LA NOUVELLE LOPPSI 2
La loi LOPPSI a connu une nouvelle évolution : la loi LOPPSI 2, celle-ci comprenant des dispositions concernant notamment la lutte contre la cybercriminalité, la contrefaçon ou encore la protection des mineurs. Mais la nouvelle loi LOPPSI 2 prévoit également de nouvelles dispositions en matière de permis de conduire.
La nouvelle Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure du 14 mars 2001, dites LOPPSI 2, prévoit en son sein toute une partie dédiée à la sécurité routière. Cette nouvelle législation inclus notamment, dans le but de sécuriser d’avantages la circulation routière, une modification des articles L223-1 et L223-6 du code de la route portant sur les points liés au permis de conduire.
A ce titre d’ailleurs, le sénateur Alain Fouché fit adopter en première lecture du projet de loi devant le Sénat, un amendement visant à établir une récupération des points dans un délai d’un an, face aux trois ans prévus jusqu’ici.
A la lecture de ces modifications, on peut donc se permettre de penser que la nouvelle loi LOPPSI 2 vise à assouplir les règles en vigueur.
De fait, les mesures visant le permis de conduire à points par la nouvelle loi LOPPSI 2 devraient être bien accueillies (1. Toutefois, certains articles relatifs à Internet devraient quant à eux faire l’objet de nouveaux amendements (2).
I. Des points de permis récupérés plus rapidement ?
Voilà une nouvelle qui devrait faire plaisir aux automobilistes. Le Sénat a adopté un amendement permettant de réduire les délais de récupération des points perdus sur le permis de conduire. Et c'est contre l'avis du gouvernement qu’un sénateur a décidé de soumettre cet amendement.
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Si le conducteur a commis une infraction entraînant le retrait d'un seul point, il le récupérera dans un délai de six mois contre un an actuellement. De même la totalité des douze points pourra être restituée dans un délai d'un an au lieu de trois actuellement. Dans les deux cas la condition reste la même : il ne faut commettre aucune infraction pendant le délai imparti.
Il s’agit là de répondre à la sévérité rencontrée lors de légers délits et de faire diminuer l’aspect répressif de la LOPPSI 2. Ce nouvel amendement devrait également permettre de réduire les « échanges » de points avec des proches, et les cas de conduite sans permis.
A l'opposé, la commission des Lois, le ministre de l'Intérieur, et des acteurs de la sécurité routière ont exprimé leur désaccord. Parmi eux, certains sont plus favorables à un rétablissement du permis blanc avec un relèvement des seuils.
Mais si le Sénat a assoupli certains points, il est aussi plus ferme dans d'autres cas, voire même extrêmement sécuritaire. Il prévoit ainsi une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire de stupéfiants, de refus de se soumettre à un test d'alcoolémie ou de stupéfiant et de délit de grande vitesse, le tout en état de récidive.
Bien que la condition de récidive soit évoquée, on pourra s’interroger quant à l’application réelle de la peine évoquée, la confiscation du véhicule apparaissant comme une rétention d’Etat bien trop rude. L’amendement en question ne répond aussi pas à la question de savoir comment et à partir de quand les automobilistes récupèreront leurs véhicules.
Nul ne doute en tout cas que si les mesures concernant le permis seront bien accueillies, celles sur une éventuelle confiscation feront plutôt frémir. Toutefois, il ne semblerait pas que la peur soit un facteur déterminant dans la commission d’infraction de la route … Donc d’aucuns resteront perplexes sur l’avenir de cet amendement.
Pour l'instant ces mesures ne sont pas encore définitives. Le texte doit à nouveau passer devant l’Assemblée Nationale et rien ne dit qu’elles seront confirmées.
II. La liberté sur Internet remise en cause par le débat sécuritaire ?
Nombreuses sont les inquiétudes quant aux conséquences négatives de la LOPPSI 2 sur la liberté d’expression en ligne, alors que le projet de loi adopté en première lecture par le Sénat prévoit la mise en place d’un système de filtrage (A), et risque de dégrader l’environnement de travail des journalistes et des blogueurs (B).
A. Filtrage et captation de données : attention à la Liberté des Personnes
Pour limiter l'espace de liberté qu'est Internet, il faut le contrôler. Plusieurs articles de la LOPPSI 2 concernent directement Internet. C'est notamment le cas de l'article 23 relatif à la captation des données informatiques.
Celui-ci autorise les officiers et agents de police judiciaire (sur commission rogatoire) à surveiller l'activité informatique et Internet d'une personne pour des affaires de crimes et délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 (meurtre, trafic de stupéfiants, aide au séjour irrégulier d'étranger, etc.).
En vertu de cet article, le juge d'instruction peut, et après avis du procureur, autoriser la mise en place « d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données ou telles qu'il les y introduit par saisie de caractères. »
Dans le cadre d'une instruction, la captation de données est autorisée pour une durée de 4 mois pouvant être prolongée durant 4 mois supplémentaires. Ce dispositif technique pourra être matériel (un équipement d'écoute installé manuellement) mais aussi logiciel (spywares, virus).
L'article 23 de la LOPPSI 2 précise en effet que « le juge d'instruction peut également autoriser la transmission par un réseau de communications électroniques de ce dispositif. » Il pourra donc potentiellement s'agir d'un programme dit espion, en quelque sorte un cheval de Troie légal (avec des fonctions de keylogger pour enregistrer les "saisies de caractères").
Autre élément de la loi relative à Internet, l'article 4 (qui modifie la LCEN) relatif à la lutte contre les contenus « présentant un caractère manifestement pornographique. » Ainsi, « lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère manifestement pornographique le justifient », l'autorité administrative notifiera aux opérateurs l'adresse des sites dont ils devront filtrer l'accès. Seule concession : la possibilité pour l'autorité administrative de saisir le juge lorsque le caractère pornographique n'est selon elle « pas manifeste. »
Par ailleurs, l'infraction d'usurpation d'identité à Internet (article 2 de la LOPPSI 2) sera étendue, et punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.
Désormais, le fait sur Internet « d'usurper l'identité d'un tiers ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, sera donc puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Cette disposition, extrêmement large, présente toutefois le risque de sonner le glas de l'utilisation de pseudonymes (risque de sanction en cas d'utilisation du pseudo d'un autre), de fausse-identité, de la création de profils visant à caricaturer ou faire la satire de personnes connues.
Enfin, les expérimentations et les mises en œuvre du filtrage dans différents Etats ont déjà apporté la preuve de ses limites, mais aussi de ses possibles dérives.
Filtrer le Web ? L'Australie l'a fait. Résultat : des milliers de sites en aucune façon pédophiles ont été abusivement rangés dans les listes noires et rendus inaccessibles.
De même, en Grande-Bretagne, où l'Internet Watch Foundation, l'organisme britannique en charge de la lutte contre la diffusion d'images pédopornographiques, avait adressé une requête aux FAI afin de bloquer l'accès, sur Wikipedia, à la pochette de l'album "Virgin Killers", du groupe Scorpions. Conséquence : un surblocage, un effet de bord souvent cité par les FAI, de l'encyclopédie en ligne, inaccessible aux internautes anglais durant 48 heures.
L'Allemagne à elle fait machine arrière après des tests non concluants. Parmi la liste noire de 8000 sites de la police, 110 seulement contenaient effectivement des images pédopornographiques. Ces sites avaient été listés sans contrôle par l'autorité judiciaire, comme le propose d’ailleurs la LOPPSI 2.
En France, l'AFA, l'association des fournisseurs d'accès, estime que le blocage doit être l'ultime recours. La fédération française des télécoms et l'Asic, l'association des services en ligne, ont toutes deux adopté des positions critiques. L'Asic soutient ainsi la validation de la liste noire de sites par l'autorité judiciaire. Mais le gouvernement, et désormais le sénat, ont confié ce pouvoir à une autorité administrative. Reste à connaître la position de l’Assemblée sur ce point.
Reste qu’un filtrage automatique et systématique par mots clefs, déterminé de manière secrète, par une autorité rattachée au pouvoir exécutif, et contre laquelle il n'y aurait aucun recours possible a priori, serait forcément sujet à des dérives, et pourrait s'apparenter à une tentative de censure.
En tout cas, dans les rangs mêmes des fonctionnaires chargés de la lutte contre la pornographie enfantine, le filtrage ne fait pas l'unanimité. Qu’en penseront donc les Députés, et qu’en sera-t-il de cette loi à l’égard des sources journalistiques ?
B. Cyber-perquisitions et atteintes des sources
L’article 23, qui prévoit des « logiciels espions » et des « cyber-perquisitions », est contraire par essence au respect du secret des sources et ne devrait pas être utilisé contre un journaliste. Toutefois, les blogueurs, journalistes non professionnels, ne sont pas protégés par la loi. Qu’en sera-t-il de leur situation ?
La LOPPSI 2 autorisera ainsi les enquêteurs à placer des mouchards sur les ordinateurs de suspects, sous le contrôle d’un juge d’instruction. Dans le cas où des délits sans rapport avec l’objet de l’installation du mouchard seraient trouvés, cette surveillance pourra bien évidemment être utilisée pour engager des poursuites. Cette disposition représente donc un risque manifeste pour le secret des sources, un risque pour l’expansion des blogs sur la Toile, mais aussi le risque de dégrader l'environnement de travail des journalistes en général, et de leurs sources de plus en plus recherchées.
L'article 23 permettra d'installer des "mouchards" au sein même des ordinateurs. La mesure prévoit bien sûr que ces "écoutes" informatiques seront rigoureusement encadrées par les juges d'instruction. Mais ces précautions ne rassurent pas les sceptiques, parmi lesquels la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Aussi, comment faire confiance au juge d'instruction pour encadrer les cas où l'installation des mouchards pourra être autorisée, lorsqu' est justement prévue la suppression de ce statut, véritable clé de voûte et garant du système pénal français et de l’indépendance de la Justice ?
De même, bien que seules les infractions les plus graves soient envisagées pour la mise en place de tels dispositifs, il existe un risque d’engrenage, de telle sorte qu’une fois cette mesure votée, elle pourra bien plus facilement être étendue, réduisant ainsi l’espace de liberté présent sur Internet.
Avec la LOPPSI 2, un officier de police judiciaire pourra bientôt fouiller toutes les données présentes sur un ordinateur. Toutes. Il pourra lire les frappes clavier, activer le micro, la webcam, pourra regarder les fichiers … Une telle mesure peut paraître disproportionnée par nature.
Bien que la sécurité soit en jeu, faut-il véritablement sacrifier autant de liberté, voire donner accès à sa vie privée, et ainsi donner autant de pouvoir aux autorités judiciaires ? Rien n’est moins sur.
Enfin, beaucoup s’inquiètent actuellement de la tendance des Etats démocratiques à surveiller et à contrôler de manière accrue Internet. Les lois DADVSI, Hadopi et LOPPSI, et leurs équivalents en Europe, sont le reflet de cette méfiance qui pourrait s’avérer dangereuse pour la liberté d’expression et d’information.
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