Le droit de la preuve peut autoriser la présentation d’informations normalement soumises à la protection du secret des affaires. L’équilibre entre le droit à la preuve et le respect du secret des affaires constitue un enjeu fondamental dans le cadre des litiges commerciaux contemporains.
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Dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel, la protection des informations sensibles et stratégiques est cruciale pour les entreprises. En effet, le secret des affaires vise à sauvegarder les connaissances, les savoir-faire et les informations confidentielles qui, si elles étaient divulguées, pourraient nuire à la position concurrentielle d’une entreprise sur le marché. Cependant, le droit à la preuve, qui est un principe fondamental du procès équitable, peut parfois entrer en conflit avec cette nécessité de protection.
La jurisprudence, notamment à travers l’arrêt du 5 février 2025 (pourvoi n° 23-10.953), offre des éclaircissements sur les conditions dans lesquelles le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments couverts par le secret des affaires. L’article L. 151-8, 3° du code de commerce, dispose que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.
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Cette disposition souligne que le secret des affaires peut être levé dans certaines circonstances, lorsque cela est justifié par un intérêt supérieur. En ce sens, l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales vient renforcer cette idée, en affirmant que le droit à un procès équitable inclut le droit à la preuve.
Par conséquent, lorsque la production d’éléments protégés par le secret des affaires est indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte au secret est strictement proportionnée au but poursuivi, la balance penche en faveur de la transparence et de la justice. Cependant, cette approche nécessite une analyse rigoureuse des circonstances de chaque affaire.
La Cour de cassation, dans son arrêt précité, souligne que les juridictions inférieures doivent examiner si la production d’une pièce protégée par le secret des affaires est réellement indispensable pour établir les faits allégués, tels que la concurrence déloyale. De plus, il appartient aux juges de vérifier si la gravité de l’atteinte au secret est proportionnelle à l’objectif poursuivi.
À ce titre, il convient de rappeler que la simple nécessité de produire une preuve ne saurait justifier, en soi, la levée du secret des affaires. Les implications de cette problématique sont nombreuses et méritent une attention particulière. Les entreprises doivent naviguer entre leur besoin de protéger leurs informations sensibles et leur obligation de respecter les procédures judiciaires.
Les juges, quant à eux, doivent veiller à garantir des décisions justes tout en respectant les droits des parties. Il en résulte une dynamique complexe où le droit à la preuve et la protection du secret des affaires doivent être soigneusement équilibrés pour préserver l’intégrité du système judiciaire tout en protégeant les intérêts commerciaux légitimes.
À travers cet article, nous examinerons plus en détail les implications de cet arrêt de la Cour de cassation, en analysant les conditions dans lesquelles le droit à la preuve peut justifier la levée du secret des affaires
Les statuts des guildes, comme ceux des drapiers de Paris en 1268, imposaient le secret sous peine d’exclusion. Le savoir-faire, appelé “mystery” en anglais, était transmis oralement pour éviter la divulgation. Par exemple, les verriers de Murano à Venise, confinés sur une île au XVe siècle pour protéger leurs techniques, illustrent l’ancêtre du secret industriel.
Le Statute of Monopolies anglais de 1623 marque un tournant en reconnaissant les brevets tout en laissant le secret comme alternative pour les innovations non brevetables. Un cas emblématique est celui de la recette secrète du Coca-Cola, jamais brevetée pour éviter la divulgation, et qui reste protégée depuis 137 ans.
Au XXe siècle, les procès sur les secrets industriels, comme celui de DuPont contre Rolfe Christopher en 1970 concernant la photographie aérienne d’usines, posent les bases du droit moderne.
Le principe “actori incumbit probatio”, issu du droit romain, structure les systèmes juridiques occidentaux. La CEDH, dans l’affaire Dombo Beheer contre Pays-Bas en 1993, érige le droit à la preuve en composante du procès équitable.
Pour Jürgen Habermas, dans sa “Théorie de l’agir communicationnel”, la transparence judiciaire est un pilier de la démocratie délibérative. À l’inverse, Friedrich Hayek, dans “Droit, Législation et Liberté”, souligne les risques d’une intrusion excessive de l’État dans les affaires privées.
L’article L. 151-8 du Code de commerce dispose que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est nécessaire pour exercer un droit à réparation ou protéger un intérêt légitime.
Des mesures comme les “Confidentiality Clubs”, inspirés du droit anglo-saxon, permettent de limiter l’accès aux informations sensibles à un nombre restreint de personnes, comme dans l’affaire Safran contre Airbus. Les ordonnances de scellement, utilisées dans les litiges spatiaux comme Thales contre SpaceX, protègent les données après l’audience.
Cette doctrine empêche un employé de rejoindre un concurrent si son savoir-faire rend la divulgation inévitable, comme dans l’affaire IBM contre Papermaster en 2008.
Dans cette affaire, Greenpeace a demandé l’accès à des rapports internes sur les émissions de CO2, invoquant l’intérêt public environnemental. La CJUE a autorisé la divulgation partielle, sous anonymisation des données techniques critiques, créant un précédent sur la supériorité de l’intérêt public en matière climatique.
La France a ordonné à Meta de divulguer des algorithmes publicitaires suspectés de discrimination. La CEDH a validé la demande, estimant que la lutte contre les discriminations justifie une atteinte proportionnée. Les algorithmes ont été communiqués sous forme agrégée, sans révéler le code source.
Dans cette affaire, Tesla a accusé Rivian de vol de secrets sur les batteries par d’anciens employés. Le tribunal a ordonné une forensic audit des serveurs de Rivian, sous supervision d’un tiers neutre, et a condamné Rivian à 1,2 milliard de dollars pour dommages punitifs.
Les réseaux de neurones profonds sont par nature incompréhensibles. Dans l’affaire HealthAI contre MedTech, le juge a imposé une explicabilité partielle sans divulguer l’algorithme.
Les données restent décentralisées, mais les modèles d’IA sont partagés. Dans l’affaire Google Health contre Mayo Clinic, un accord a été trouvé sur des modèles chiffrés accessibles uniquement via une API sécurisée.
Un contrat automatisé sur blockchain Ethereum a révélé involontairement des clauses secrètes. Dans l’affaire CodeLaw contre ChainSecure, la divulgation accidentelle a entraîné la perte de protection.
Un NFT inclut des éléments protégés par le secret, posant des problèmes de traçabilité et de responsabilité.
Un avatar a espionné une réunion confidentielle dans le métavers MetaWorld, soulevant des questions sur la qualification du vol.
Il est essentiel de garantir l’intégrité des preuves issues du métavers, par exemple en utilisant des timbres blockchain.
Le secret doit être protégé comme un bien rival, car sa divulgation réduit sa valeur. Cependant, cette approche peut nuire à l’innovation cumulative, comme dans le cas des logiciels open-source.
La transparence est un bien commun, et les exceptions au secret doivent être élargies, notamment dans les secteurs stratégiques comme le climat et la santé. Une proposition est de créer un droit à l’audit pour les ONG.
Inspiré de l’OMPI, ce registre permettrait une déclaration encadrée sans divulgation, bien qu’il présente des risques de piratage et de centralisation des données sensibles.
Sur le modèle de l’Unified Patent Court européen, une juridiction dédiée aux secrets et preuves pourrait être créée.
Il est proposé d’imposer des standards d’explicabilité, comme la norme ISO/IEC 24027, pour concilier transparence et protection.
Le droit à la preuve et le secret des affaires ne sont pas des antipodes, mais les deux faces d’une même médaille : celle d’un droit en constante adaptation aux défis de son temps. Les récentes évolutions jurisprudentielles, technologiques et géopolitiques appellent à une refondation équilibrée des principes, où la nécessité et la proportionnalité restent les boussoles du juge. Les innovations procédurales, comme les confidentiality clubs et les audits numériques, pallient les rigidités traditionnelles, tandis que la coopération internationale atténue les conflits de souveraineté. À l’aube de la décennie 2030, le droit est confronté à un impératif : protéger les secrets sans sacrifier la vérité, et garantir la preuve sans étouffer l’innovation. Comme l’écrivait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – une maxime qui guide plus que jamais cet équilibre délicat.
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