CONSTAT D'HUISSIER SUR INTERNET (SEPTEMBRE 2007) Internet, milieu dématérialisé par
excellence a posé de nouveaux problèmes en matière d’administration de la
preuve à la fois d’ un point de vue technique et
juridique. Point de vue
technique : Les données qui y circulent sont
disponibles dans le monde entier sans interruption. Ceci peut présenter de
nombreux avantages à pour l’huissier qui, depuis son étude peut procéder à
toutes les opérations d’investigation nécessaires et copier toutes les données
litigieuses mais requiert toutefois le respect de certaines conditions
techniques. Ainsi, les juges ont admis à plusieurs
reprise la régularité de tels constats et l’absence de toute saisine préalable
du juge des requêtes dans la mesure où il n’y a pas de pénétration dans le domicile
d’un individu ( TGI Paris, 14 août 1996, TGI Paris, 5
mai 1997, TGI Paris 10 juin 1997). En
outre, dans un arrêt du 25 octobre 2006, la Cour d’appel de Paris a considéré
que le constat ne permet à l’huissier que de capturer des pages d’écran et non d’effectuer
des copies ou d’ « aspirer » un site internet sous peine de
commettre une contrefaçon descriptive. Cependant, par un arrêt du 17 novembre
2006, la même Cour a refusé d’accorder toute valeur probante à un constat
d’huissier réalisé à partir de capture d’écran. En effet, dans cette affaire
opposant les sociétés Net Ultra et AOL France, « il n’était pas fait
mention de l’adresse IP du matériel ayant servi au constat, les cookies
n’avaient pas été supprimés et la mémoire cache n’avait pas été vidée, au
moment du constat ». Ceci ne permettait pas par conséquent d’établir avec
certitude que les pages consultées étaient effectivement en ligne au moment où
le constat a été dressé. De ce fait, le constat
d’huissier n’était pas nul, mais n’avait pas non plus de valeur probante. De la
même manière, dans son jugement du 7 février 2007, le Tribunal de grande
instance de Mulhouse a considéré que le manque de rigueur d’établissement
du procès verbal de constat lui enlevait toute force probante et a débouté la société
requérante de son action en contrefaçon et parasitisme. Il convient par conséquent d’en
conclure que pour qu’un constat d’huissier soit valable, le matériel à partir
duquel il procède doit être le plus « neutre possible ». Autrement
dit il ne doit aucunement interféré dans la
consultation du site tel qu’il est exactement au moment du constat. Ceci
revient à dire qu’il est indispensable que : -
l’appareil
à partir duquel l’huissier procède au constat soit identifié de même l’adresse
IP, de façon à pouvoir la recouper avec les données de connexions fournies par
l’hébergeur du site litigieux, -
que
tous les cookies aient été supprimé de l’ordinateur de
manière à ne pas influer sur la navigation de l’huissier sur le site -
que
la mémoire cache ait été vidée, pour s’assurer que le site visualisé par
l’huissier apparaît bien dans sa version la plus récente, ce qui est nécessaire
pour garantir la date et l’heure du constat. Ces précautions ne sont pas très
lourdes à mettre en oeuvres mais seule leur garantie permet au constat
d’acquérir une valeur probatoire suffisante aux yeux du juge. Point de vue
juridique : Le problème posé par ce type de
constat est qu’il peut à bien des égards être critiqué sur le terrain de la
loyauté de la preuve. En effet, les juges veillent scrupuleusement à ce qu’une
partie ne se ménage pas un avantage probatoire par la surprise, l’incorrection
ou la fraude et ce en vertu du principe du contradictoire. Or, lorsque
l’huissier s’introduit sur le site d’une entreprise, il le fait à la manière de
n’importe quel internaute sans s’identifier spécifiquement. S’il le faisait
cela supprimerait tout effet de surprise et l’éditeur du site aurait la
possibilité de retirer toutes les données litigieuses et par conséquent de
rendre toute preuve impossible.... Il est donc nécessaire de trouver un juste
équilibre entre l’effet de surprise et la loyauté de la preuve. Il est possible
d’avance qu’un mail envoyé juste après le constat et précisant les modalités de
celui-ci et son contenu suffise à garantir cette loyauté, dans la mesure où le
titulaire du site sait ce qui se trouve en ligne à un moment donné. Il ne sera
donc pas surpris par le contenu du constat et aura eu la possibilité de
préparer sa défense de la manière que face à une preuve classique.