également possible de les stocker dans un répertoire intitulé “Personnel” ou “Privé”. Cette protection est levée si une enquête est en cours ou si un juge donne l’autorisation d’accéder à ses messages.
La CNIL a aussi fait savoir que l’employé n’était pas obligé de communiquer ses mots de passe et ses identifiants à l’employeur. Cependant si l’employé détient des informations essentielles pour la poursuite de l’activité de l’entreprise alors l’employeur est en droit de lui demander de communiquer les informations permettant d’y accéder notamment ses identifiants et son mot de passe.
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