L’USURPATION DE L’IDENTITE NUMERIQUE : LES RESEAUX SOCIAUX SUR LA SELLETTE
Les réseaux sociaux ont connu un développement exceptionnel sur la toile. Cependant plus les réseaux sociaux ont pris du poids et plus l’usurpation d’identité s’est développée sur le Net. Il est donc important de savoir si les internautes ont réellement la maîtrise de leur identité numérique.
Si ces réseaux sont des outils de communication reconnus, il ne faut pas en abuser et les utiliser à bon escient. En effet l’usurpation de l’identité numérique d’un internaute est un risque important pour celui-ci, et d’autant plus facilité par la disponibilité de ses données sur internet.
A priori, des clauses de confidentialité existent pour protéger les internautes, mais souvent celles-ci sont mal connues, mal utilisées ou tout simplement partiellement inefficaces. D’ailleurs à plusieurs reprises des plaintes ont été lancées contre Facebook pour non-respect de la vie privée.
D’ailleurs il n’est pas forcément nécessaire, pour usurper l’identité numérique d’une personne, d’employer des méthodes de tromperies telles que le « phishing » (qui consiste à récolter des informations sensibles d’internautes en les trompant sur la fiabilité d’un site, de par la similarité de son nom de domaine avec un réseau reconnu par exemple) : il peut parfois suffire de recourir à certaines méthodes simples, telles que le « doxing », qui consiste à récolter le plus d’informations possible sur un particulier en « épluchant » toutes les informations sur lui disséminées sur internet.
La question qui se pose est donc de savoir si les internautes ont ou non la maîtrise de leur identité numérique. Autrement dit, parviennent-ils à gérer les traces qu’ils laissent sur les réseaux sociaux ? Peuvent-ils réellement se prémunir de toute usurpation d’identité à leur encontre ? Le sujet fait débat. D’une part, parce que cela porte atteinte à cette liberté fondamentale qu’est le respect de la vie privée (1). D’autre part, parce que la sanction relative au délit d’usurpation numérique était jusqu’alors inexistante (2).
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I) Usurpation de l’identité numérique et atteinte à la vie privée
S’il est nécessaire de protéger sa vie privée sur Internet (A), personne n’est à l’abri d’une usurpation d’identité comme en témoigne l’affaire du faux profil d’Omar sur Facebook (B).
A) La protection de la vie privée sur Internet
A l'heure où les moteurs de recherche de personnes se multiplient, où les recruteurs googlisent fréquemment les postulants et où la vitesse de circulation des informations sur la toile est plus rapide que jamais, il convient de faire attention. Les excès ne sont jamais bons, ce n'est pas la peine de devenir paranoïaque et d'effacer toutes traces de sa vie numérique.
Si certains évènements fracassants sont repris de toutes parts, comme ce stagiaire renvoyé ou cette avocate en litige avec sa direction pour cause de photos érotiques, n'oublions pas que ces faits sont rares. Il est toutefois indispensable de prendre en compte la durée de vie des informations laissées en ligne et les risques encourus.
En effet, Internet amène parfois à la violation de droits fondamentaux, tel que l’atteinte à la privée. Un équilibre entre sécurité des données personnelles et protection de la vie privée est donc nécessaire. Paradoxalement, bien que les Français se montrent très attachés à la protection de leur vie privée, nombre d’entre eux s’exposent volontairement sur des sites tels que Facebook. La maîtrise des informations en ligne les concernant est donc indispensable.
L'occasion de rappeler quelques règles de bons sens, qui notons le, restent toujours les mêmes : inutile de partager ces connaissances religieuses ou politiques avec tout le monde, évitez de copiner avec des inconnus, de diffuser des photos de beuveries… Des points basiques donc. Mais ces règles sont-elles réellement efficaces contre l’usurpation de l’identité numérique ?
B) Facebook et faux profil
Un internaute qui avait créé un faux profil de l’artiste comique Omar Sy sur Facebook a été condamné à 4 000 euros dont 2 500 euros à titre de réparation, par une ordonnance de référé du 24 novembre 2010 du TGI de Paris. Pour créer cette page, il avait utilisé l’identité du comédien et il avait mis en ligne des clichés le représentant seul ou avec son partenaire de scène. Elle contenait également des commentaires que l’artiste était censé avoir écrit ainsi les réponses de ses « amis » qui y avaient accédé pensant s’adresser à lui.
Considérant qu’une telle mise en ligne constituait un « avatar fictif qui parasite sa vie privée », Omar Sy a fait identifier l’internaute, grâce à son adresse IP, avant de l’assigner en justice pour avoir usurpé son identité. Ce dernier a été assigné en référé sur le fondement de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image de l’artiste.
Le tribunal lui a finalement donné raison, en rappelant que « toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit, en application de l’article 9 du code civil, au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même les limites de ce qui peut être divulgué à ce sujet ». Les juges rappellent que quelque soit sa notoriété, toute personne a droit au respect de sa vie privée.
Ils relèvent cependant que « s’il est exact que les prénom et nom du demandeur ainsi que sa date de naissance sont des éléments d’identité ne relevant pas de la vie privée, en revanche aucun élément ne justifie que les informations concernant ses goûts ainsi que le nom de certains de ses amis soient portées à la connaissance du public ». De la même façon, écrivent les magistrats, « le défendeur ne pouvait, sans le consentement du demandeur, publier des photographies de celui-ci pour illustrer un site portant atteinte à sa vie privée ». D’où la sanction prononcée par le tribunal.
II) Usurpation de l’identité numérique et sanctions
Le délit d’usurpation d’identité numérique est désormais sanctionné par la loi Loppsi 2 du 21 décembre 2010 (A). Mais les tribunaux n’ont pas attendu l’adoption de la loi pour sanctionner les usurpateurs (B).
A) Le délit d’usurpation de l’identité numérique
La loi d’Orientation et de programmation pour la sécurité intérieure , dite loi Loppsi 2 vise, entre autre, à définir et sanctionner le délit d'usurpation d'identité dans les télécommunications électroniques. L’article 2 dispose en effet que, « l'utilisation malveillante, dans le cadre des communications électroniques, de l'identité d'autrui ou de toute autre donnée personnelle, en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou sa considération sera passible de 15 000 euros d'amende et d'un an de prison ».
Jusqu’à l'adoption de ce texte, aucune définition ni sanction spécifique du délit d'usurpation d'identité numérique n’était légalement prévue. En effet, en France, l'usurpation d'identité est, dans certaines circonstances, un délit pénal qui peut être sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende comme le précise l'article 434-23 du Code pénal. Mais en aucun cas le code ne fait mention de l’aspect numérique. Les juges ont donc dû s’adapter à ce vide juridique.
En matière de phishing par exemple, aux termes d’un jugement du 21 septembre 2005, le Tribunal de grande instance de Paris avait condamné sur le fondement de la contrefaçon de marque et la contrefaçon d’un site web un internaute pour avoir réalisé sur un site personnel une imitation de la page d’enregistrement à Microsoft MSN Messenger afin de recueillir, des personnes susceptibles de s’enregistrer, des données personnelles et confidentielles.
Par ailleurs, il convient de rappeler que tant le nom que le pseudonyme sont civilement protégés contre les usurpations par les dispositions de l’article 1382 du Code civil et que l’article 9 du même code permettra de mettre en jeu la responsabilité civile de l’usurpateur qui dévoilerait des aspects de la vie privée de la personne dont il a pris l’identité. Ils existent d’ailleurs de nombreuses affaires relatives à l’usurpation de l’identité numérique . Mais l’une d’entre elles est particulièrement intéressante .
B) Un jugement qui montre la voie
En l’espèce, un homme avait usurpé l'identité d'une de ses amies sur des sites de rencontre. Il avait publié des petites annonces non ambiguës sous le nom de celle-ci (qui est mariée), en donnant ses coordonnées personnelles. Elle était alors contactée sans cesse par des hommes dont elle ignorait l’existence.
Affectée par ces appels, cette femme porte plainte contre X. Le coupable a pu être retrouvé grâce à la communication des informations de connexion aux services de police des deux sites de rencontre concernés : Meetic et Vivastreet.
Munies de ces informations, les forces de l’ordre demandent, avec l’accord d’un juge, à l’opérateur télécom de leur fournir l’identité de la personne qui a souscrit l’abonnement correspondant à cette adresse. L’usurpateur passe en comparution immédiate pour « violence avec préméditation ». L’homme de 29 ans souhaitait apparemment se venger d’elle suite à une dispute. Verdict : six mois de prison avec sursis et 1500 euros de dommages et intérêts.
Le tribunal correctionnel de Meaux a été sans complaisance infligeant de la prison avec sursis à cet homme pour avoir usurpé l’identité de son amie. Ce jugement semble vouloir montrer l’exemple pour dissuader les plaisantins malintentionnés d’avoir recours à cette forme de vengeance, et ce, avant même l’entrée en vigueur de la loi Loppsi 2. Que dire donc si ce n’est que l’usurpation d’identité coûte cher aussi sur Internet.
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